Obono : mea culpa

par Jean-Pierre garnier

 

Deux mea culpaculpae nostrae, en latin — pour le prix d’un seul. L’un, de ma part, pour avoir imprudemment surestimé dans une précédente chronique la capacité de résistance de Danièle Obono à la pression politico-médiatique visant à la faire changer de discours sinon d’idées à propos de la question du jour dans l’hexagone en plus de celle du harcèlement masculin, diversionniste comme d’habitude: celle du racisme et de l’antisémitisme, le premier étant comme de coutume rabattu sur le second. L’autre mea culpa est l’acte de contrition publique auquel s’est livrée l’intéressée elle-même —un plumitif finaud parle de « rétropédalage tout honte bue », ce qui est exagéré— pour désavouer ce qu’elle avait précédemment proclamée au risque d’être excommuniée de la France citoyennisée à laquelle se réduit la gauche aujourd’hui.

L’un des aspects cocasses dans cette affaire qui n’en manque pas, est l’accusation de verser dans le « communautarisme racisé » voire raciste, qu’a valu à D. Obono le fait d’avoir un peu frayé avec le PIR (Parti des Indigènes de la République) et approuvé certains prises de position de sa sulfureuse porte-parole, Houria Bouteldja. Non que cette secte ne se prête pas elle-même à une telle accusation comme le confirme le dernier opus de sa grande prêtresse, dont l’intitulé annonce la couleur idéologique, si l’on peut dire : Les blancs, les juifs et nous (pour mémoire voir : un processus désopilant). Mais il est permis de se demander à quel titre et avec quelle légitimité ce reproche peut être adressé de la part de représentants et porte-paroles, ouverts ou dissimulés, d’un groupe social qui n’hésite pas à s’ériger lui-même en communauté aussi intouchable qu’irréprochable. Comble du grotesque, c’est au micro de radio J, radio communautaire s’il en est, que D. Obono a été sommée tout d’abord de s’expliquer.

D. Obono n’avait fait qu’aggraver son cas en prenant la défense de l’humoriste Dieudonné, « qui ne fait rire personne » selon ses risibles détracteurs, non seulement poursuivi de la vindicte hystérique de Manu, mais de ses foudres judiciaires et policières lorsqu’il était ministre de l’Intérieur, comme nous l’avons rappelé dans une chronique antérieure1. Il faut croire, néanmoins, que ses vitupérations trouvent un écho dans le staff des Vains soumis lorsque l’on entend, par exemple, Alexis Corbière se dédouaner devant une journaliste d’une quelconque complaisance avec la position prise naguère par D. Obono à l’égard du trublion du théâtre de la Main d’Or en traitant ce dernier de « salopard d’antisémiste ». Une injure qui n’aurait pas déparé dans la bouche d’un nervi de la Ligue de défense juive. Et que dire de l’indignation d’un autre insoumis, Éric Coquerel, de la dernière heure celui-là, qui trépignait de fureur à l’idée que l’on ne sente pas Charlie, comme avait osé l’avouer D. Obono, au moment où l’union nationale était de rigueur dans le pays pour prendre le deuil des journalistes victimes de la descente meurtrière de deux djihadistes dans les locaux de la revue.

Mise en demeure de revenir sur des déclarations jugées iconoclastes, D. Obono n’a eu, semble t-il, d’autre choix que de faire amende honorable en récitant le bréviaire « républicain » de la France insoumise sous peine de se voir exclue d’un mouvement qui promet à ses élus un bel avenir politicien. Car comment comprendre un tel revirement sinon par la peur de perdre les avantages tant matériels que symboliques procurés par le statut de députée ? On pourra peut-être objecter, à la décharge de D. Obono, que pour elle, le jeu de l’opposition sur les questions dites « sociétales » ne valait pas la chandelle de la lutte sociale contre « l’oligarchie » qui constitue en principe la raison d’être de la F.I.

Cette tempête dans un verre d’eau peut apparaître dérisoire et somme toute typique de ce qui tient lieu de vie politique dans l’hexagone. Elle n’en est pas moins révélatrice du mode de fonctionnement de ce « mouvement qui n’est pas un parti » si l’on en croit les têtes d’affiche de la F.I. Certes, les conditions concrètes et modalités effectives de la mise au pas interne de D. Obono n’ont pas fait l’objet d’une quelconque publicité. Et l’on ne sait pas si, face au caquetage agressif de la volaille politico-médiatique qui lui volait dans les plumes, la pauvre Danièle a dû renouer avec la bonne vieille tradition stalinienne de l’autocritique. Mais, la pénible gymnastique à laquelle se sont livrés certains des représentants de ce PC (Parti Citoyen) new look pour prendre leur distance avec ses propos, y compris au moment où elle commençait à se rétracter, montrent bien qu’il y a, comme dans les partis les plus centralisés et les plus autoritaires, une ligne dont il est hors de question de s’écarter.

