Nouvel An Russe,

 Union Soviétique 2.0 ?

      À l’occasion d'une échange récent avec notre estimé camarade Bruno (Drweski) sur le thème d'actualité qui nous occupe prioritairement ces derniers temps, j'ai eu l'occasion de lui faire part de quelques commentaires sur la propagande massivement diffusée par notre appareil idéologique et sur quelques uns de ses sujets de prédilection.

          " l'épuisement imminent de l'arsenal russe" est le volapuck favori, voire le marronnier multi-saisonnier de nos "experts occidentaux" quand ils ne savent plus trop quoi raconter pour remonter le moral des troupes - voir notamment les articles débiles du Monde ou de Libé, ou les videos d'experts "maison" de BFM ou LCI.

        Pas plus que le reste ça n'est fondé sur une information sérieuse et en tout état de cause, pour l'instant, c'est démenti par les faits observables, de même que les choix tactiques (de l'armée russe, supposément défaite) semblent également porter leur fruits, voir par exemple, toujours puisé dans les  chroniques du Monde, pas plus tard qu'hier ).

      Sur la "guerre d'attrition" c'est une idée que les russes eux-mêmes propagent (y compris Poutine, donc avec des "intentions" précises, y compris à usage interne) mais, outre qu'il est clair que l'objectif des "faucons" du Kremlin est prioritairement de détruire les effectifs autant que le matériel militaire ukrainien, et que la situation économique actuelle leur est favorable, y compris sur le moyen terme (comparativement à celle des pays de l'OTAN, sans parler des ukrainiens!), on peut observer que Poutine et ses conseillers s'arrangent toujours pour surprendre tout le monde en faisant pourtant des choses parfaitement prévisibles (et très logiques de leur point de vue) voire attendues et dénoncées par leurs adversaires, mais pas du tout comme on aurait pu prévoir qu'ils les fassent.

      J'aurai donc tendance à penser que l'hiver ne sera pas une période d' "hibernation" de l'ours russe, mais qu'on va le voir débouler de manière parfaitement inopinée là où on ne l'attend pas.

      Dominique

 Bruno m'a répondu, en rappelant les analyses que nous avions proposé, dès le début de l'Opération Militaire Spéciale ( voir La revanche de Taras Bulba : prologue )

 

Bruno Drweski :

    J'ai tendance aussi à penser que "l'ours russe" poutinien ne compte pas hiberner, d'après plusieurs recoupements et une analyse logique de la situation stratégique. Et je pense qu'il est en état de ne pas hiberner mais d'agir à l'offensif. Je rajouterais même que c'est la seule solution pour le kremlin pour essayer de maintenir le système capitaliste hybride russe actuel, avec une bourgeoisie nationale en état de faire contrepoids à la bourgeoisie compradore ("les oligarques") car, à terme, si la guerre devait se prolonger, elle exigerait une mobilisation de la société russe telle que cela nécessiterait une révolution "étatiste", de type socialiste donc (dans le style de ce qu'avait pu et su faire l'URSS dans les années 1941-42), qu'elle se fasse à partir de la base, ou aussi à partir des éléments patriotiques progressistes toujours présents au sein des cercles au pouvoir. C'est plus ou moins l'analyse qu'on peut trouver dans les cercles d'analystes du KPRF. Elle me semble assez pertinente sur le plan logique.

      Nous sommes, socialement parlant, dans la situation analysée par Mao dans son traité "De la juste solution des contradictions au sein du peuple" où il fait une analyse départageant clairement la bourgeoisie compradore au service de l'impérialisme extérieur et la bourgeoisie nationale liée à un besoin de développement économique national, la masse du peuple ayant bien entendu intérêt à s'associer à cette dernière qui, elle, ne peut survivre qu'en faisant des concessions systémiques en cas de guerre prolongée aux représentants objectifs des masses populaires mobilisables et qui doivent donc savoir pour quel modèle social elles se battent. La Russie, contrairement à ce que prétendent nos gauchistes niais style post-trotskyste et nos libéraux stipendiés, n'est pas et ne peut pas être impérialiste. Quand bien même ses dirigeants en rêveraient, ce serait pour elle irréalisable à l'heure actuelle.

