Conseil de quartier Pernety-Plaisance
( du 14ème arrondissement de Paris )
à partir de 19h, école élémentaire Severo,
12 rue Severo 75014 Paris.
Son thème principal sera "Arts et Culture".
Intervention du libraire de quartier
le mercredi 28 septembre à 20h
Bonsoir Mesdames, bonsoir Messieurs.
Vous m’avez aimablement invité à éclairer votre honorable assemblée d’une meilleure information sur le vécu et les aspirations des « acteurs culturels » du quartier Pernety-Plaisance. Jugeant sans doute que nous en sommes de dignes représentants, nous : les librairies indépendantes de proximité.
Cependant il ne m’a été accordé que 5 minutes.
Je consacrerai donc le temps qui m’est alloué à une brève et rudimentaire introduction du petit memorandum que j’ai laborieusement rédigé à votre intention et qui a vite pris la forme d’un cahier de doléances ; que chacune et chacun d’entre-vous pourra consulter à loisir, puisque je l’ai préalablement communiqué à votre conseil, à vos élus et à vos édiles municipaux.
Pour cette brève introduction j’ai choisi de privilégier un fait d’actualité très récent qui touche directement à notre sujet puisqu’il concerne l’implication des Mairies d’arrondissement dans le soutien de leurs librairies indépendantes de quartier.
Permettez moi donc de vous citer en préambule de cette introduction le communiqué diffusé par le Syndicat (patronal) de la Librairie , il y a juste une semaine (le 20 septembre 2022).
Les communes et les intercommunalités peuvent dorénavant verser des subventions directes aux librairies.
« La loi du 30 décembre 2021 « visant à conforter l’économie du livre et à renforcer l’équité et la confiance entre ses acteurs », initiée par la sénatrice Laure Darcos, comporte plusieurs mesures en faveur de l’économie du livre et plus particulièrement des librairies. La plus connue d’entre elles est la fixation d’un seuil minimal de frais de port pour contrer la politique de « dumping » des grandes plateformes en ligne. Mais cette loi instaure également un nouveau dispositif permettant aux communes et aux intercommunalités d’attribuer des subventions aux librairies indépendantes, qu’elles soient labellisées ou non.
Cette disposition , précise le communiqué, vise notamment à permettre le maintien d’une offre culturelle de proximité de qualité dans les communes petites et moyennes. »
Cette offre culturelle de qualité nous est reconnue puisque notre modeste librairie de quartier est la seule librairie généraliste de premier niveau * du quartier Pernety Plaisance et elle est régulièrement labellisée Librairie Indépendante de Référence par le Centre national du Livre.
* Pour être catégorisée de « 1er Niveau » par les éditeurs et les distributeurs du livre, une librairie doit assumer la mise à disposition à la nouveauté et détenir un fonds permanent de l’ensemble des livres publiés en tous genres, pour tous les lectorats. Il doit aussi assumer pour ce faire les contraintes des offices des éditeurs et la disponibilité et la qualification requises pour les fournir aux lecteurs de son quartier, avec tous les conseils et services – y compris service de livraison à la commande dans un délai de 2 à 3 jours - que requiert cette activité de proximité.
Ce service de proximité et la qualité qui lui est reconnue, par ses administrations de tutelle aussi bien que par ses usagers, impliquent bien des contraintes, du travail et des efforts qui font néanmoins la joie et l’honneur des libraires dans l’accomplissement de leur métier de commerce de proximité et d’acteurs culturels appréciés de cette proximité.
Mais il est des contraintes économiques, sociales et matérielles qui rendent ces librairies très dépendantes … dès lors qu’elles sont indépendantes.
Car, libraire indépendant implique d’être d’autant plus redevable de la réglementation et de la régulation du commerce du livre par la puissance publique, dès lors qu’en tant que modeste TPE, sans autres actionnaires que les libraires qui y travaillent, les librairies indépendantes ne peuvent s’appuyer sur des moyens tels ceux des grands groupes qui contrôlent nationalement voire internationalement la distribution des produits culturels et y compris le livre.
