Pour nos citoyens démocrates, citoyens, nationaux et "antitotalitaires" , voire socialistes, il est instructif et peut-être même rassurant pour certains d'observer qu'en France, au moins en matière de propagande de masse "Kolossalement Korrekte", ripolinée par l'idéologie impérialiste dominante, nous sommes capables d'arriver aux mêmes résultats "massifs" que nos voisins allemands.
Ce qui est probablement le plus encourageant et réconfortant pour notre appareil idéologique c'est que nous parvenons à ces beaux résultats sans pour autant mobiliser des méthodes aussi "bourrin" que nos partenaires d’outre-Rhin. Chez nous, tout ça se fait très "naturellement", sans effort "holiste" particulier car dans le cadre unanime d'une connivence très spontanée de la classe dirirgeante avec ses agents et ses ses clients fidèles.
Alors que chez nos amis teutons ça impose quand même une gross discipline :
Note du traducteur : vu l’importance de ce document, qui dévoile un pan du complexe dispositif public-privé mis en place en Allemagne pour contrôler de A à Z les informations disponibles au public sur la guerre en Ukraine, nous avons, afin de gagner du temps, utilisé la traduction depuis l’allemand vers l’anglais paru sur le site UK Column News de l’expert traducteur Alex Thomson.
Publié pour la première fois sur NachDenkSeiten, l’article est de Florian Warweg ; celui-ci a autorisé la publication par Réseau International et a lui-même suggéré de partir de la traduction d’Alex Thomson. Les captures d’écran dont il est question à plusieurs reprises dans le texte ne sont pas reproduisibles pour motif technique, et devront être consultées sur NachDenkSeiten (cf. liens ci-dessous).
NB : En réponse à une question parlementaire, le gouvernement allemand a confirmé le 11 octobre l’authenticité du document communiqué par le lanceur d’alerte : https://www.nachdenkseiten.de/?p=89213.
Seul le volet I figure ici ; il est daté du 29 septembre 2022.
• Original allemand du volet I
• Original allemand du volet II
• Traduction anglaise par Alex Thomson du volet I
Le texte de M. Warweg commence ici.
d’un seul et même récit (Gleichschaltung) "autorisé"
concernant la guerre en Ukraine
Un donneur d’alerte anonyme a communiqué à NachDenkSeiten, site Web allemand de réinformation, un document interne du gouvernement allemand. Le site a vérifié le contenu du document, et l’identité du donneur d’alerte lui est connu.
Le document jette une lumière crue sur les structures tant horizontales que verticales de ce qu’il faut bien appeler propagande, véhiculée par l’état allemand au niveau fédéral, avec la participation officielle notamment, d’organes de presse tel Der Spiegel ou Stern, les réseaux sociaux occidentaux, les institutions scolaires et les soi-disant fact-checkers. Jusqu’aux élèves en école primaire sont parmi les cibles avoués. Ce qui transparaît est un effort concerté du gouvernement fédéral d’uniformiser de bout en bout les informations auxquelles aura accès la population (Gleichschaltung).
Le titre du document : « Activités actuelles des départements et autorités dans le combat contre la désinformation en connexion avec la guerre RUS (sic) contre UKR (sic) » ; il fait dix pages, et liste de manière exhaustive les activités concernées des ministères fédéraux et autorités déléguées, en date du 27 juin 2022. Et quelles activités !
Dans ce premier volet, NachDenkSeiten examinera le rôle du ministère de l’intérieur (BMI), ministère des Affaires étrangères (AA), Bureau fédéral de la presse (BPA) et Commissariat fédéral pour la culture et les mass-média (BKM). Le 2ème volet traitera des activités du ministère des Affaires digitales, du ministère de la Famille et du ministère de la Défense [au niveau fédéral].
La liste commence avec le ministère fédéral de l’Intérieur (BMI) dirigié par Nancy Faeser. Le est censé diriger et coordonner « l’identification de, et la défense contre, les menaces hybrides » de façon « interdepartmentale ». La gouvernance sera celle de « UAG RUS/UKR » (UAG veut dire en jargon minestériel, « sous-groupes de travail »). L’un des objectifs est la rédaction d’un rapport chaque quinzaine à rédiger sur les « menaces hybrides », notamment Russie-Ukraine ; mais surtout, le « plan de ‘résilience’ » (sic) en 10 points est à souligner.
