Dialectique et contradictions
des antitotalitaires

Les « paradoxes » du Kremlin
où "convergent" le Monde Diplomatique, Libération, le RN,
BFM, le NPA, les NUPES et le Figaro (etc).

 

Sollicité à propos du point de vue développé par Alexander Nepogodin (journaliste politique né à Odessa, spécialiste de la Russie et de l'ex-Union soviétique, et manifestement idéologue officieux du clan anti-communiste dominant au Kremlin), publié dernièrement par Russia Today, Bruno Drweski a aimablement accepté de nous livrer ses commentaires de spécialiste bien informé de ces questions qui font toujours débat dans le « monde communiste » (au sens le plus large).

Ces commentaires sont à la fois instructifs et éclairants, tant du point de vue historique que politique, ne serait-ce que pour nous matérialistes marxistes, parce qu’ils se fondent sur une claire connaissance des rapports méthodologiques et épistémologiques que nous revendiquons entre l’Histoire, l’Économie, le Social et le Politique.

Ils permettent ainsi de dissiper une bonne part de la confusion répandue au fil des amalgames en vogue, instrumentalisés par la critique libérale qui s’est instituée, depuis une bonne soixantaine d’années sous la bannière « antitotalitaire » ; révélant ainsi la nature clairement bourgeoise et anticommuniste de ce « nouveau paradigme » (post-soixante huitard1).Une « maison commune » idéologique qui permet essentiellement d’abriter, en les rassemblant sur le mode de l’adhésion communautariste, les adeptes contradictoires de l’idéologie qu’ils déplorent parfois eux-mêmes comme « dominante » : les libéraux, les libertaires, l’appareil idéologique et sa classe dirigeante, des trotskistes au MEDEF, en passant par les « éveillés », les « intersectionnels », etc, et les réactionnaires « traditionnels » … Les premiers comme les derniers pouvant être aussi bien être qualifiés de « pure players » - comme disent aujourd’hui les addictologues du Jeu Video qu’est devenu leur « Société du Spectacle » zombifiée.

 

 

Bruno Drweski :

Je pense d'abord que la guerre actuelle aiguise les contradictions de classe de la société russe, ce qui pousse les réactionnaires à tenter de freiner le mouvement objectif de l'histoire vers la dénonciation du capitalisme et des inégalités sociales ...qui, elles, ralentissent la mobilisation populaire nécessaire pour mener à bien la guerre. Par ailleurs, l'article ci-joint n'est pas seulement réactionnaire, il est anti-scientifique car il ne tient pas compte du contexte historique dans lequel a été créé l'URSS comme il néglige l'héritage lamentable du tsarisme finissant, en terme de relations entre nationalités. Au départ les bolcheviks ne s'intéressaient pas vraiment à la question nationale en bons internationalistes qu'ils étaient, mais Lénine a bien été obligé en bon praticien qu'il était de s'en occuper puisque lors de la Révolution de 1905 il a noté que la moitié des grèves et des manifestations de tout l'empire russe avaient lieu dans les régions peuplées par les minorités nationales (Pologne, Baltes, Ukraine, Finlande, Caucase) et que, dans ces régions, les juifs participaient deux fois plus que leurs voisins aux mouvements de protestations. Il y avait donc bien une question nationale à traiter !!!

Et c'est Staline qui fut désigné pour s'en occuper (voir annexe). Il travailla sérieusement à partir des recherches qu'il avait pu faire et, à l'époque, c'étaient les austro-marxistes, marqués par l'influence de l'école nationale allemande (opposée à l'école française!) qui étaient les seuls à avoir réfléchi sur la question dans le cadre d'un empire multinational archaïque, ce qui explique pourquoi ce sont en grande partie les thèses nationales austro-marxistes qui ont servi à élaborer les bases de l'URSS que Staline allait reprendre.

Je vais répondre plus bas dans le texte sur les points qui me semblent importants.

Bruno


Recension critique de l’article de RT2 :

 


Vouée à l'échec :
comment Lénine et Staline ont placé
une bombe à retardement
sous l'Union soviétique,
il y a exactement 100 ans.

