Requiem pour un massacre également connu sous le titre Va et regarde (en russe : Иди и смотри, Idi i smotri; littéralement « Viens, et vois », phrase tirée du verset 6:7 de l’Apocalypse) est un film soviétique réalisé par Elem Klimov et sorti en 1985.

Il est vivement recommandé de découvrir ce film unanimement reconnu comme la référence en la matière, pour bien comprendre comment et pourquoi se déroulèrent les événements qui constituent aujourd'hui
l'énigme du "Massacre de Katyn".

 

La réécriture de l'histoire par les polonais fascistes et antisémites, approuvée et instituée par le parlement européen.

 

 

Geoffrey Roberts est professeur émérite d'histoire à l'University College de Cork, Université nationale d'Irlande.  Son dernier livre (co-écrit avec Marin Folly et Oleg Rzheshevsky) est : Churchill and Stalin: Comrades-in-Arms during the Second World War.
Il a également publié en français :  "Les guerres de Staline"chez Delga,
voir aussi : nos articles de Geoffrey Roberts, sur le même sujet.

 

 

 Poutine, la Pologne et le pacte germano-soviétique

 

par Geoffrey Roberts

 

À l'approche du 75e anniversaire de la fin de la Seconde Guerre mondiale, deux des principales victimes de cette guerre - la Pologne et la Russie - sont une fois de plus entraînées dans un différend très virulent sur ses origines. Au cœur de l'affaire se trouve l'éternelle controverse sur le pacte germano-soviétique du 23 août 1939.

La polémique a été lancée par le président Vladimir Poutine, s'interrogeant lors d'une conférence de presse à Moscou le 19 décembre, sur la résolution du Parlement européen lors du 80e anniversaire du déclenchement de la Seconde Guerre mondiale. Poutine a jugeait la résolution inacceptable car elle assimilait l'Union soviétique et l'Allemagne nazie et accusait ses auteurs d'être cyniques et ignorants de l'histoire. Il a rapelé l'ignominieux accord de Munich de septembre 1938 et la participation de la Pologne au démembrement de la Tchécoslovaquie. Car, le traité de non-agression germano-soviétique ne fut pas (loins de là) le seul accord de ce type conclu par Hitler avec d'autres États. Oui, déclara Poutine, il y eut des protocoles secrets évaluant la division de la Pologne entre l'Allemagne et l'URSS*, mais les troupes soviétiques n'entrèrent en Pologne qu'après l'effondrement de son armée et de son gouvernement**.

 

*NdT : En fait, concernant l'URSS, il ne s'agissait que de récupérer des territoires russes (voir plus bas).

** NdT : et pour stopper ( très efficacement) l'avance de l'armée allemande !

 

Ce n'est pas la première fois que Poutine évoque ces arguments historiques. Il les avait déjà rappelés en 2009 à l'occasion du 70e anniversaire du déclenchement de la guerre. Mais son ton était alors plus conciliant que combatif. Lors de la commémoration à Gdansk, Poutine a également souligné les luttes communes des Polonais et des Russes et a appelé à ce que le déclenchement de la guerre soit examiné dans toute sa complexité et ses causes diverses. Tous les belligérants furent concernés, pas seulement l'Union soviétique: «il faut admettre que toutes les tentatives faites entre 1934 et 1939 pour apaiser les nazis avec divers accords et pactes étaient moralement inacceptables et pratiquement dénuées de sens ainsi que nocives et dangereuses.»

 

Répondant à Poutine, le Premier ministre polonais de l'époque, Donald Tusk, a souligné que le 1er septembre 1939, son pays a été attaqué par l'Allemagne, puis deux semaines plus tard, envahi par l'Union soviétique. Mais Tusk a également souligné que «si la vérité peut être douloureuse, elle ne devrait humilier personne».

 

Le lendemain de sa conférence de presse à Moscou, Poutine s'est adressé aux dirigeants de la Communauté des États indépendants lors d'une réunion à Saint-Pétersbourg convoquée pour discuter des préparatifs du 75e anniversaire. Poutine a profité de l'occasion pour livrer une longue analyse de ce qui a conduit au déclenchement de la guerre en septembre 1939, y compris des citations détaillées de nombreux documents diplomatiques.

