CE SOIR

L’éternel retour du même ?

    

Lors de la parution initiale (il y a 15 ans) de ce court pamphlet d’Aymeric Monville, le Monde d’alors (encore un peu Diplomatique), reconnaissait lui-même les mérites du livre et son actualité « polémique » :

« Ce petit livre polémique, souvent excessif, a le mérite de se demander comment un penseur antirationaliste, apologiste de la domination et de la violence, de l’écrasement des faibles, de l’aristocratie, antiféministe et même antisémite a pu devenir une des grandes références de l’intelligentsia française de gauche. » (Le Monde diplomatique)

Pour moi qui fit la connaissance d’Aymeric Monville en cette occasion, ce livre était déjà le bienvenu dans un contexte d’unanimisme post-moderne qui consacrait ce qu’Aymeric observait, à juste titre, comme un « retour de Nietzsche par la gauche » et comme une des origines les plus effectives du « consensus irrationaliste, individualiste et anticommuniste, de la « gauche morale » à la réaction » ; un consensus "mou" et déjà assez massif à l’époque.

Aujourd’hui que la plupart de nos nietzschéo-rebelles se sont lassés d’attendre « l’éternel retour du même » et ont fini par délaisser les imprécations de « l’ermite de Sils Maria », le livre d’A.Monville permet de mesurer le parcours accompli par nos panurges de gogoche. Un cheminement qui conduira certains d’entre eux (surtout les plus avides de palmes académiques) vers des sommets plus arides et brumeux : ceux du zadiste nazi ruminant dans sa chaumière du Todtnauberg, ou ceux moins amphigouriques de sa vestale Arendt

L’actualité renouvelée de ce livre d’Aymeric tient aussi au fait qu’il permet aujourd’hui de bien comprendre rétrospectivement comment notre « exception culturelle française » a pu « switcher » de la « french-theory » à l’intersectionnalisme, l’écolo-wokisme, etc. , d'Onfray à Enthoven ou Cynthia Fleury, de François Furet à Boucheron, Ludivine Bantigny et tutti quanti.

Avec l’épiphanie Hollando-Macroniste qui depuis cette quinzaine d’année constitue l’arrière-plan symbolique et politique des générations actuelles, cette philosophie de la misère intellectuelle, du refoulement névrotique et de la délectation morose, a produit des effets aussi paradoxaux que socialement et politiquement décisifs. Le plus spectaculaire d’entre-eux est évidemment l’avènement à la « magistrature suprême » d’un personnaliste bon teint. Un adepte de l’égo (transcendantal) sur le mode « non conformiste » de Mounier à Ricoeur ; et en cela bien phase avec son corps social aliéné aux intérêts de l’impérialisme.

C’est ce qui permet de mieux comprendre comment et pourquoi ce personnalisme « de papa » (collabo) a du et pu opérer sa « transition de genre »; comment et pourquoi il a du muter pour se refonder sous cette forme si consensuellement « et de droite et de gauche ». Comment et pourquoi, à nouveau et encore une fois, notre classe dirigeant atlantiste peut mobiliser ses ouailles pour une « trans-valuation de toutes les valeurs » (surtout boursières il est vrai). Nous sommes bien là dans le droit fil (de l’épée) de Nietzsche exhortant Bismarck et le Kaiser à avoir la main lourde contre les immondes communards français.

C'est ainsi que l’antisémitisme et la slavophobie « patrimoniales » de Nietzsche, après avoir servi jadis la croisade de nos nations civilisées contre le « judeo-bolchévisme », peuvent aujourd’hui être opportunément réappropriés par Macron au nom de la défense de nos « valeurs » occidentales, sous la menace des chars russes … comme chacun sait.

Pour en savoir plus  :

 

Présentation, dédicace et débat mercredi 10 avril à 19h30

Tag(s) : #Aymeric Monville, #personnalisme, #Nietzsche, #Emmanuel Macron
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