 

 

Il y a exactement 100 ans, le 30 décembre 1922, le plus grand pays de l'histoire du monde était créé. Lors du premier Congrès des Soviets de toute l'Union, des représentants de la République socialiste fédérative soviétique de Russie (RSFSR), de la République socialiste soviétique d'Ukraine (RSS) et de la RSS de Biélorussie et de la Fédération transcaucasienne ont tous signé la déclaration et le traité sur la formation de l'URSS.

L'immense pays a laissé un héritage ambigu et la plupart des promesses des bolcheviks n'ont jamais été tenues.

 

B.D. : Faux : la grande majorité des promesses sociales, promotion sociale, promotion culturelle, développement scientifique, rapprochement inter-ethnique, unification de l'espace économique et généralisation de la connaissance de la langue russe comme langue de communication etc etc etc ont été tenues, et cela à un niveau jamais rencontré dans l'histoire de l'humanité ...même si la Chine ...populaire (!) a fait encore mieux depuis.

 

Cependant, malgré son effondrement en 1991, à ce jour, l'histoire de l'Union soviétique reste pertinente pour les résidents de la Russie et des anciennes républiques soviétiques. En fait, c'est le début du régime bolchevique qui a marqué la renaissance nationale des minorités et la création de républiques qui ont reçu non seulement l'autonomie, mais aussi le droit de se séparer de

RT rappelle comment la décision de créer l'URSS a été prise et pourquoi sa structure a été déterminée par un différend entre les “chefs rouges” - Vladimir Lénine et Joseph Staline.

 

B.D. : C'est absolument faux. Entre février et octobre 1917 des entités nationales, bourgeoises, féodales ou social-démocrates, sont nées dans l'ex-empire de Russie et elles allaient perdurer pour certaines jusqu'à la fin de la guerre civile au début des années 1920. La politique des bolcheviks a donc été une réaction, ou une adaptation, à ces réalités objectives pré-existantes à leur prise de contrôle de régions comme l'Ukraine par exemple, qui avaient connu deux régimes nationalistes, plusieurs armées blanches, une armée allemande et une armée polonaise avant que les bolcheviks ne la contrôlent. Il est clair que les bolcheviks ne pouvaient donc se comporter là comme ils s'étaient comportés en Russie centrale, puisque la réalité y avait évolué différemment entre-temps.

 

Selon le plan initial de Lénine, l'URSS n'était pas vraiment censée être un « État » du point de vue de la « structure de l'État ». Il était censé être une confédération libre d'États indépendants (républiques), chacun ayant une souveraineté presque totale. C'est de là que vient l'expression « l'autodétermination jusqu'à la sécession » . L'unité de cette formation n'était pas assurée par des mécanismes « étatiques » ou « supranationaux », mais par un parti communiste unique au pouvoir.

 

B.D. : L'auteur semble ignorer aussi les principes qui se sont développés au sein du mouvement ouvrier international sur la question, en particulier la polémique entre Lénine et Rosa Luxemburg sur la question nationale, qui n'était pas une fausse question inventée artificiellement dans la tête de quelques bolcheviks comme le laisse croire l'auteur et tous ses semblables "néo-tsaristes", mais un véritable problème de masse auquel il fallait apporter des réponses concrètes, par rapport au mouvement ouvrier mais aussi par rapport aux courants bourgeois et sociaux-démocrates qui traitaient eux-aussi de la question.

 

Un tel modèle supposait la possibilité d'une expansion illimitée de l'URSS, jusqu'à l'échelle mondiale. N'importe quel pays pouvait simplement reconnaître le Parti communiste comme une «force dirigeante et directrice» et s'intégrer à l'Union soviétique en tant que nouvelle république. C'est pourquoi la formule de l'autodétermination jusqu'à la sécession ne concernait pas particulièrement le chef du prolétariat mondial, Vladimir Lénine. Après tout, si le communisme gagnait le monde entier, où et pour quelle raison ses républiques feraient-elles sécession ? "Nous devons encore conquérir les cinq sixièmes de la masse continentale de la terre pour avoir l'URSS partout dans le monde", a proclamé le président du 5e Congrès du Komintern, Grigory Zinoviev, en juin 1924.