    Bruno

Actualité culturelle et littéraire

      Encore aujourd'hui nos "pressieux" de révérence feignent toujours de s'interroger sur "ce qui se passe dans la tête de Poutine" - ce dernier étant systématiquement présenté sur le mode du cliché rabâché, selon une sorte de métonymie de "l'âme russe" pervertie par son tropisme barbare oriental (comprendre : "totalitaire").
        Pour leur donner du grain à moudre et en propager un modèle à la fois conforme et consolant, notre appareil idéologique de classe moyenne - "l'idéologie dominante" comme ils disent eux-même, fait flèche de tout bois. Ainsi, le dernier succès "Gallimard" en librairie, au delà même du dernier Goncourt (pour lequel il était pressenti) et du Nobel une fois de plus maison (Annie Ernaux), est une fiction complaisante consacrée au nouveau Raspoutine du KGB. Le public "éveillé" parisien en est très friand, dument préparé et motivé qu'il est par la promotion enthousiaste qu'en font nos "critiques critiques" d'influence multimédiatique, car ce florilège insipide de clichés "anti-totalitaires" (en forme de "biopique" noir) leur est annoncé comme une réponse édifiante au "questionnement" qui les taraude.

      Pour celles et ceux qui souhaitent vraiment savoir et comprendre "ce qui se passe dans le cerveau dérangé de (Ras)Poutine", il est donc assez instructif de confronter l'analyse de Bruno Drweski à celle, facilement accessible que livre très régulièrement  et publiquement le "canal officiel" du Kremlin, précisément à l'usage des occidentaux que cela intéresse ou préoccupe.

       Dans un article publié récemment sur Russia Today Dmitry Trenin, professeur-chercheur à l'École supérieure d'économie et chercheur principal à l'Institut de l'économie mondiale et des relations internationales de Moscou, également membre du Conseil russe des affaires internationales, donne une petite idée de  la petite musique qui résonne dans la tête de Poutine et des milieux de pouvoir russe, et qui semble valider les conjectures de Bruno Drewski.

 

La Russie post-soviétique est morte,
mais qu'est-ce qui va remplacer l'Occident
comme inspiration première du pays ?

 

Le président russe Vladimir Poutine assiste à un concert marquant le huitième anniversaire de l'annexion de la Crimée par la Russie au stade Luzhniki de Moscou le 18 mars 2022. ©  Mikhail KLIMENTYEV / SPUTNIK / AFP

"Entrant dans une nouvelle période de turbulences en 2022, la Russie changera au-delà de ce qui a été jusqu'ici imaginé, mais nous ne savons pas encore précisément comment."
 

 

En guise de postface
une préface célèbre de Marx

 

       "Une formation sociale ne disparaît jamais avant que soient développées toutes les forces productives qu'elle est assez large pour contenir, jamais des rapports de production nouveaux et supérieurs ne s'y substituent avant que les conditions d'existence matérielles de ces rapports soient écloses dans le sein même de la vieille société.

       C'est pourquoi l'humanité ne se pose jamais que des problèmes qu'elle peut résoudre, car, à y regarder de plus près, il se trouvera toujours, que le problème lui-même ne surgit que là où les conditions matérielles pour le résoudre existent déjà ou du moins sont en voie de devenir.

      À grands traits, les modes de production asiatique, antique, féodal et bourgeois moderne peuvent être qualifiés d'époques progressives de la formation sociale économique. Les rap­ports de production bourgeois sont la dernière forme contradictoire du processus de produc­tion sociale, contradictoire non pas dans le sens d'une contradiction individuelle, mais d'une contradiction qui naît des conditions d'existence sociale des individus; cependant les forces productives qui se développent au sein de la société bourgeoise créent en même temps les conditions matérielles pour résoudre cette contradiction. Avec cette formation sociale s'achè­ve donc la préhistoire de la société humaine."

Karl Marx : "Critique de l'économie politique - Préface" 1859

Tag(s) : #Russie, #Ukraine, #Poutine, #Actualité culturelle, #Bruno Drweski, #URSS 2.0
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