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ARTICLE MIS A JOUR
Après les Langages totalitaires, qui étudiaient comment la venue au pouvoir de Hitler avait été rendue acceptable, Jean-Pierre Faye analyse comment la Révolution française a pu engendrer tout à la fois les droits de l’homme et la « Terreur ».
Selon la 4ème de couve de Gallimard, il s’agirait de "répondre aux généalogies trompeuses qui incriminent 1789 et les Lumières à propos du national-socialisme et du stalinisme."
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Nous avons donc demandé à ses préfaciers ce que le "stalinisme" venait faire là dedans ?
Extrait de la
Réponse à Emmanuel Faye
Sur « l’erreur de Lénine »
Cher Emmanuel, comme promis, je vais laisser Marx lui-même répondre à la question soulevée au fil de notre très franc et très instructif débat, lors de la présentation à la librairie du livre de ton père.
Je rappelle l’origine de la controverse initiée par ton père : Lénine aurait-il fait un contresens sur les thèses de Marx en regard du statut du « droit » voire de « l’État de droit » lorsqu’il s’efforçât de les appliquer au moment où, au terme de la Révolution d’Octobre, dans la continuité revendiquée de la Commune de Paris, avec les bolchéviks, il se trouva face la tâche historique et très concrète de construire un État réellement socialiste et engager ainsi la lente transformation de sa société civile vers le communisme … réel ?
La réponse complète est en pièce jointe :
Réponse à Emmanuel Faye
Bonsoir Dominique,
Merci de ton envoi.
Ta leçon de marxisme est toujours utile à lire et j'apprécie la franchise des discussions qui se tiennent dans ta librairie.
Je dois dire cependant que la controverse que tu as initiée en m'interrompant alors que je m'apprêtais à évoquer une page importante du Dictionnaire politique portatif de Jean-Pierre Faye (voir la vidéo, 1h11mn), est décalée par rapport au propos de Jean-Pierre Faye.
Visiblement choqué par l'usage du mot "contresens" à propos d'une phrase de Lénine commentant une page de Marx, tu n'as pas pris le temps d'écouter et de comprendre ce qui était précisément en jeu.
Il était question du primat du pouvoir législatif sur le pouvoir exécutif tel qu'il est énoncé par Marx dans La guerre civile en France, texte qui ne porte pas sur la Révolution française mais sur le Second Empire et la Commune de Paris.
Jean-Pierre Faye montre, textes en main, qu'il y a eu comme un "malentendu" ou un "contresens" de Lénine dans son commentaire du passage en question de Marx. Les textes respectifs de Marx et de Lénine sont mis en parallèle, p.239 du Dictionnaire politique portatif
Tu as cru que Jean-Pierre Faye remettait en question la critique célèbre des droits de l'homme qualifiés de bourgeois par Marx, mais ce n'était pas ce qui était en jeu.
On peut bien entendu débattre en historiens pour déterminer si la Révolution française fut ou non avant tout une révolution bourgeoise et si tu as lu les ouvrages de Yannick, tu sais certainement que c'est aujourd'hui une question particulièrement controversée. La lecture de Soboul, etc., ne fait pas consensus. Mais ce n'est pas du tout ce qui est en question dans la page citée du Dictionnaire politique portatif
Je ne comprends pas non plus l'utilité de moquer, à propos des analyses de Jean-Pierre Faye, ceux qui recherchent un Marx humaniste dans ses écrits de jeunesse, car La guerre civile en France, qui date de 1871, peut difficilement être considérée comme un écrit de jeunesse de Marx.
Et je ne connais pas de texte de Jean-Pierre Faye où celui-ci défendrait, à la façon de Lucien Sève, un Marx humaniste.
Il y a certainement bien des choses qui méritent approfondissement et débat dans le Dictionnaire politique portatif. Et nous aurons peut-être – du moins je le souhaite – l'occasion de discussions fructueuses sur d'autres points. Mais qu'il soit clair à ce propos que je ne suis, en tant que préfacier du DPP, que l'un des présentateurs et non pas le défenseur attitré de la pensée de Jean-Pierre Faye, qui se défend fort bien elle-même. En l'occurrence, je me limite à rappeler la nature exacte de son propos pour ne pas l'engager dans une controverse qui ne le concerne pas directement.
Amitiés,
Emmanuel
Bonsoir Emmanuel
la vidéo restitue la rencontre et le débat tel qu'il s'est déroulé et comme tu pourras donc le vérifier j'ai fait amende honorable sur le "malentendu" quant au "contresens" que tu évoques, de même que j'ai salué ta mise au point sur le fait que ton père n'avait jamais utilisé le vocable "totalitaire" autrement que pour qualifier une rhétorique et un langage en rapport, à l'instar de ce que fit Klemperer, dans LTI.