 

B.D. : Il est clair que jusqu'à l'échec final de la révolution allemande, les bolcheviks attendaient de pouvoir "passer la main" de la révolution mondiale à plus développés qu'eux. L'échec de la révolution allemande et la réalité dans les territoires asiatiques de l'ex-empire russe les a ensuite amenés à prendre en compte la réalité des peuples coloniaux, et la création de l'URSS était aussi une tentative de montrer à ces peuples que le socialisme apportait une réponse internationaliste au colonialisme. C'est ce que comprendront les peuples des républiques soviétiques mais aussi les Chinois, les Vietnamiens, les Coréens, etc, etc.

 

Cette logique s'est appliquée non seulement dans les années 1920, mais aussi après la fin de la Seconde Guerre mondiale, lorsque la RSS de Biélorussie et la RSS d'Ukraine sont devenues cofondatrices de l'ONU, ayant leurs propres départements de politique étrangère. Lorsque le modèle de « croissance mondiale » a été transformé pendant la perestroïka, il est devenu évident que les républiques soviétiques n'étaient maintenues ensemble au sein de l'Union soviétique que par un système de gestion bureaucratique. Le concept d'espace unique était voué à l'échec. Dans son ensemble, l'URSS ne pouvait exister que dans le cadre de sa mission historique, « la construction du communisme ».

 

B.D. : Stupide ! : les immenses sacrifices consentis par l'immense majorité des peuples soviétiques dans la lutte contre le 3e Reich témoigne de l'attachement de ces peuples à l'Etat qui avait permis une industrialisation et une modernisation accélérée de la vie économique et sociale entre 1930 et 1941. C'est d'ailleurs ce climat de détente qui régnait après la victoire, malgré les destructions et l'immense pauvreté (!!!), qui explique pourquoi en 1947, l'URSS a décidé de supprimer la peine de mort qui ne sera réintroduite à contrecoeur qu'avec le début de la guerre froide et la nécessité à nouveau de "faire front". On ne supprime pas la peine de mort si "c'est un système de gestion bureaucratique" qui explique à lui tout seul le maintien de l'Etat.


 

Autonomie ou fédéralisation ?
 

En juin 1919, la RSFSR, la RSS de Biélorussie et la RSS d'Ukraine unirent officiellement leurs forces armées, leur économie, leurs finances, leurs transports et leurs services postaux. Le rôle des autorités nationales a été attribué aux commissariats du peuple russes – analogues des ministères. Les partis communistes républicains ont rejoint le Parti communiste russe-bolcheviks, ou «RCP (b)» en tant qu'organisations territoriales. Un paradoxe apparaît alors : tout le territoire contrôlé par les bolcheviks est gouverné comme un seul État, tandis que les républiques restent formellement indépendantes.

 

B.D. : Ce qui était nécessaire pour faire face à l'Etat existant ukrainien indépendant de Petloura et aux tentatives de créer une république du peuple de Biélorussie antibolchevique. Même chose plus tard au Caucase et en Asie centrale, ce qui explique aussi la création du Mouvement des musulmans bolcheviks.

 

Pour les bolcheviks, cela signifiait peu – le Parti communiste détenait de toute façon le monopole de la politique et de la prise de décision. Cependant, après la fin de la phase aiguë de la guerre civile, le problème de la représentation extérieure s'est posé. A la veille des débuts internationaux du nouveau gouvernement, lors de la conférence de Gênes en avril-mai 1922, il fut décidé qu'une délégation de la RSFSR parlerait au nom de toutes les républiques. Mais à l'avenir, les partenaires étrangers voulaient voir clairement à qui ils avaient affaire. De plus, la population du pays doit comprendre où elle habite.