Premier point du « plan » : « sur les sites Web du gouvernement fédéral, établir un lien (linking) vers les fact-checkers » de façon systématique. Les fact-checkers privés tels Correctiv, ou financés par contributions tels ARD-Faktenfinder, nourris essentiellement par les fonds du milliardaire US (fondateur d’eBay) Pierre Omidyar, sont censés recevoir une publicité maximale sur les « sites Web du gouvernement fédéral ». Et VLAN ! Pour ce qui est de la « neutralité politique » et « indépendance » dont les fact-checkers se gargarisent.
Par ailleurs, des pamphlets relatifs à la « désinformation dans le contexte de la guerre russe d’agression contre l’Ukraine » doivent être rédigés et envoyés aux ministères fédéraux et au Bundestag, Länder [États régionaux] et municipalités. À de multiples reprises on trouve la mention sur la liste : « en cours : communication aux multiplicateurs (sic) dans la société civile ».
Le 5ème point du « Plan de ‘résilience’ (sic) » est révélateur : il s’agit de la coopération avec la presse. On y trouve une référence à une « conversation sur le contexte avec Der Spiegel » le 31 mars, et la préparation d’articles de fond et d’interviews avec le ministre de l’Intérieur Faeser ; les revues Stern et Tagesspiegel sont explicitement nommés. On se réjouit de voir que le terme « groupe de travail anti-désinformation » est désormais « incrusté » dans les reportages. Dans le document, le terme ‘désinformation’ (russe) est utilisé comme terme-bateau balayant toute tentative de faire état de la position officielle russe. Seule la partie russe est concernée ; à aucun moment ne voit-on le gouvernement allemand décrire des affirmations officielles ukrainiennes ou US sur la guerre en Ukraine comme « désinformation » ipso facto.
Autre aspect du plan : « sensibilisation du domaine parlementaire », c’est à dire chercher à influencer les parlementaires fédéraux et régionaux, ce qui pose problème, vu la doctrine de la séparation des pouvoirs.
De même, le « plan de ‘résilience’ » insiste sur l’importance de « saisir les occasions » pour intensifier les contacts et pour-parlers avec les opérateurs des plateformes de réseaux sociaux « afin de les sensibiliser à la désinformation étatique ». Dans ce contexte, le document cite par leur nom Twitter, Meta, Google et Telegram pour des pour-parlers ayant lieu au niveau de secrétaire d’État[Staatssekretär].
Autre aspect épineux – chercher à influencer les « curricula scolaires, impliquer des centres de formation permanente pour adultes et les agences de volontaires ».
Finalement, il y est affirmé que les travaux pour la mise en œuvre d’un « Plan d’action de la Fédération et des Länder contre la désinformation et en faveur d’une démocratie ‘résiliente’ » (sic) sont lancés.
Aux côtés du ministère de l’Intérieur, le ministère des Affaires étrangères (AA) figure dans le document comme protagoniste d’une supposée « combat contre la désinformation [russe] ». Toute la gamme des mesures de l’AA concerne la seule « désinformation russe » , créant l’impression qu’un seul pays au monde serait à l’origine de la « désinformation » et de la distorsion du récit.
Par ex., dans le document du ministère des Affaires étrangères intitulé « Mesures intégrant le concept de communication RUS/UKR » on lit :
Observation et analyse des récits et de la désinformation russe
Rédaction d’un « document vivant » destiné à « déconstruire/démonter les récits traditionnels et actuels russes sur la guerre en Ukraine »
Promotion de projets susceptibles d’« encourager la ‘résilience’ face à la désinformation (russe surtout) […] »
Selon le document, l’AA réseaute « façon intensive et bilatérale » avec les collègues américains au sujet de la désinformation. On y cite notamment l’International Partnership to Counter State-Sponsored désinformation (IPCSD) et le Counter Foreign Interference Group (CFI).