Il reste que la discussion a porté, comme en atteste la video, sur une "sévère critique" de notre part de ce genre d'usage et surtout de la notion - totalement vide et sans la moindre consistance historique ou sociale - de "totalitarisme" comme de son janus "antitotalitaire" par ses adeptes, de fait anti-communistes sur le pire mode idéologique de la guerre froide, comme l'a très bien décrit et expliqué le livre de Christofferson.
Or, cette rhétorique anti-communiste s'appuie essentiellement sur une conception du "droit" et de son rapport au "pouvoir" qui en découle. Donc on est ici implicitement dans la notion de "séparation des pouvoirs" qui demeure un point "aveugle" à éclaircir dans ce que tu nous a présenté, s'ajoutant à celui de savoir comment on peut prétendre, à partir de l'analyse des langages totalitaires, associer Staline et son "régime soviétique"... au fascisme et au nazisme, même si ça n'est pas par le biais de cette daube conceptuelle de "totalitarisme".
Je suis donc tout à fait partant pour des "suites", en sorte de préciser, alimenter et clarifier ce débat dont l'actualité fascistoïde ( voir l'affiche ) et l'intérêt historique et politique ne font aucun doute.
Quoiqu'il en soit, dès demain, je vais reproduire, en complément de l'article sur le site, ta réponse et le passage que tu as cité du livre de ton père
bien qu'à la relecture, ce passage me laisse assez perplexe ... s'agissant "d'extraits d'extraits" décontextualisés et qu'il est difficile de comprendre en quoi Lénine aurait fait un "contresens", sur quoi et surtout ce qu'on peut bien en induire ...
Pour mémoire ce passage de l’État et la Révolution est tiré d'un chapitre intitulé : L'EXPERIENCE DE LA COMMUNE DE PARIS (1871). ANALYSE DE MARX et où Lénine considère donc non pas la Révolution Française mais la Commune de Paris et pour aborder la question de :
« Suppression du parlementarisme
"La Commune, écrivait Marx, devait être non pas un organisme parlementaire, mais un corps agissant, exécutif et législatif à la fois."
"Au lieu de décider une fois tous les trois ou six ans quel membre de la classe dirigeante "devait représenter" et fouler aux pieds [ver-und zertreten] le peuple au Parlement, le suffrage universel devait servir au peuple constitué en communes, comme le suffrage individuel sert à tout autre employeur en quête d'ouvriers, de surveillants, de comptables pour ses entreprises."
Cette remarquable critique du parlementarisme, formulée en 1871, est elle aussi aujourd'hui, du fait de la domination du social-chauvinisme et de l'opportunisme, au nombre des "paroles oubliées" du marxisme. Les ministres et les parlementaires de profession, les traîtres au prolétariat et les socialistes "pratiques" d'à présent ont entièrement laissé aux anarchistes le soin de critiquer le parlementarisme; et, pour cette raison d'une logique surprenante, ils qualifient d'"anarchiste" toute critique du parlementarisme ! ! On ne saurait s'étonner que le prolétariat des pays parlementaires "avancés", écoeuré à la vue de "socialistes" tels que les Scheidemann, David, Legien, Sembat, Renaudel, Henderson, Vandervelde, Stauning, Branting, Bissolati et Cie, ait de plus en plus souvent accordé ses sympathies à l'anarcho-syndicalisme, encore que celui-ci soit le frère jumeau de l'opportunisme.
Mais, pour Marx, la dialectique révolutionnaire n'a jamais été cette vaine phraséologie à la mode, ce hochet qu'en ont fait Plékhanov, Kautsky et les autres. Marx a su rompre impitoyablement avec l'anarchisme pour son impuissance à utiliser même l'"écurie" du parlementarisme bourgeois, surtout lorsque la situation n'est manifestement pas révolutionnaire; mais il a su, en même temps, donner une critique véritablement prolétarienne et révolutionnaire du parlementarisme.
Décider périodiquement, pour un certain nombre d'années, quel membre de la classe dirigeante foulera aux pieds, écrasera le peuple au Parlement, telle est l'essence véritable du parlementarisme bourgeois, non seulement dans les monarchies constitutionnelles parlementaires, mais encore dans les républiques les plus démocratiques.
Mais si l'on pose la question de l’État, si l'on considère le parlementarisme comme une de ses institutions, du point de vue des tâches du prolétariat dans ce domaine, quel est donc le moyen de sortir du parlementarisme ? Comment peut-on s'en passer ? »
Amitiés
Dominique