 

B.D. : Par contre, lors des négociations de Riga entre la Pologne et les Soviétiques, ceux-ci étaient représentés par deux délégations, de la RSFSR et de la RSS d'Ukraine. Ce qui était un succès important pour les Soviétiques car une partie de la délégation polonaise (les partisans de Pilsudski) réclamait la participation de la République du peuple ukrainien créée par Petloura et dont les armées combattaient aux côtés des Polonais. Grâce à une alliance objective entre les bolcheviks et les nationalistes de droite polonais, radicalement opposés à l'idée d'un Etat ukrainien indépendant, la délégation polonaise accepta finalement que la représentation du peuple ukrainien soit reconnue en totalité à la RSS d'Ukraine associée à la RSFSR et Petloura ne fut pas admis aux négociations. S'il n'avait pas existe de RSS d'Ukraine à l'époque indépendante, c'est Petloura qui aurait occupé le siège de l'Ukraine à ces négociations !


 

Joseph Staline
 

Joseph Staline était le spécialiste des relations interethniques du parti (bien que, selon les rumeurs, Nikolai Boukharine aurait pu être impliqué dans la rédaction de son ouvrage principal «Le marxisme et la question nationale»). En tant que commissaire du peuple aux affaires de nationalité de la RSFSR chargé de régler la question, il a proposé d'inclure les républiques restantes dans la RSFSR en tant qu'entités autonomes. Dans l'autonomisation, Staline a vu un moyen de résoudre plusieurs problèmes à la fois. Premièrement, cela pourrait renforcer un espace national unique et créer un alignement vertical rigide du pouvoir. Et deuxièmement, cela affaiblirait les nationalistes locaux et les "social-indépendants" qui prônaient la pleine souveraineté des républiques soviétiques et étaient agacés par l'ingérence du gouvernement central dans leurs affaires. À la fois, le pouvoir central et la législation panrusse s'étendraient à de nouveaux territoires. Pour l'essentiel, le plan n'envisageait pas l'unification et la formation d'un nouvel État, mais une absorption des républiques nationales soviétiques par la RSFSR.

En septembre 1922, Joseph Staline envoie son projet à Vladimir Lénine et présente bientôt le programme d'« autonomisation » devant la commission de préparation du plénum du Comité central sur les relations entre la RSFSR et les autres républiques soviétiques. La commission, présidée par Viatcheslav Molotov, se réunit les 23 et 24 septembre 1922 et réussit à approuver le plan élaboré par Staline. Maintenant, il devait être approuvé lors du plénum du Comité central, qui était prévu pour le 5 octobre. Cependant, Lénine, qui était dans un état instable à l'époque en raison de la détérioration de sa santé, refusa d'accepter le projet et exigea la création du L'URSS selon le modèle de la fédéralisation maximale – c'est-à-dire avec des républiques de l'Union semi-indépendantes.

 

B.D. : Non, la santé de Lénine ne suffit pas à expliquer cette position, c'est du n'importe quoi de gribouille, car Lénine a tranché entre tendances divergentes réelles au sein du parti bolchevik, et qui reflétaient des tendances divergentes au sein des sociétés existantes sur les décombres de l'empire tsariste. Les courants indépendantistes étaient alors très puissants et il fallait, pour y faire face, diviser les partisans de l'indépendance entre partisans d'un modèle national soviétique et partisans d'un modèle anti-soviétique, sinon ils auraient tous basculé dans l'opposition aux bolcheviks. En Ukraine en particulier, il y avait deux partis communistes concurrents, le Parti communiste d'Ukraine (bolchevik), lié aux bolcheviks de Russie et implanté surtout chez les Russes et les Juifs d'Ukraine, et le Parti communiste ukrainien, de tendance indépendantiste et implanté surtout chez les Ukrainiens. Les bolcheviks n'avaient d'autre solution que de pousser à la fusion des deux partis pour obtenir l'appui d'une base sociale conséquente dans l'Ukraine ukrainophone. Le prix à payer pour cette fusion était évidemment un compromis sur la question « fédération ou confédération ». Le nationalisme ukrainien indépendantiste était un fait en 1920, que cela plaise ou non, et il fallait amener les masses ukrainiennes à s'en dissocier, ce qui nécessitait un certain doigté. Annexer ces régions à la Russie aurait renforcé les tensions. En plus les nationalistes ukrainiens réclamaient des territoires beaucoup plus vastes, en particulier le Kouban et les Cosaques du Don, alors les frontières accordées à la RSS d'Ukraine étaient un compromis entre nationalisme ukrainien et nationalisme russe ...de toute façon c'étaient des frontières intérieures. Personne n'imaginait alors que la bourgeoisie allait reprendre le pouvoir à Moscou et à Kiev en 1990 !