 

NdT : Voir à ce propos l'article de COMAGUER:

Comment Vladimir Poutine a prononcé un nouveau discours de Munich : Article publié dans le journal russe « Kommersant » № 236 du Samedi 28 Décembre 2019

Lire la suite

 

Le document sur lequel Poutine a particulièrement attiré l'attention était une dépêche de septembre 1938 de Jozef Lipski, l'ambassadeur de Pologne à Berlin, rapportant une conversation avec Hitler. Au cours de la conversation, Hitler avait déclaré qu'il envisageait de régler le problème juif en les faisant émigrer dans une colonie. Lipski a répondu que si Hitler trouvait une solution à la question juive, les Polonais lui construiraient un beau monument à Varsovie

. "Quel genre de personnes sont ceux qui entretiennent de telles conversations avec Hitler?"a demandé Poutine. Le même genre, a-t-il déclaré, qui profane maintenant les tombes et les monuments des soldats soviétiques qui ont libéré l'Europe des nazis.

 

Le but principal du parcours de Poutine à travers les archives britanniques, françaises, allemandes, polonaises et soviétiques était de montrer que tous les États avaient traités avec les nazis dans les années 1930, notamment la Pologne, qui cherchait à se rapprocher d'Hitler dans le cadre d'une alliance anti-soviétique. Poutine rapproche cette posture hostile à la sutuation actuelle: «La Russie est utilisée comme épouvantail. Que ce soit à l'époque tsariste, soviétique ou d'aujourd'hui, rien n'a changé. Peu importe ce que fait ou ce qu'est réellement la Russie - la logique demeure. »

Poutine a donc vigoureusement défendu la politique étrangère soviétique dans les années 1930. Le président russe a rappelé que Moscou cherchant alors une alliance de sécurité collective contre Hitler, mais que ses efforts furent repoussés, surtout pendant la crise tchécoslovaque de 1938, alors que les Soviétiques étaient prêts à partir en guerre pour défendre le pays, à condition que la France fasse de même. Mais les Français avaient lié leurs actions à celles des Polonais, tandis que Varsovie était en train de comploter pour s'emparer d'un territoire tchécoslovaque. De l'avis de Poutine, la Seconde Guerre mondiale aurait pu être évitée si les États avaient tenu tête à Hitler en 1938 *.

 

* Ndt  :Ce point fait aujourd'hui assez largement consensus.

 

Pour ce qui concerne le pacte gerano-soviétique, bien que Poutine ait admis qu'il y eut un protocole secret, il a observé que dans les archives des États occidentaux on trouvera sans doute des accords confidentiels bien plus suspects, conclus avec Hitler *. Il a également répété que l'Union soviétique n'avait pas envahi la Pologne, et rappelé que l'action de l'Armée rouge avait sauvé de nombreux Juifs de l'extermination par les nazis.

 

 

 

* NdT : certaines de ces archives
ont même été publiées,
notamment :

 

 

Poutine est revenu sur le sujet des origines de la guerre lors d'une réunion du Conseil du ministère russe de la Défense le 24 décembre: «Oui, le pacte Molotov-Ribbentrop a été signé et il y avait également un protocole secret qui définissait les sphères d'influence. Mais qu'avaient fait les pays européens avant cela? Pareil !  Ils avaient tous fait les mêmes choses ».

 

Mais ce qui l'a le plus choqué, a déclaré Poutine à ses collègues, c'est le rapport Lipski:
«Ce salaud!
Ce cochon antisémite - je n'ai pas d'autres mots » *.

 

* Ndt : L'antisémitisme, la russophobie et l'anticommunisme de Lipski et de nombre de dirigeants "nationalistes socialistes" polonais sont assez notoirement connus. Voir à ce propos : http://www.librairie-tropiques.fr/2019/08/le-pacte-hitler-staline-du-23-aout-1939-mythe-et-realite-jacuqes-pauwels.html

 

Pour être juste envers Poutine, sa vision de l'histoire ne se limite pas à pointer du doigt la Pologne et l'Occident. Il a également identifié des causes plus profondes de la Seconde Guerre mondiale, notamment le traité de paix punitif de Versailles qui a encouragé «une humeur radicale et revanchard» en Allemagne, et la création de nouveaux États qui ont donné lieu à de nombreux conflits, notamment en Tchécoslovaquie, qui contenaient 3,5 millions de membres de la minorité allemande.

 

La première réponse de la Pologne aux furieuses philippiques de Poutine fut une déclaration de son ministère des Affaires étrangères le 21 décembre, exprimant son incrédulité face aux déclarations du président russe. La Pologne, a déclaré le ministère des Affaires étrangères, avait une politique équilibrée à l'égard de l'Allemagne et de l'Union soviétique dans les années 1930, signant des pactes de non-agression avec les deux pays. "Malgré la politique pacifique menée par la République de Pologne, l'Union soviétique a pris des mesures directes pour déclencher la guerre et en même temps commis des crimes de masse".