[Commentaire du traducteur anglais Alex Thomson : « CFI » est un terme utilisé par plusieurs pays occidentaux dont l’Australie. La capture d’écran qui figure dans l’article de M. Warweg mentionne le Counter Foreign Interference (CFI) Group, ce qui est possiblement une erreur ; peut-être serait-ce une autre agence avec une appellation similaire, aux USA ou une agence transnationale. UK Column News a fait des émissions sur les agissements britanniques en ce sens.]
Le dernier point du document au sujet des activités de l’AA est parlant. Il y est question de « […] promouvoir les propositions de projet formulées par Deutsche Welle (DW) et DW Akademie dans le sens de reportages plus vastes sur UKR/RUS, et renforcer la compétence des organes de presse[…] ». À souligner donc que le ministère des Affaires étrangères, ministère fédéral chapeauté par la vedette du parti des Verts Annalena Baerbock, se donne l’objectif de financer des projets du service officiel allemand de radio- et télé-diffusion Deutsche Welle, organisme déjà financé par le contribuable. En quoi cela serait compatible avec le statut de Deutsche Welle (DWG), statut qui lui impose d’encourager « la formation d’une opinion indépendante », est parmi les nombreuses interrogations que soulèvent ces projets du ministère tels que révélés par le document.
Le Bureau fédéral de la presse (BPA), ainsi que l’AA sont décrits dans le document comme étant chargés de la « Désinformation EG ». Or, NachDenkSeiten a passé un coup de téléphone à la BPA le 27 septembre, concrètement à son chef de service ; celui-ci n’a pas pu ou voulu fournir une explication sur ce que signifie l’acronyme EG. Selon le document, la BPA est chargé de « sensibiliser le gouvernement sur le thème et contrer la désinformation ». La BPA propose l’accès à des « formations inter-départementales » sur la désinformation, mais ces formations, étonnamment, ne sont pas données par la BPA mais par des fournisseurs-tiers, notamment l’Institute for Strategic Dialogue (ISD) et le Business Council for Democracy de la Fondation Hertie (fondation des grands magasins Hertie – ndlr).
Quant à l’ISD, axé sur les positions anglo-saxonnes et basé à Londres, sur son conseil on trouve des individus tel Karl-Theodor zu Guttenberg (ex-ministre de la Défense, « démissionné » pour plagiat sur sa thèse doctorale – ndlr), le conseiller en gestion Roland Berger, ou encore Matthias Döpfner, CEO de l’empire médiatique Axel Springer SE.
Pour faire court, des « formations inter-départementales » sur la désinformation, au bénéfice des fonctionnaires ministériels, sont gérées par de lobbyistes transatlantiques dont des plagiaires avérés, ou encore le chef de Springer-Presse (on ne fait pas mieux en matière de désinformation), ou encore lpar a fondation privée d’un magnat des grands magasins. La sous-traitance au privé par les autorités fédérales atteint ici sa reductio ad absurdum.
Selon le gouvernement, des porte-parole adjoints du gouvernement s’entretiennent régulièrement « au niveau bilatéral aec Google/YouTube, Twitter, Meta, TikTok and LinkedIn » pour parler des stratégies destinées à « combattre la désinformation, surtout dans le contexte de la guerre d’Ukraine ».
Autrement dit, le document nous apprend que tant le ministère de l’Intérieur que des Affaires étrangères, ainsi que le Bureau fédéral de la presse, participent à des réunions bilatérales au niveau de secrétaire d’état avec les acteurs des grandes plateformes avec comme agenda la « désinformation russe » au sujet de la guerre en Ukraine (…)
Autre acteur majeur – le Commissaire fédéral pour la culture et les mass-média (BKM), Mme Claudia Roth, dont le supérieur hiérarchique direct est le Chancelier lui-même. Disposant d’un budget de deux milliards d’Euro et avec 400 fonctionnaires sous ses ordres, c’est Mme Roth qui définit la politique fédérale des mass-média, et qui finance différentes agences dont Deutsche Welle.