Sans la loi de 1981 sur le prix unique du livre ( conçue et imposée par l’ensemble des métiers du livre, contre la menace de la FNAC ), les librairies indépendantes auraient sans doute disparu, y compris la Librairie Tropiques bien avant que je ne la reprenne il y a 15 ans. Comme d’ailleurs cela s’est produit dans la plupart des pays occidentaux, n’appliquant pas ce type d’ « exception culturelle » lorsque, à la fin des années 1970, la grande distribution a pris pied sur ce marché, devenu prometteur, et l’a cannibalisé par la simple application du sacro-saint principe libéral de « concurrence libre et non faussée ». Cela bien avant que ne survienne il y a une quinzaine d’année, le tsunami socialement et humainement désastreux du « commerce en ligne », avec ses « plateformes » et ses « gafam ». Déjà la FNAC ( acronyme de Fédération Nationale d’Achat des Cadres ) fit jadis disparaître de nos communes, petites, moyennes et grandes, les disquaires, les photographes et les détaillants de Téléviseurs, Electrophones , magnétophones, chaines HIFI, Jeux de plateau, puis cassettes, CD et DVD, etc.
Pour s’en convaincre il suffit de savoir par exemple que pour réaliser le même chiffre d’affaire que 3 ou 4 librairies indépendantes de la taille de Tropiques ( qui emploie 5 libraires permanents dûment qualifiés ) soit la production d’une quinzaine de libraires salariés et très qualifiés, Amazon n’emploie qu’un seul pousseur de chariot précaire, piloté par « intelligence artificielle », pour vendre les mêmes livres au même prix … mais avec des charges dix fois moindres, des marges d’exploitation triples et sans le moindre service relevant de l’activité et des compétences de libraire.
C’est pourquoi j’ai moi-même sensibilisé nos édiles et élus municipaux, il y a déjà 10 ans, à ces menaces que faisaient peser la concentration de la distribution et le commerce en ligne, monopolisé qui plus est par une multinationale américaine pratiquant notoirement l’évasion fiscale à grande échelle. Le regretté Pierre Castagnou puis Pascal Cherki qui lui succéda y furent sensibles. Au point que Pascal Cherki accepta en 2013 de présenter à l’Assemblée une Proposition de Projet de Loi que j’avais moi-même rédigée dans le cadre de l’Association de défense des métiers du Livre. Cette PPL que nous allames, avec Pascal Cherki, faire valider à la commission européenne, fut pourtant repoussée à l’époque par ses collègues du groupe socialiste (majoritaire à l’époque) qui refusèrent – pour des motifs assez inavouables - d’en faire un Projet de Loi (pourtant assurée de faire l’unanimité y compris des voix de l’opposition) et de le soumettre au vote.
Il se trouve pourtant que, près de 10 ans après, la Loi du 30 décembre 2021 évoquée plus haut, dont les décrets d’application viennent d’être promulgués suscitant l’heureuse annonce par le Syndicat Patronal de la Librairie de son entrée en vigueur, ne fait que reprendre l’Article premier de notre Projet de Loi « Plan Livre » vainement proposé en 2013 par Pascal Cherki.
Cette Loi « Plan Livre » ne comportait que trois articles. J’en joins le texte intégral et l’exposé des motifs en annexe de mon cahier de doléances, dont elle fait partie intégrante.
L’article visant à entraver le « dumping » des plateformes, repris du notre article 1 du Plan Livre de 2013, étant enfin admis et voté, il en reste deux autres pour véritablement garantir et pérenniser « le maintien d’une offre culturelle de proximité de qualité dans les communes petites et moyennes. » comme le revendique, à juste titre, le législateur.
« Français, encore un effort si vous voulez rester républicains et cultivés »1 conclurai-je donc en paraphrasant un de nos écrivains français les plus notoirement et mondialement connus.
Notre cahier de doléance municipal, d’acteur et animateur culturel de quartier, s’inscrit dans les principes et les attendus de cette introduction. Je vous invite donc au nom de mes collègues à le lire et à le diffuser, spécialement parmi nos élus et nos édiles municipaux, et à le soutenir – si vous le jugez légitime - dans la mesure des moyens civiques dont vous disposez.
Bref cahier de doléances
de la libraire indépendante généraliste de premier niveau*
du quartier Pernety-Plaisance du 14ème arrondissement de Paris,
à destination des édiles municipaux concernés
et aux bons soins des conseillers du quartier.