Selon le ministère polonais des Affaires étrangères, la chronologie cruciale des événements a été qu'en janvier 1939, les Allemands ont fait valoir leurs prétentions contre la Pologne; à la mi-avril, l'ambassadeur soviétique a proposé une coopération politique à Berlin et, fin avril, Hitler a répudié le pacte germano-polonais de non-agression; en août, le pacte germano-soviétique a été signé; en septembre, l'Allemagne et l'URSS ont envahi la Pologne puis signé un traité de frontière et d'amitié qui a officialisé la partition de la Pologne.

Parmi les crimes attribués * aux soviétiques contre la Pologne figure la répression de masse des Polonais dans les territoires occupés par l'Armée rouge, avec 107 000 arrestations, 380 000 déportations et, au printemps 1940, 22 000 exécutions de prisonniers de guerre et de fonctionnaires polonais à Katyn et sur d'autres lieux de meurtres **.

 

 *Ndt : Attribués essentiellement par la propagande nazie, reprise par l'OTAN pendant la guerre froide.

** NdT : Autre thèse nazie, reprise par la CIA et l'OTAN, désormais invalidée, comme on le verra prochainement avec le livre de Grover Furr.

 

Le 29 décembre 2019, le Premier ministre polonais, Mateusz Morawiecki, a publié une déclaration, notant que la Pologne était la première victime de la guerre, «la première à avoir subi l'agression armée de l'Allemagne nazie et de la Russie soviétique, et la première à avoir combattu pour la défense d'une liberté Europe. » Le pacte Molotov-Ribbentrop n'était pas un accord de non-agression mais une alliance militaire et politique de deux dictateurs et de leurs régimes totalitaires. «Sans la complicité de Staline dans le partage de la Pologne et sans les ressources naturelles que Staline a fournies à Hitler, la machine criminelle allemande nazie n'aurait pas pris le contrôle de l'Europe. Grâce à Staline, Hitler a pu conquérir de nouveaux pays en toute impunité, emprisonner des juifs de tout le continent dans des ghettos et préparer l'Holocauste ».

 

Morawiecki est cependant resté assez peu virulent face à Poutine: «Le président Poutine a menti sur la Pologne à de nombreuses reprises, et il l'a toujours fait délibérément.» Selon Morawiecki, la «calomnie» de Poutine a été conçue pour détourner l'attention des revers politiques subis par le président russe. , telles que les sanctions américaines contre le projet d'oléoduc Nord Stream 2 et l'interdiction par la World Anti-Doping Agency de la Russie des événements sportifs internationaux pendant quatre ans.

 

Tous les États préfèrent se présenter comme des victimes plutôt que des criminels et ce n'est pas la première fois que la Pologne et la Russie s'affrontent au sujet du pacte germano-soviétique. Le piquant de la polémique est évidemment lié à l'état désastreux des relations russo-occidentales et à la présence à Varsovie d'un gouvernement "nationaliste radical".*

 

*NdT : du genre national (anti) socialiste !

 

Mais comment évaluer le contenu historique de ces échanges? Mon premier livre, publié en 1989 à l'occasion du 50e anniversaire du pacte nazi-soviétique, était The Unholy Alliance: Staline's Pact with Hitler . Depuis lors, j'ai écrit de nombreux autres livres et articles sur le pacte germano-soviétique. Mes recherches m'ont amené à conclure que Poutine a globalement raison en ce qui concerne l'histoire de la politique étrangère soviétique dans les années 1930, mais a des lacunes dans son analyse du pacte germano-soviétique.

 

Après l'arrivée au pouvoir d'Hitler en 1933, les Soviétiques se sont efforcés de conclure des alliances de sécurité collective pour contenir l'agression et l'expansionnisme nazis. Moscou a soutenu la Tchécoslovaquie en 1938 et était prête à faire la guerre à l'Allemagne. Après Munich, les Soviétiques se trouvèrent isolés, mais l'occupation de Prague par Hitler en mars 1939 offrit l'occasion de relancer leur campagne de sécurité collective. En avril, Moscou avait proposé une triple alliance anglo-soviétique-française qui garantirait la sécurité de tous les États européens menacés par Hitler, y compris la Pologne.