Dans le document interne consulté par NachDenkSeiten, il y est question parmi d’autres idées, d’« établir un bureau éditorial russe en exil à Riga » et le cas échéant, un « bureau éditorial ukrainien en exil à Cracovie ». Le BKM semblerait jouer un rôle d’agitateur au sein du Conseil des ministres des mass-média de l’Union européenne, pour ce qu’il est « d’intervenir activement pour combattre les mass-média russes de propagande ». Son rôle dans le projet Orwellien de l’UE intitulé « European Media Freedom Act » par rapport à la « désinformation » semblerait être central.
Le document explique également que le BKM a dans ses cartons un nouveau programme de financement « qui se focalisera sur la promotion de ‘news literacy’ » (comment lire et comprendre les informations) dans la population général. Curieuse, l’idée de déployer des «enfants-reporters » dès l’âge de 6 ans pour lutter contre la « désinformation », sans que ce terme ne soit toutefois défini. Quoiqu’il en soit, on y lit :
Enfants-reporters – renforcer la compétence-média (news competence), et ainsi, la « résilience » face à la désinformation, des enfants âgés de 6 à 14 ans grâce à des efforts énergiques auprès des les mass-média.
Puis le document cite un projet de la Deutsche Welle « Intelligence artificielle contre la désinformation » (KID), par lequel « des modules d’IA juridico-numériques seront utilisés pour améliorer l’identification (partiellement) automatisée de campagnes concertées de manipulation et de désinformation » (…)
Le donneur d’alerte a souhaité nous expliquer pourquoi il a communiqué le document : quand il l’a vu arriver sur son PC professionnel, explique-t-il à NachDenkSeiten, « l’effort concerté d’uniformiser le récit » qui y transparaît l’a abasourdi, et il a déclaré :
« Nous entrevoyons ici comme dans une caverne béante, les agissements consolidés d’une intégration horizontale (inter-ministerielle) et verticale de la propagande étatique moderne ; depuis les ministères, et leurs partenariats avec les think-tanks transatlantiques tels l’ISD, jusqu’à la presse, les fact-checkers, les réseaux sociaux, les « multiplicateurs », la « société civile critique » etc. Nous poussons la bassesse jusqu’à aller chercher les enfants du primaire et du secondaire ».
À l’avis du donneur d’alerte, le document n’est que le « bout de l’iceberg » ; il y a sans doute maints autres projets. Le gouvernement fédéral pourrait encaisser le coup en se permettant de reconnaître (la véracité – ndlr) des informations listées dans ce document, si besoin était, car celui-ci n’énonce que des mesures qui pourraient éventuellement être avouées. Le public allemand ne peut même pas imaginer, ce qui se passe encore derrière le rideau.
Quelques mots sur la personne que nous pensons être l’auteur de ce document interne. Selon les méta-données du document Word original (il), le document a été rédigé par quelqu’un dont nous ne publions pas le nom par respect de la vie privée, mais dont le curriculum vitae donne tout de même une idée de qui est chargé de rédiger les papier inter-départementaux sur de tels thèmes.
Si l’on ne trouve presque rien sur l’auteur en ligne, le peu est tout de même parlant. Sur LinkedIn, figurent des remerciements de la part de BwConsulting (BwConsulting est la société interne de conseil du Ministère fédéral de la défense) à l’auteur d’un papier intitulé « Current Activities of Departments and Authorities against désinformation in connection with the RUS guerre against UKR » ; l’auteur a également rédigé un livre de référence pour la gestion des opérations militaires de l’OTAN et de l’UE.
Cf. le volet II en allemand, ici. La dernière capture d’écran du volet II concerne les forces armées allemandes, la Bundeswehr, faisant participer « surtout des jeunes » au dialogue sur la politique de sécurité, y compris un volet « menaces hybrides », aux côtés de l’Académie fédérale pour la politique de sécurité. Un autre volet sur « la Société et la résilience » est présenté en partenariat avec la Bertelsmann Stiftung.
Selon la capture d’écran, des « jeunes officiers » de la Bundeswehr, « spécialement formés dans des méthodes d’enseignement », sont déjà, semble-t-il, déployés dans les écoles allemandes pour « sensibiliser à la politique de sécurité et de défense grâce au dialogue direct ».
traduction Mendelssohn Moses pour Réseau International