De l'Ukraine à la Syrie et retour
(en passant par la Turquie et ses voisins)
En préambule et annonce de notre prochaine soirée
"Stratégie du chaos".
En 2021, nous avions averti nos lecteurs que la "pause" (dans sa destruction systématique du pays) à laquelle la "coalition" occidentale avait été contrainte en Syrie, suite à l'intervention salvatrice russe, allait très probablement être compensée par une exacerbation symétrique de la crise ukrainienne (elle-même en mode "pause" depuis les "accords de Minsk"); dès lors que tous ces conflits relèvent d'une même stratégie générale de chaos impérialiste, visant in fine la destruction de la Russie.
De même, au moment ou le désastre de la croisade ukrainienne de l'OTAN pointe au prochaines pages de l'agenda géopolitique de "l'occident collectif" il est probable que tout sera fait pour que l'attention de nos médias libres se reporte ailleurs que sur les cimetières qui sont à peu la seule chose qui progresse à vue d'oeil en Ukraine, du moins de notre côté du rideau de fer protégeant désormais notre Europe (pacifique) des valeurs libérales.
Ce sera le thème de notre prochain épisode de la Stratégie du chaos, et pour "faire la transition" de l'Ukraine à la Syrie, le plus court chemin passe par la Mer Noire et les Balkans.
Le « Balkan stream »
peut-il faire l’objet d’une attaque terroriste ?
Slobodan Reljić
Pečat, Belgrade, 15 septembre 2023.
La vérité veut que Viktor Orban ne soit pas un russophile quelconque ni un « homme de Poutine », comme le prétend une bonne partie de l’Occident collectif, mais simplement un nationaliste hongrois et un homme d’état responsable qui courageusement défend les intérêts de son pays, la Hongrie. Le fait qu’il bénéficie de l’attribut d’un homme d’état atypique au sein de l’OTAN et de l’UE parle non pas de lui personnellement mais de la majorité des autres dirigeants qui négligent les intérêts de leurs pays au profit de ceux des Etats-Unis. C’est pourquoi les positions défendues par Orban sont des message à l’adresse des dirigeants européens. Il leur montre en effet ce qu’ils vont devoir faire dans le domaine de la politique intérieure et de politique internationale pour rétablir la situation un tant bien que mal après avoir commis l’énorme erreur de rentrer dans la coalition antirusse. Il est évident que l’OTAN s’il souhaite poursuivre en tant qu’alliance militaire va devoir accepter ce que préconise Orban, à savoir revenir à sa stratégie défensive originelle. Orban insiste : « les Ukrainiens paient les erreurs des Occidentaux. Il en va d’une erreur politique et stratégique ».
Problème de réflexion et non pas de controverse. La Hongrie comme sa voisine, la Serbie, tentent de faire valoir leur souveraineté et leur droit de prendre les décisions stratégiques les concernant par elles-mêmes. C’est pourquoi, les tenants de la politique occidentale, voire ceux qui ont depuis longtemps perdu de vue la notion de souveraineté, estiment que la politique d’Orban notamment vis-à-vis de la Serbie est bizarre au regard de ce que font les autres pays de l’EU et l’OTAN. Cependant, les choses sont une fois encore simples – Orban estime que les bonnes relations avec la Serbie et la coopération économique avec ce pays sont dans l’intérêt de la Hongrie, refusant par conséquent de se joindre au bloc assez consistant de pays antiserbes de la région. Ici, il est évidement question de pays, influencés par les grands états occidentaux, qui trouvent leurs intérêts dans la propagation de la haine antiserbe. Orban a simplement constaté que cela est inacceptable et par trop nuisible aux intérêts de son pays. Partant, on comprend sa décision de céder (c’est-à-dire louer) à la Serbie un dépôt de gaz, acheté à la Russie, assurant ainsi la sécurité énergétique de la Serbie. Et non seulement ça, il s’est permis de signer avec la Serbie, vilipendée en Occident, un traité de défense et de sécurité. Bien évidemment, ceci est très important pour la Serbie puisque sa position géostratégique s’en trouve renforcée. C’est pourquoi il convient de prendre au sérieux l’avertissement proféré dans une interview au journaliste américain Tucker Carlson où Orban dit toute l’importance que représente pour les deux pays le « Balkan stream », vital pour la Hongrie comme pour la Serbie mais très menacé.
Ce qui caractérise Orban c’est que, sans égard où il se trouve – en Hongrie, en Serbie, en Roumanie, à Brussel ou à Vilnius au sommet de l’OTAN – il expose ses positions « sans retenue ni maquillage », très clairement sans penser si ses propos plairont ou pas. Celui qui a eu suffisamment de courage pour dire au sommet de l’OTAN en Lituanie qu’il faut donner à l’Ukraine la paix et non pas les armes mérite le respect.
Prétexte pour la guerre Dans l’interview à Carlson, il a averti des dangers potentiels d’un acte terroriste sur le « Balkan stream » et des lourdes conséquences qui en résulteraient. En défendant les intérêts hongrois, Orban défend également les intérêts vitaux de la Serbie. Il a dit à Tucker : « si on tentait une diversion sur le « Balkan stream » à l’égal de ce qui a été fait sur « Nord stream » nous considérerions qu’il s’agit d’une attaque terroriste, d’un casus belli. Il a ajouté que dans le cas d’une attaque sur ce gazoduc qui, partant de la Russie, passe par la Bulgarie, la Serbie et la Hongrie, Budapest et Belgrade se devrait de réagir, et le mot « guerre » explique clairement sa détermination. Il critique ouvertement les pays membres de l’UE pour leur manque de réaction à propos du sabotage du « Nord stream » : « la Hongrie a immédiatement qualifié le sabotage du « Nord stream » d’acte terroriste en attribuant la tiédeur de la réaction allemande à son manque de souveraineté ».