 

Vladimir Lénine.

 

Sa proposition créerait non seulement des tensions au sein du parti, mais montrerait également au monde un exemple de "solution fondamentalement nouvelle à la question nationale". Lénine a insisté sur la création de traités égaux entre les républiques avec la possibilité que d'autres pays non capitalistes du monde rejoignent l'Union soviétique à l'avenir. Cela comprenait la création d'une nouvelle constitution et la formation d'autorités fédérales avec des représentants de toutes les républiques. L'Union soviétique a été conçue par ses idéologues comme un projet communiste global, ouvert, entre autres, à l'adhésion des pays qui n'ont jamais fait partie de l'Empire russe désintégré. C'était un argument sérieux pour ceux qui critiquaient le plan d'autonomisation de Staline. Après tout, en se concentrant sur la révolution mondiale en tant que projet global, la fédération était considérée comme la structure d'État la plus pratique, car il serait plus facile d'inclure de nouveaux sujets.

 

 

B.D. : Lénine savait que le socialisme, l'industrialisation et la modernisation allaient créer un rapprochement des peuples bien plus poussé que la modernisation capitaliste avait permis de créer dans des pays au départ plurilinguistiques comme la France ou la Grande-Bretagne, mais, pour commencer, il fallait désamorcer les frustrations nationales existantes réellement depuis le tsarisme et dues à la lenteur des processus d'intégration sociale dans un pays retardataire semi-féodal et semi-capitaliste. Or pour désamorcer cette question, il fallait d'abord répondre au moins en partie aux exigences nationales réelles.

 

 

Dans le même temps, apaiser certains des bolcheviks à orientation nationale était également une question importante. Certains communistes nationaux influents, particulièrement forts dans la RSS d'Ukraine et la RSFS transcaucasienne (en particulier parmi les Géorgiens), ont opté pour la perspective de la confédération car ils voulaient un plus grand degré de liberté.

 

B.D. : Oui, ...les faits sont têtus, on n'impose pas toujours ce qu'on veut, surtout dans un pays pauvre, détruit et ruiné par la guerre et les dissensions !

 

Ceci est le plus clairement mis en évidence par le soi-disant « incident géorgien ». Le 20 octobre 1922, lors d'une réunion du Comité régional transcaucasien du RCP (b), un différend éclata entre Grigory (Sergo) Ordzhonikidze et les bolcheviks géorgiens sur la question de savoir si la Géorgie devait entrer en URSS dans le cadre de la SFSR transcaucasienne ou indépendamment. Quand Ordzhonikidze a qualifié ses adversaires de “pourriture chauvine”, l'un d'eux, Akaki Kabakhidze, a appelé Ordzhonikidze "l'âne de Staline", et Ordzhonikidze l'a frappé au visage.

Le pouvoir central a dû intervenir et une commission du Comité central dirigée par Félix Dzerjinski s'est dirigée vers la Transcaucasie. Sans même parler à l'autre camp, ses représentants se sont rangés du côté d'Ordzhonikidze. Lénine, cependant, n'a pas moins fortement soutenu les bolcheviks géorgiens et a exigé qu'Ordzhonikidze soit expulsé du parti pour agression. Dans le même temps, Staline et Lénine ont compris que l'incident, stimulé par des sentiments de nationalisme, était un problème grave qui pourrait avoir des conséquences sur l'avenir de l'État.

 

B.D. : si c'était un problème grave, c'est qu'il devait être traité ! Et une gifle ou la punition d'une gifle ne suffit pas à le régler ...les faits sont têtus ! il faut partir des faits. L'auteur de cet article peut maugréer dans son salon, cela ne répond pas au problème tel qu'il se posait réellement à l'époque.


 

Une bombe à retardement

 

Les discussions sur l'autonomisation et la fédéralisation durèrent tout l'automne 1922 et se terminèrent par la victoire du projet de Lénine. Peu de temps avant la signature du traité, Lénine convoqua Staline dans sa résidence de Gorki près de Moscou et lui demanda de changer le premier paragraphe. Bientôt, il écrivit la note «Sur la formation de l'URSS» aux membres du bureau politique dans laquelle il exprimait l'opinion que la RSFSR devrait se reconnaître égale aux autres républiques et entrer dans l'union «ensemble et sur un pied d'égalité avec elles». Lénine a fait des concessions et des compromis politiques et territoriaux.

 

B.D. : Tout d'un coup, Lénine ne semble plus aussi fatigué que le disait l'auteur au début ...là il a "convoqué". En fait, Lénine a élaboré un compromis. La seule question qu'il faut poser est de savoir si c'était un compromis tactique, comme le pensaient les "centralistes" ou un compromis stratégique, comme le souhaitaient les "nationalistes". Et c'est cette contradiction qui traversera toute l'histoire de l'URSS ...jusqu'à ce que la bourgeoisie s'en empare comme prétexte pour mettre fin à l'Etat socialiste.

 

Cela était motivé par la crainte qu'un appareil administratif unique ne conduise les bureaucrates à discriminer les peuples des régions éloignées de l'union. « Il faut faire la distinction entre le nationalisme d'une nation oppressive et le nationalisme d'une nation opprimée, le nationalisme d'une grande nation et le nationalisme d'une petite nation. Par rapport à ce dernier nationalisme, presque toujours dans la pratique historique, nous, ressortissants d'une grande nation, nous trouvons coupables d'une violence infinie. De plus, nous commettons une quantité infinie de violences et d'insultes sans nous en apercevoir »,il a écrit. Staline, cependant, a maintenu son opinion et, dans une note aux membres du bureau politique, a qualifié la position de Lénine de «libéralisme national». Pourtant, l'autorité du chef du prolétariat mondial, malgré sa grave maladie, restait incontestable.

La matinée du 29 décembre 1922 est animée devant le théâtre Bolchoï de Moscou. Des silhouettes en pardessus, en uniformes de cuir de commissaire et en costume national flottaient dans le brouillard glacial. Les délégués du premier congrès de toute l'Union des Soviets se rassemblaient pour établir un nouvel État. Le même jour, les délégations de la RSFSR, de la RSS d'Ukraine et de la RSS de Biélorussie, ainsi que de la RSFS de Transcaucasie ont signé un accord sur la formation de l'URSS. Un jour plus tard, il a été approuvé et le 30 décembre est devenu le jour de la formation de l'Union soviétique, qui a existé pendant près de 69 ans.

À l'exception des questions concernant la politique étrangère et le commerce extérieur, les finances, la défense et les communications, qui ont été transférées aux autorités de l'Union, chaque république avait compétence sur tous les domaines restants. Le Congrès de toute l'Union des Soviets est devenu l'organe suprême du pays. Entre ses convocations, le Comité exécutif central de l'URSS, composé de deux chambres – le Conseil de l'Union et le Conseil des nationalités, a été créé.

Affiche soviétique indiquant "L'URSS est un nouveau type d'État"

La déclaration adoptée a exposé les raisons, les principes et les objectifs de l'unification des républiques soviétiques. Le principe le plus important était le droit des peuples à disposer d'eux-mêmes et le but ultime était la création d'une Union mondiale des républiques communistes.

 

B.D. : Effectivement et c'est toujours le but !