C’est, comme il se doit, sur les réseaux soi-disant sociaux que les mises au point se sont succédées. Au nom de la commission « Défense et international » de la F.I. qu’il anime, Djordje Kuzmanovic, s’est déchaîné. « Je ne soutiens pas Houri (Bouteldja) porte-parole du PIR, a t-il furieusement touité, parti racialiste, antisémite et communautariste opposé aux valeurs de la République ». Le politologue de service Thomas Guénolé, lui-aussi membre de la France insoumise, dont les « analyses dérangeantes », selon ses confrères, ne dérangent personne, ne pouvait manquer non plus de mettre son grain de sel. Sur son compte Touiteur en l’occurrence : « Les propos de Danièle Obono sur Houria Bouteldja n'ont aucun rapport avec le projet de la France insoumise. Donc, ils n'engagent qu'elle. » Même son de cloche en provenance d’un adjoint F.I. au maire du 1er arrondissement de Lyon et candidat malchanceux aux législatives, qui expliquait à 20 Minutes : « Je commençais à voir des réactions qui voulaient faire croire qu’il y avait une certaine proximité idéologique entre la France insoumise et le PIR. J’ai partagé cette vidéo pour montrer que notre mouvement, qui prône un idéal d’émancipation laïc, n’a rien à voir avec un groupuscule identitaire et les propos de sa porte-parole qui relèvent de l’antisémitisme, du racisme et, rajoutait-il sans doute pour séduire son électorat bobo, de l’homophobie ». De fait, Baudruchon, apparemment laissé sans voix par cette attaque inopinée contre l’une de ses porte-voix, avait lui aussi partagé ladite video à défaut de s’exprimer lui-même. Une autre source interne, anonyme cette fois, et qui tenait à le rester, mettait les points sur les i : « Certains essayent de faire croire qu’il y a deux lignes à LFI, c’est faux. Les divergences de Danièle Obono sur quelques sujets ne représentent pas la ligne du mouvement. Il s’agit d’un avis personnel dissonant. Notre ligne a été rappelée par Jean-Luc Mélenchon en partageant cette vidéo. Nous sommes la formation politique la plus intransigeante sur la laïcité et je serai étonné que Danièle Obono revienne en dissonance car le vent du boulet est passé très près ». De quel boulet s’agissait-il ? De l’un de ceux tirés par les pourfendeurs de la députée. Ou de la menace d’exclusion qui lui pendait au nez si elle ne venait pas à repentance ?

On aurait pu croire cependant qu’avec la série d’éclaircissements «républicains» auxquels elle a été contrainte au cours des heures qui suivirent, la polémique se serait arrêtée là. Elle avait en effet tenté d'éteindre l'incendie en publiant une « mise au point », sur Fesse-bouc et Touiteur comme il se doit, réaffirmant que son seul programme était celui de La France insoumise. « Continuons à agir ensemble, chaque jour, partout, pour défendre une République plus juste et plus digne », ânonnait-elle. Mais c’était sans compter avec la hargne et la haine tenaces de la communauté qui aime à faire parler d’elle sans que son nom soit prononcé. Dès le lendemain de l’entretien piégé que D. Obono avait eu l’imprudence d’accepter, la LICRA entrait dans la danse du scalp sans que l’on sache exactement si c’était celui de la députée ou celui du Führer des insoumis qu’il s’agissait d’arracher. Son nouveau président, Mario Stasi, inaugurait son premier jour à la tête de l'organisation en envoyant une lettre publique à Jean-Luc Mélenchon, visant nommément Danièle Obono. Le PIR y était qualifié de « groupuscule extrémiste», imprégné d’«une doctrine exclusivement vertébrée par le racisme et son obsession des juifs ». Recourant lui aussi à Fesse-Bouc, M. Stasi précisait qu’il était « urgent de sortir de l’ambiguïté, fût-ce au détriment d’une stratégie électoraliste faite sur le dos des valeurs les plus essentielles de notre République », ajoutant qu’il demandait à Baudruchon de « clarifier publiquement sa position et celle de son parti. »

On pourra peut-être s’interroger sur la relation entre les propos de D. Obono et l’électorat de la F.I, plutôt « classes moyennes éduquées » voire prolos embourgeoisés, assez éloignés de la France « métissée » parquée dans les zones de relégation. À cet égard, suspecter la F. I. de dérive « islamo-gauchiste », comme Manu, suivi par d’autres, se complait à le faire au travers du « cas » Obono, est d’un ridicule achevé. On peut, en effet, quand même créditer Baudruchon, franc-maçon dur sinon pur devant la Grande Loge d’Orient à défaut de l’éternel, d’une totale allergie à l’obscurantisme islamiste. Quant au gauchisme auquel il a pu céder dans sa jeunesse quand il militait à l’OCI (Organisation Communiste Internationale), il y a belle lurette qu’il l’a répudié, et il en va de même pour l’ex-membre du NPA dont l’anticapitalisme, au demeurant, relève de plus en plus de l’auto-proclamation. Mais ce serait oublier que les sionistes hexagonaux n’ont pas la mémoire courte. Et pas seulement celle de la Shoah qui exempte l’État juif de tout compte à rendre sur le sort qu’il réserve aux palestiniens. En 2014, alors qu’il co-présidait le Parti de gauche, Jean-Luc Mélenchon, qui n’avait pas encore délaissé la gauche «historique», anti-impérialiste et pro-palestinienne, fustigeait sans ambages les intervention militaires meurtrières d'Israël dans la bande de Gaza. Or, il est désormais avéré qu’un parti n’a de chances de parvenir au pouvoir en France et surtout d’y demeurer, que s’il a préalablement donné des gages de vassalité à l’égard du complexe euro-atlantique dont Israël est le relai primordial au Proche Orient. Même s’il ne figure pas dans le préambule de L’avenir en commun, voilà un précepte auquel D. Obono, comme ses camarades, doit se garder de contrevenir, ne serait-ce qu’indirectement et involontairement.

Jean-Pierre Garnier

Une autocritique du camarade renégat Garnier
Tag(s) : #jean-pierre garnier, #liberté d'expression, #politique, #social
Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :