Un anarchisme de tout repos
Jean-Pierre Garnier
Rituellement, Lundi Matin, le site de référence de la gogôche lettrée éprise de «radicalité», publie des articles destinés à prouver que ses animateurs — et donc ses lecteurs — se situent bien dans la tradition anarchiste, revue et corrigée par eux au besoin. Pour ce faire, il leur suffit d’évoquer de temps à autre des révoltes et des soulèvements ou des personnages historiques où le terme «anarchisme» qui servait à les qualifier… ou les disqualifier n’était pas un vain mot.
Ainsi en va t-il du numéro en date du 12 avril dernier à l’occasion de la parution d’un livre consacré à May Picqueray sous l’égide des éditions Libertalia qui, elles aussi, viseraient à «armer les esprits et les préparer à des lendemains solidaires et libertaires1».
Sous le patronage involontaire de cette authentique militante anarcho-syndicaliste, antimilitariste libertaire de surcroît, tout est permis, et les têtes pensantes du bobotariat anarchoïde des temps post-modernes ne s’en privent pas.
Ainsi, l’un d’entre eux n’y va pas de main morte en reprenant, pour amorcer son compte-rendu du livre sur Lundi matin la citation d’un long texte de Sébastien Faure, conférencier anarchiste qui eut souvent maille à partir avec la justice bourgeoise pour «propos séditieux», que May Piqueray avait elle-même choisi pour entamer le récit de ses souvenirs. « Non, les anarchistes ne sont ni des utopistes, ni des rêveurs, ni des fous, et la preuve, c’est que, partout, les gouvernements les traquent et les jettent en prison afin d’empêcher la parole de vérité qu’ils propagent d’aller librement aux oreilles des déshérités, alors que si l’enseignement libertaire relevait de la chimère ou de la démence, il leur serait si facile d’en faire éclater le déraisonnable et l’obscurité. »
Or, confrontée à la situation peinarde de la mouvance anarchoïde au sein de la société capitaliste de ce début du XXIe siècle et au rôle dérisoire d’opposante déterminée qu’elle prétend y jouer, on ne peut que constater le gouffre qui la sépare des grands ancêtres dont elle se plait à se réclamer.
Si on laisse de côté les zadistes, les squatters ou les manifestants victimes de la répression policière et judiciaire qui ont au moins le mérite de passer à l’acte, à défaut d’une volonté effective d’en finir avec le capitalisme et d’une stratégie idoine pour y parvenir, aucun de nos foudres de la guerre de classe en dentelles rhétoriques n’a eu à subir de nos jours la traque et l’emprisonnement. Le site Lundi matin et les éditions Libertalia comme tant d’autres canaux médiatiques qui permettent à une pensée postulée «subversive» de s’écouler à flots continus n’ont jamais eu à souffrir d’une quelconque interdiction. Seuls ont été censurés puis supprimés et leurs animateurs poursuivis et condamnés ceux classés à l’extrême-droite accusés de diffuser des «discours de haine». Le tout dans un silence unanime qui vaut approbation de la part des matamores de le ce que l’on appelait jadis l’extrême-gauche dont l’antifascisme dont ils se targuent encore aujourd’hui a aussi peu de consistance que l’anticapitalisme qui constitue toujours leur image de marque. À propos de ces deux poids deux mesures en matière de censure, il convient de signaler que, du point de vue des dominants, la dangerosité d’un Alain Soral ou d’un Dieudonné ne tenait pas tant à la teneur de leurs discours qu’à l’audience assez large dont ceux-ci bénéficiaient dans les milieux populaires, avec le risque de «trouble à l’ordre public» qu’ils pouvaient générer dans une conjoncture politico-idéologique où la démocratie bourgeoise connaît la désaffection que l’on sait parmi ces milieux.
Ce qui n’est nullement le cas de la logorrhée anarchoïde émanant de gens qui font assaut de formulations tarabiscotées et amphigouriques pour prouver leur hauteur ou leur profondeur de vue et l’originalité de leur pensée. Pour les autorités, il n’est nul besoin d’«empêcher la parole de vérité qu’ils propagent d’aller librement aux oreilles des déshérités», pour reprendre ce qu’écrivait Sébastien Faure, car ce n’est pas à ceux-ci qu’ils s’adressent mais à une petite bourgeoisie intellectuelle en mal de rébellion sans risques, c’est-à-dire, en fin de compte, à eux-mêmes. Certes, prise au pied de la lettre, leur jactance belliqueuse peut donner une impression sulfureuse mais elle ne paraîtra telle qu’aux connaisseurs diplômés, alors qu’elle demeure littéralement incompréhensible au tout venant issu du peuple qui se serait aventuré à en saisir le sens.