Certains historiens ont mis en doute la sincérité de la proposition de triple alliance de Moscou, mais de nombreuses preuves provenant des archives soviétiques montrent que c'était l'option préférée de Staline jusqu'à la fin. Le problème était que la Grande-Bretagne et la France traînaient des pieds pendant les négociations et à mesure que la guerre se rapprochait, Staline doutât de l'utilité d'une alliance soviéto-occidentale. Craignant que l'Union soviétique ne soit laissée seule à combattre Hitler tandis que la Grande-Bretagne et la France se tenaient à l'écart, Staline a décidé de conclure un accord avec Hitler - qui a gardé l'URSS hors de la guerre à venir et a fourni certaines garanties pour la sécurité soviétique.

On peut certes juger que l es Soviétiques ne furent pas aussi proactifs qu'ils auraient du l'être pour tenter de persuader les Britanniques et les Français d'accepter leurs propositions. Certains chercheurs soutiennent que c'était parce que les Soviétiques étaient occupés à courtiser les Allemands *.

*NdT : ces mêmes "chercheurs" cherchent encore... des preuves de ce genre d'accusation.

 

Cependant, jusqu'en août 1939, toutes les approches sont venues du côté allemand, qui cherchaient désespérément à perturber les négociations de la triple alliance. L'ouverture politique d'avril 1939 mentionnée dans la déclaration du ministère polonais des Affaires étrangères en est un exemple: l'initiative est venue des Allemands et non des Soviétiques.

Un État que Moscou a activement courtisé en 1939 fut la Pologne. Malgré le mauvais "ressenti" des relations soviéto-polonaises, après Munich, les deux États ont tenté d'améliorer leurs relations. Quand Hitler s'est retourné contre la Pologne au printemps 1939, Moscou a fait de nombreuses démarches auprès de Varsovie, essayant de persuader les Polonais de souscrire à leur projet de triple alliance. Mais Varsovie, farouchement anti-comuniste, ne voulait ni ne pensait avoir besoin d'une alliance avec l'URSS étant donné qu'elle comptait sur le soutien de la Grande-Bretagne et de la France.

L'échec de cette détente polono-soviétique naissante a scellé le sort des négociations de la triple alliance, qui échouèrent lorsque les Britanniques et les Français ne purent obtenir le consentement de Varsovie pour l'entrée de l'Armée rouge en Pologne en cas de guerre avec l'Allemagne.

Après la signature du pacte germano-soviétique, la coopération politique, économique et militaire entre l'Union soviétique et l'Allemagne furent considérables. La plupart des gens voient cela comme une manœuvre tactique de Staline pour gagner du temps pour se préparer à une attaque allemande. Cependant, j'ai soutenu qu'en 1939-1940, Staline envisageait la possibilité d'une coexistence à long terme avec l'Allemagne nazie.*

* NdT : thèse du camarade Roberts qui n'engage que lui  !

 

Poutine fait valoir que Staline ne s'est pas rabaissé à rencontrer Hitler, contrairement aux dirigeants britanniques, français et polonais. Certes, mais Staline a reçu le ministre nazi des Affaires étrangères Ribbentrop à deux reprises - en août et septembre 1939 - et en novembre 1940, il a envoyé son ministre des Affaires étrangères, Molotov, à Berlin pour négocier un nouveau pacte germano-soviétique avec Hitler. C'est l'échec de ces négociations qui a mis les relations germano-soviétiques sur le chemin de la guerre.*

* NdT : autres thèses du camarade Roberts qui n'engagent que lui  ! Dès l'origine du conflit Hitler était déterminé à envahir l'URSS , comme du reste Geoffrey le reconnait lui-même.

 

La première clause du protocole secret annexé au traité de non-agression germano-soviétique concernait les États baltes. Tout au long des négociations de la triple alliance, la principale préoccupation de Moscou en matière de sécurité portait sur une avancée militaire allemande à travers les terres côtières de la Baltique jusqu'à Leningrad. Avec la signature du pacte germano-soviétique, la porte d'entrée baltique pour l'expansion allemande était verrouillée par un accord sur les sphères d'influence qui attribuaient la Lettonie, l'Estonie et la Finlande à la sphère soviétique. La Lituanie restait dans la sphère allemande mais fut transférée aux Soviétiques en septembre 1939.

 

C'est la deuxième clause du protocole qui divise la Pologne en sphères soviétique et allemande, mais cela ne peut pas être considéré comme une décision définitive de partition de la Pologne, bien que cette possibilité fut certainement envisagée. Le protocole limitait l'expansion allemande en Pologne mais ne précisait pas que les deux États annexeraient leurs sphères d'influence. Les actions des deux Etats à cet égard seront déterminées par le cours de la guerre germano-polonaise. En l'occurrence, la Pologne fut rapidement écrasée par les Allemands, tandis que les Britanniques et les Français ne surent guère aider leur allié, sauf à déclarer la guerre à l'Allemagne. C'est dans ces circonstances que Berlin pressa les Soviétiques d'occuper la Pologne orientale. Staline n'était pas prêt, politiquement ou militairement, à prendre cette mesure, mais il savait que si l'Armée rouge n'occupait pas le territoire, la Wehrmacht le ferait.