 

« L'accès à l'Union [soviétique] est ouvert à toutes les républiques soviétiques socialistes, existantes et futures. Le nouvel État de l'Union servira de bastion contre le capitalisme mondial et d'étape décisive vers l'unification des travailleurs de tous les pays dans une République soviétique socialiste mondiale », déclarait la première Constitution de l'URSS, adoptée le 31 janvier 1924.

Le nouvel État reçut délibérément un caractère supranational, de sorte qu'à l'avenir, toute «république socialiste soviétique» pourrait y être acceptée. Prônant la liquidation de l'État en tant que tel, les bolcheviks ne voyaient qu'une solution temporaire dans une telle structure étatique. Initialement, Lénine a même proposé d'appeler l'État «l'Union des républiques soviétiques d'Europe et d'Asie», mais il a finalement été décidé d'éviter les références géographiques. Les armoiries de l'URSS sont le seul exemple du genre où le globe entier est représenté mais les frontières des États ne sont en aucun cas marquées.


 

Un projet raté


 

Cependant, les espoirs des «vieux bolcheviks» d'une révolution mondiale ne se sont pas réalisés et le système créé dans cette perspective n'a pas pu résister à l'assaut des nouvelles réalités. La thèse de la « coexistence pacifique » avec le monde capitaliste a été établie peu après la Seconde Guerre mondiale au milieu des années 1950, même si Vyacheslav Molotov l'a trouvée « désorientante » jusqu'à la fin de sa longue vie. Ce n'était pas un hasard puisque Molotov a vu l'URSS entrer dans une autre course avec les États-Unis, en plus de la « course aux armements » – la course à la « qualité de vie » – également perdue par le système soviétique. Il s'est avéré qu'en dehors de la tâche de répandre le communisme dans le monde, l'Union soviétique, dans son ensemble, était une impossibilité.

En fin de compte, la réalisation pratique du droit des nations à l'autodétermination s'est déroulée comme une farce cruelle. Peu de temps après la création de l'URSS, un processus de construction nationale a été lancé dans les nouvelles républiques soviétiques. Les 185 nationalités de l'Union soviétique étaient divisées en républiques syndicales directement subordonnées à l'autorité centrale. Celles-ci comprenaient des républiques autonomes au sein des républiques de l'Union, des régions autonomes au sein des territoires et des districts nationaux. En même temps, il a été déterminé lequel des sujets devrait avoir des droits et privilèges, et lequel ne le devrait pas. Par exemple, chaque république nationale avait son propre parti communiste et son académie des sciences, mais les Russes n'étaient pas autorisés à les avoir. Suite à la fondation de l'URSS, la RSFSR a été entièrement stérilisée des infrastructures étatiques.

 

B.D. : Tout était question de compromis et de rapports de force entre régions plus fortes et plus faibles, plus riches et moins riches, plus avancées et moins avancées, plus nationalistes et moins nationalistes, plus cohérentes géographiquement et moins cohérentes, etc ...le centre, le parti étant le lieu d'arbitrage entre ces tendances qui n'ont pas été inventées par les bolcheviks mais qu'ils ont cherché à canaliser, avec succès pendant une longue période puisque ce modèle a été repris dans d'autres pays. Il faut demander à cet auteur s'il pense que la révolution française est un « projet raté » puisque le roi est revenu au pouvoir en 1815. ...mais nous vivons bien en République aujourd'hui ...il en ira sans doute de même avec l'Etat soviétique, disparu un moment puis ... ?

 

Les nouvelles frontières entre les républiques, largement tracées en fonction des besoins économiques et de la rationalité communiste, suscitent également le mécontentement. Par exemple, les Abkhazes et les Ossètes ne voulaient pas faire partie de la RSS de Géorgie, et les Russes qui vivaient dans le Donbass ne voulaient pas être gouvernés par la RSS d'Ukraine. Certaines régions à majorité tadjike sont devenues une partie de la RSS d'Ouzbékistan, et le Haut-Karabakh, avec une population majoritairement arménienne, a été inclus dans la RSS d'Azerbaïdjan.