Toutes choses égales par ailleurs, et pour revenir à l’actualité immédiate, celle de la gestion de la pandémie, il n’est que de relever le contraste entre, d’une part, le sort peu enviable réservé par les gouvernants, les instances officielles de la santé publique et les médias dominants à Didier Raoult, Louis Fouché, Christian Péronne, Jean-Bernard Fourtillan, le couple Gérard et Nicole Delépine et autres médecins non alignés qui ont dénoncé, preuves à l’appui, le caractère calamiteux voire fallacieux de cette gestion, et, d’autre part, la totale liberté laissée à nos réfractaires diplômés de disserter à qui mieux mieux en tournant autour du pot sur le même sujet en se gardant bien de transgresser, ne serait-ce que verbalement, les règles de plus en plus draconiennes imposées par la dictature «sanitaire» en cours d’instauration. Bien plus, ils font chorus, tout comme les personnalités de la gogôche modérée, zinsoumis compris, avec tenants du pouvoir en place pour vouer aux gémonies avec une mauvaise foi insigne les dissidents qui osent bafouer ces règles.
ll n’est pour s’en convaincre que de lire, par exemple, toujours sur Lundi matin, l’ahurissant réquisitoire prononcé par le philosophe Ivan Segré, talmudiste sioniste invétéré, contre le documentaire Hold Up, déjà vomi par tout ce que la France compte de préposés, stipendiés ou bénévoles, à la covidisation de esprits2. Au soupçon habituel de «conspirationisme» érigé en certitude à l’encontre de ce film, il ajoute quelques anathèmes de son cru du genre : «l’esthétique de Hold-up, c’est plutôt celle d’un vétéran de l’armée américaine cuvant sa bière devant Fox News». Tout cela parce qu’au dire d’un chauffeur de taxi, l’information — une fake new bien entendu — selon laquelle l’éminence docteur Fauci, ennemi de l’hydrochloroquine et adepte du vaccin obligatoire — recommandations auxquelles I. Segré, en bon mutin de Panurge, ne trouve rien à redire — serait quelque peu corrompu, émanait d’«un site d’information nord-américain, créé par des vétérans de l’armée» qui ne pouvait intéresser que d’«anciens paras à moitié beurrés discutant de géopolitique dans un Mac Donald, au fin-fond d’un coin paumé du Middle-West». Plus loin, I. Segré dresse un parallèle entre « Mein Kampf de Hitler où l’élément corrupteur, ce sont les Juifs» et «l’imaginaire féodal [sic] de Hold-up» où «ce sont les libéraux technophiles», «les élites scientifiques et économiques corrompues, soumises à une finance internationale technophile et destructrice de nos valeurs communes. » Reductio ad Hitlerum caricaturale que I. Segré, qui n’est plus à une contradiction près, impute pourtant lui-même aux réalisateurs à l’encontre de l’énarque-médecin Laurent Alexandre. Dans un vibrent plaidoyer en faveur du gourou du transhumanisme en France et évadé fiscal multimillionnaire3, il n’hésite pas en effet à reprocher aux «technophobes» de le faire passer «pour un Hitler en herbe». Quelques extraits de ses videos, que I. Segré «invite à regarder plutôt que Hold up», auraient en effet suffi à le convaincre que ce technolâtre imbu de lui-même était un «homme de conviction», «libéral et démocrate», à qui l’on pouvait faire confiance pour penser l’avenir de l’humanité. Aussi fait-il sienne la ligne stratégique à suivre fixée par l’apôtre en chef de la déshumanisation numérique: «si nous voulons que les valeurs européennes, celles des Droits de l’homme et de la démocratie, prennent le contrôle du développement des nouvelles technologies, il faut que nous soyons les plus performants. Sans quoi c’est la Californie et la Chine qui vont légiférer.»
On s’étonnera peut-être, pour peu que l’on ne soit pas au fait de l’état de décrépitude idéologique avancée de la faune anarchoïde, de voir l’un de ses mentors reprendre l’antienne éculée des « valeurs européennes, celles des Droits de l’homme et de la démocratie» auxquelles personne ne croit plus, y compris parmi les bureaucrates qui officient aux frais et aux dépens des contribuables à Bruxelles ou à Strasbourg. Terminons par une déclaration de Laurent Alexandre puisées dans ses laïus aux «élites» qui a sans doute échappé à l’attention de I. Segré, alors qu’elle résume assez bien sa philosophie politique : «Il faut éviter la multiplication des gilets jaunes. Ce sont des êtres inutiles et substituables». On serait tenté d’en dire autant de I. Segré et des anarchoïdes en général, encore que le remplacement souhaitable de ces derniers par des anarchistes «old style» ne soit pas pour demain tant que des imposteurs doublés de bouffons occuperont la place.
Jean-Pierre Garnier
Postface du libraire
Faut-il sauver
l'intellectuel compulsif
Ivan Segré ?
Pour moi qui connais Ivan Segré depuis un bon moment et qui appréciais sa sincérité candide en dépit des élucubrations que lui inspirait trop souvent sa schizophrénie sionisto-charliste (double dialectique de l'islamo-rojavisme en vogue dans son milieu d'élection), j'ai été alerté par les révélations du camarade J-P.G, et assez surpris pour me taper de vérifier ses sources sur la gazette des radicaux du Lundi (le genre de pudding de cuistrerie indigeste et frelatée que je me garde bien de consommer ordinairement).
Hélas, force est de constater que J-P.G a fidèlement recensé "l'étude" de notre talmudiste patenté. Un jeune confrère que je lui fis rencontrer pour la première fois, il y a quelques années, à la librairie :
Deuxième partie :
Précisons, à toutes fins utiles, au soldat Segré, que quant à nous, nous n'avons évidemment pas participé à la propagation de l'imposture "Hold-Up" ni aux thèses des "radicaux rebelles" des réseaux sociaux, adeptes de ce genre de niaiseries "virales", et moins encore à celles des zélotes (tels Ivan Segré) du répugnant Laurent Alexandre..
Voir :