 

Poutine passe sous silence le fait que l'entrée de l'Armée rouge en Pologne était une opération militaire massive impliquant un demi-million de soldats. Des affrontements à grande échelle avec les forces polonaises n'ont été évités que parce que le commandant en chef de la Pologne a ordonné à ses troupes de ne pas tirer sur l'Armée rouge. Malgré cela, l'Armée rouge a fait 3 000 victimes, dont un millier de morts. *

 

* NdT : Geoffrey oublie de préciser que c'est par ce que les officiers polonais "nationalistes radicaux" ne respectèrent pas la consigne !

 

Souvent accusé de faire du recyclage de la "ligne soviétique", Poutine n'a donc pas invoqué l'argument pourtant le plus imparable Moscou pour justifier son intervention en Pologne, à savoir que l'Armée rouge entrait dans le pays pour libérer la Biélorussie occidentale et l'Ukraine occidentale.

Les territoires de l'Est de la Pologne ont été sécurisés à la suite de la guerre russo-polonaise de 1919-1920. Ces territoires se trouvaient à l'est de la ligne Curzon - la frontière ethnographique entre la Russie et la Pologne délimitée à Versailles. La majorité de la population était juive, biélorusse et ukrainienne et beaucoup ont accueilli l'Armée rouge en tant que libérateurs de la domination polonaise. Cet enthousiasme fut très tempéré par le processus de soviétisation par lequel les territoires occupés ont été incorporés à l'URSS dans le cadre d'une Biélorussie unifiée et d'une Ukraine unifiée.

Pendant la Seconde Guerre mondiale, Staline a insisté pour que la ligne Curzon soit la frontière entre la Pologne et l'URSS - une position qui a finalement été acceptée par la Grande-Bretagne et les États-Unis. En compensation de ses pertes territoriales, la Pologne a reçu la Prusse orientale et d'autres parties de l'Allemagne. Le résultat de ce transfert a été le déplacement brutal de millions d'Allemands de leurs terres ancestrales.

 

L'histoire est rarement aussi univoque que le voudraient les polémiques politiciennes. Les deux côtés du différend russo-polonais ont des arguments à faire valoir; ni l'un ni l'autre n'a le monopole de ce qui est une amère vérité . Le pacte germano-soviétique est un fait, tout comme la collaboration polonaise avec Hitler dans les années 1930. L'Union soviétique a d'abord du composer avec l'Allemagne nazie, mais c'est ce qui lui a permis de défaire décisivement le terrible appareil de destruction Hitlerien. Staline engagea alors de vastes répressions de masse, mais ça n'était pas pour autant un dictateur raciste ou génocidaire et il n'était pas non plus belliciste. L'invasion de la Pologne orientale par l'Armée rouge peut être jugée répréhensible, mais elle a également ramené la Biélorussie et l'Ukraine dans le giron de leur mère patrie : l'union soviétique.

 

Pendant la Seconde Guerre mondiale, l'Armée rouge a, comme tous les belligérants, commis des atrocités, mais elle n'a pas commis de meurtre de masse et a libéré l'Europe des nazis avec ses alliés.

Les politiciens utiliseront toujours le passé à des fins politiques. Mais en 2009, Poutine est arrivé à une vision équilibrée du pacte germano-soviétique, comme l'avait fait Tusk dans sa réplique mesurée. Espérons que la Pologne et la Russie pourront retrouver un chemin vers ce terrain d'entente. La victoire sur l'Allemagne nazie a nécessité d'énormes sacrifices de la part des deux pays. Il est certainement possible de célébrer cette victoire commune avec dignité et dans le respect des différences concernant son histoire compliquée. *

 

Geoffrey Roberts

 

Notes, illustration video et traduction : Viktor Yugov, pour la Librairie Tropiques

 

* NdT : ce sera sans doute beaucoup plus facile quand l'OTAN cessera d'instrumentaliser les fascistes polonais  !

 

Article initialement publié sur le site du Columbian Collège of Arts and Science,
sous le titre :  Poles Apart: Putin, Poland and the Nazi-Soviet Pact

Tag(s) : #Geoffrey Roberts, #histoire, #Katyn, #Poutine, #Pologne, #pacte germano-soviétique
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