 

B.D. : Jamais aucune frontière dans le monde n'a jamais fait le consensus de toutes les populations concernées, et donc les compromis, imposés ou négociés, étaient indispensables. Les bolcheviks ont arbitré les choses en fonction des réalités sans que cela ne puisse par principe être idéal, mais l'objectif a été de dépasser les fragmentations pour passer à un développement inter-nationalité, ce qui a bien été le cas, et, même si l'URSS a disparu, elle a créé des liens et une mémoire qui ne disparaissent pas et qui constituent un gage pour l'avenir, un point de référence, surtout par rapport à ce qui a été expérimenté depuis la fin de l'URSS. C'est comme cela que l'histoire avance. Expériences, contre-expériences, ré-expériences, etc, etc.

 

Par la suite, toutes ces questions ont provoqué l'aggravation des conflits interethniques et la mise en œuvre du droit de sécession des républiques, préservé dans toutes les constitutions de l'Union. Ce droit a été invoqué pour la première fois en 1990 par les RSS d'Estonie, de Lettonie, de Lituanie et de Géorgie. Leur exemple fut finalement suivi par presque toutes les autres républiques, au nombre de quinze dans la composition « classique » de l'URSS. La tentative faite en 1991 par le premier et dernier président de l'URSS, Mikhaïl Gorbatchev, de préparer et de convenir d'une nouvelle version du traité d'Union a échoué non seulement en raison de la tentative de coup d'État d'une partie de la direction en août, mais aussi parce que de désaccords cardinaux sur la répartition des pouvoirs entre le pouvoir central et les républiques, y compris sur la question budgétaire.

 

B.D. : On ne peut pas faire un lien automatique entre les décisions des années 1920 et ce qui s'est passé à la fin des années 1980 ! C'est ce qu'on appelle en histoire une vision an-historique, donc anti-scientifique. L'URSS a survécu au cataclysme de la seconde guerre mondiale, ce qui est la meilleur preuve de son succès à créer un esprit de corps ! Et à en faire un modèle transmis au monde entier ! Ensuite il y a eu l'émergence d'une bourgeoisie au sein de la nomenklatura soviétique et c'est cela qui va casser l'URSS, pas les revendications nationales, sauf peut-être chez les Baltes, mais la majorité des Soviétiques a voté à 75% pour le maintien de l'URSS en mars 1991 ! La bourgeoisie émergente voulait la fin de l’État socialiste et elle va se servir du prétexte national pour arriver à son but. L'URSS ne s'est pas désintégré avant tout à cause des problèmes de nationalité mais à cause de l'émergence d'une classe bourgeoise qui ne pouvait agiter un projet capitaliste qui aurait été rejeté par le et les peuple(s), alors elle a joué sur quelque chose de plus crédible, le sentiment national pour se partager le gâteau d'une URSS qui avait réussi a créer une économie solide et donc alléchante.

 

En décembre 1991, les Soviets suprêmes d'Ukraine, de Biélorussie et de Russie annoncent la dénonciation du Traité sur la formation de l'URSS. La résolution correspondante du Soviet suprême de la RSFSR a été annulée par la Douma d'État de Russie en mars 1996, mais les députés ont précisé que leur décision n'affectait pas la souveraineté de la Russie et des autres anciennes républiques soviétiques.

 

Par Alexander Nepogodin, journaliste politique né à Odessa, spécialiste de la Russie et de l'ex-Union soviétique.

 

B.D. :C'est un drôle de spécialiste qui semble ignorer le contexte historique et qui colle à la réalité idéologique d'aujourd'hui sans comprendre ce qu'elle était à l'époque et ce que voulaient les citoyens soviétiques en 1991 !

NdE : Et pour cause !

 

1Vioir le Livre de Michael Christofferson : "Les intellectuels contre la gauche"

Annexe

Le marxisme et la question nationale
J. STALINE

 

 

J.Staline : La question des nationalités

Tag(s) : #Bruno Drweski, #Russia Today, #Russie, #Ukraine, #Nationalités, #Histoire, #URSS
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