Opération anti-Bandera
De : Annie Lacroix-riz
Date: mer. 15 mars 2023 à 10:36
Sujet : Durée et forme de la présentation
To: LIB TROPIQUES , Monique Slodzian
Cher Dominique, chère Madame,
Je ne pourrai pas venir vendredi 17, mais je tiens à remercier chaleureusement la traductrice pour son remarquable travail : sa qualité littéraire rappelle les formidables traductions d’Ilya Ehrenbourg réalisées dans les années d’après-guerre, où la littérature soviétique avait en France droit de cité et même grand succès. Quant à Semenov, avec lequel je n’ai pris contact que très récemment, grâce aux conseils d’amis (dont Gisèle Jamet), ses connaissances historiques sont impressionnantes.
Il y a quelques erreurs aussi, dans ceux consacrés à 1945 (La Taupe rouge et Ordre de survivre), peu mais qui méritent correction : le pronazi Brüning n’était pas « exilé » en Suisse, mais, comme nombre de ses pairs pangermanistes, il fut accueilli aux États-Unis – pour préparer l’avenir… antisoviétique – comme prétendu « exilé » dès 1934, et enseigna à Harvard jusqu’en 1954, avant retour dans la RFA d’Adenauer. De même que le membre du NSDAP reconverti en « démocrate » et naturalisé américain dès 1936 Carl Friedrich, formateur en chef du corps d’occupation américain en Allemagne, dont je parle beaucoup dans un ouvrage à paraître à la rentrée (voir aussi Udi Greenberg, The Weimar Century. German Émigrés and the ideological foundations of the Cold War, Princeton, Princeton University Press, 2015, qui dit presque tout en en cachant beaucoup sur ces « démocrates »). Semenov, comme l’ont systématiquement fait les Soviétiques (et les progressistes américains en général), idéalise beaucoup Roosevelt. Or, ce grand adepte du « bipartisme dans les affaires et dans la politique » (formule du SDECE de novembre 1950), avait fait en toute connaissance de cause d’Allen Dulles depuis novembre 1942 le chef suprême, à Berne de l’espionnage américain en Europe), et il fut parfaitement informé, comme le Département d’État, des tractations Dulles-Karl Wolff de capitulation « occidentale » de la Wehrmacht en Italie.
Barbarossa est un ouvrage extraordinaire sur la personnalité et les atrocités des chefs de la clique Bandera, chassés d’Ukraine occidentale par l’invasion de l’Armée rouge en Pologne orientale le 17 septembre 1939, et revenus en juin 1941 comme auxiliaires de la Wehrmacht, après dus préparatifs sous l’égide du Reich. Semenov ajoute une dimension essentielle à l’histoire au scalpel de l’invasion de l’Ukraine courageusement décrite par la thèse de 2014 de Grzegorz Rossolinski-Liebe -Stepan Bandera, The Life and Afterlife of a Ukrainian Nationalist. Fascism, Genocide and Cult, Stuttgart, ibidem Press, 2014) et par le travail d’Hilberg sur la contribution des auxiliaires actifs du Reich à La destruction des juifs d’Europe.
Mais, comme le montre Semonov, information interdite de séjour chez nous, le massacre des communistes et des « sans parti » ukrainiens qui les soutenaient, tous inscrits sur les listes d’exécutions de Lebed, Melnyk, Bandera et consorts, constitua pour ces fanatiques la tâche prioritaire, accomplie dès les premiers jours de l’assaut. Barbarossa est aussi un hymne à l’humanisme et à la culture classique vénérés, promus parmi les moujiks incultes de 1917 ‑‑ grâce aux bibliothèques des sovkhozes et kolhozes ‑‑, dans toute l’URSS, vainqueur militaire du Reich hitlérien aujourd’hui assimilé en France à ce dernier. Ce roman poignant souligne l’abîme entre le système qui vouait la culture au revolver et les livres au feu et celui issu de la révolution bolchevique. On aimerait que les intellectuels progressistes français, qui ont cédé sans résistance au bourrage de crâne depuis quarante ans, et plus que jamais depuis février 2022, consentent à se rappeler ce qu’ils savaient parfaitement et disaient publiquement naguère. Évidemment, les plus jeunes n’ont pas cette chance de l’âge mais il n’est jamais trop tard pour s’instruire…
Je regrette très vivement de ne pouvoir assister à cette séance mais sans doute Monique Slodzian sera-t-elle invitée à présenter ses autres traductions de Semenov (dont on attend la suite), notamment La Taupe rouge et Ordre de survivre. Grand merci aux courageux éditeurs qui ont entrepris de faire connaître au public français, grâce à cette grande traductrice, le romancier si connu et apprécié du public russe.
Amitiés,
Annie
Vendredi 17 mars 19h30
La saga de Maxime Issaiëv, alias Stierlitz fut adaptée dans les années 1970 en feuilleton télé dont le succès fut considérable (en VO STF ici ; cliquer)
Opération Semenov
Nous recevrons Monique Slodzian, la traductrice de Julian Semenov ( le "John Le Carré soviétique"), à l'occasion de sa traduction ( excellente) et publication du 4ème des romans "d'espionnage historique" de Semenov, dont l'un : "Opération Barbarossa" a comme personnage central, outre le héros récurrent de la série ( Stierlitz, alias Issaïev ), la figure répugnante de Stepan Bandera, restituée (dans les années 1960) de manière aussi authentique que réaliste et tragique dans les romans scrupuleusement historiques de J.Semenov, à partir des précieuses et irremplaçables archives soviétiques ( y compris polonaises et ukrainiennes) à sa disposition, en même temps que les circonstances historiques d'époque ...
|