Partant, l’accord de collaboration avec la Serbie dans le domaine de la défense trouve sa pleine signification en dépit du fait qu’il en va d’un pays membre de l’alliance militaire occidentale et d’un pays que cette même alliance menace, ce qui à première vue ne semble pas logique. En tout état de cause, ces deux pays ont en commun un objet vital qu’ils planifient de défendre ensemble y compris, s’il le fallait, par la force armée. Le tracé du « Balkan stream » est long de 1.116 kilomètres (130 km en Turquie, 498 km en Bulgarie, 403 km en Serbie et 85 km en Hongrie) c’est-à-dire que la Hongrie et la Serbie sont responsables de la sécurité sur la moitié du gazoduc, l’autre moitié incombant à la Bulgarie et la Turquie.
Hersch a expliqué Si on prend en compte que le « Balkan stream » n’est qu’une partie du « Turkish stream » qui est en grande partie sous la mer Noire, il est clair qu’il est difficile de le protéger des terroristes, mais notre devoir est d’empêcher l’action des « terroristes d’état » sur notre territoire. Commentant l’avertissement de Viktor Orban sur un possible acte de sabotage, le président serbe Aleksandar Vučić a dit : » pour nous ce serait un cataclysme ».
Orban n’a pas nommé les terroristes potentiels mais il est évident à qui il pensait. A cette question Tucker Carlson a répondu sans ambages en acceptant les conclusions de son collègue américain Seymour Hersch qui a expliqué en détail la préparation et la réalisation de l’action terroriste sur le « Nord stream ». Au terme d’une argumentation détaillée Hersch a en effet conclu que le forfait résultait d’une action d’une unité des marines américains aidée par des spécialistes norvégiens. La décision a été prise par le président américain, Joseph Biden, après des consultations au sein de l’administration américaine. Les plongeurs américains ont placé les explosifs sous le gazoduc, les explosifs ont été ensuite activés par les norvégiens, c’est toute la vérité. C’est ainsi qu’il devient clair à qui pensait Orban. Ici il ne s’agit pas d’une menace d’une attaque armée de l’Amérique mais seulement d’un avertissement que la Hongrie et la Serbie ont décidé de défendre leurs infrastructures vitales dans les Balkans des terroristes d’état américains. Cet acte terroriste, auquel fait référence Orban, n’est pas seulement possible mais tout à fait probable, c’est pourquoi les propos d’Orban sont si fermes. On peut supposer qu’il dispose de renseignements sur la question.
« Balkan stream », cible probable. La possibilité d’une action terroriste de la part des institutions spécialisées américaines est considérable en particulier si elle est planifiée avec l’aide des états satellites balkaniques, sur l’exemple de la Norvège dans le cas de l’action dans la mer Baltique. La coupure physique du « Nord stream a donné les résultats attendus tant au niveau économique puisque plus personne n’a l’idée d’acheter du gaz russe permettant ainsi aux américains de réaliser des profits considérables en vendant le gaz liquéfié à l’Europe comme politique puisque l’alliance occidentale s’en est trouée renforcée. Tout ceci constitue une forte motivation pour que ce même principe soit appliqué au « Balkan stream ». C’est pourquoi l’avertissement au terroriste (inconnu) d’Orban est alarmant, assorti du message que le terroriste supportera de lourdes conséquences du fait qu’il en sera terminé de l’unité occidentale sur laquelle repose la stratégie américaine. L’attaque sur l’unité occidentale s’avère dans ce cas le meilleur moyen de dissuasion. L’autre facteur de dissuasion est la peur de la réaction russe mais également de la Turquie. Il serait fou qu’au moment où leur action précédente sur le « Nord stream » a été dévoilée, ils entreprennent quelque chose de semblable sur le « Balkan (Turkish) stream ». Si la réaction russe à la destruction du « Nord stream » a fait défaut, il serait impensable d’espérer qu’elle n’ait pas lieu à cause du « South stream ».
La Serbie dans les plans des terroristes. La possibilité d’une attaque du « Balkan stream » sur le tronçon serbe est de loin la plus probable. Au cas où le « Turkish stream » était attaqué dans la mer Noire, l’approvisionnement de la Turquie serait interrompu ainsi que celui des trois états balkaniques. Il est évident que cela contrarierait la Russie pour la pousser à réagir mais provoquerait également le mécontentement et révolte dans trois pays membres de l’IOTAN – la Turquie, la Bulgarie et la Hongrie. Au cas où le gazoduc était coupé entre la Turquie et la Bulgarie, le problème pour les terroristes serait moindre, mais s’il était coupé en Serbie les conséquences seraient de beaucoup moindres puisque seules la Serbie et la Hongrie en pâtiraient, c’est-à-dire deux pays qui suivant les « standards » des grandes puissances occidentales méritent d’être rappelés à l’ordre et punis. Ceci est la raison pour laquelle la Serbie prend très au sérieux les avertissements d’Orban pour renforcer la sécurité du gazoduc et d’autres installations vitales qui lui sont liées en faisant appel à ses forces armées mais aussi à la population locale ainsi qu’aux moyens modernes tels que les drones et autres caméras. Il a sans dire que les services de renseignements sont à pied d’œuvre afin de prévoir à temps l’existence de tels plans, voire s’ils sont en phase d’élaboration dans les institutions concernées.
Slobodan Reljić
Traduction A.Jejcic, 22 septembre 2023