* Pour être catégorisée de « 1er Niveau » par les éditeurs et les distributeurs du livre, une librairie doit assumer la mise à disposition à la nouveauté et détenir un fonds permanent de l’ensemble des livres publiés en tous genres, pour tous les lectorats. Il doit aussi assumer pour ce faire les contraintes des offices des éditeurs et la disponibilité et la qualification requises pour les fournir aux lecteurs de son quartier, avec tous les conseils et services – y compris service de livraison à la commande dans un délai de 2 à 3 jours - que requiert cette activité de proximité.
Comme cela a été longuement exposé dans le préambule, ce cahier de doléance s’inscrit essentiellement dans la logique des « bonnes intentions » proclamées par notre gouvernement et notre représentation nationale, et municipale aussi bien, de :
« Permettre le maintien d’une offre culturelle de proximité de qualité dans les communes petites et moyennes. »
Dans cette perspective figure donc en annexe le détail de notre « Plan Livre » de 2013, tel qu’il fut présenté par Pascal Cherki à ses collègues socialistes, alors majoritaires, politiquement et électoralement. Nous attirons particulièrement l’attention sur « l’exposé des motifs » où nous avions exposé la plupart des principes qui inspirent encore aujourd’hui nos doléances de « petit commerce culturel indépendant », et dont voici un résumé :
Dans le droit fil de ce qui vient d’être dit, nous sommes donc pour un certain nombres de choses, déjà parfois « en cours ».
Ainsi nous sommes, en bref :
POUR la transparence démocratique, juste et égalitaire de l’usage des fonds public ; et le soutien aux libraires indépendants de proximité dans le cadre de l’attribution des marchés des bibliothèques et collectivités publiques « de proximité » (voir le Plan Livre), mais aussi par la répartition équitable des subventions désormais mobilisables (voir le préambule) ; c’est à dire selon les critères objectifs de l’activité positive réelle, redevable de ces aides : le CA, l’effectif salarié, les besoins justifiés par les librairies du quartier, etc. et NON selon des pratiques clientélistes de copinage et réseautage.
POUR la généralisation des chèques lire, sous l’impulsion des mairies, des collèges, des écoles, des lycées, des universités, pour impliquer les écoles, lycées, collèges voire les bibliothèques ( lors des présentations de livres par leurs auteurs dans les bibliothèques ) dans la réappropriation des « bonnes pratiques » culturelle par les publics concernés.
POUR une incitation des jeunes en age scolaire à lire des livres, à aller acheter des livres en librairie, y compris dans le cadre de cursus scolaire ou universitaire.
Donc formellement CONTRE l’imposture actuelle du « Pass-culture » qui n’a promu que des achats de jeux videos, mangas puérils et autres ersatz numériques infantilisants pour ados désocialisés via amazon, « plateformes » et/ou grandes surfaces complètement étrangères à la librairie, a fortiori aux vraies librairies, vraiment indépendantes.
POUR la communication municipale sur les événements d'animation organisés par les libraires du quartier et autres acteurs culturels, dans leurs établissements, la prise en charge des défraiements d'invités non parisiens, plus généralement le soutien aux initiatives des acteurs de quartier et non leur instrumentalisation à des fins de « com » politique intéressée.
CONTRE les gesticulations formatées et autres « déambulations » ridicules du type de celle proposées dernièrement par la Mairie du 14ème et consistant (je cite Aldéric GUIARD Collaborateur au Cabinet de Carine Petit, Maire du 14ème Propreté, Transition Ecologique, Plan Climat, Economie Circulaire & Economie Sociale et Solidaire Alimentation durable, jardins partagés et condition animale & Commerces ) à (je cite) : « permettre aux artisans et commerçants d’exposer leurs produits hors les murs sur plusieurs secteurs de l’arrondissement. Nous avons en effet envisagé plusieurs secteurs pour ces déambulations Rue du Château/rue de l’Ouest, Rue Sophie Germain, Porte d’Orléans, Pernety Raymond Losserand.2»
Car, voilà bien le type "d'initiative" qui manifeste la totale et profonde ignorance de des services municipaux « en capacité », de ce qu'est le travail , tout particulièrement le travail qu'il est désormais convenu de qualifier d' "essentiel", l'activité professionnelle, le labeur quotidien, les contraintes commerciales, les problèmes concrets et les attentes des commerçants (comme de leurs chalands) de leur arrondissement en ces diverses matières.
Si ces élus et leurs services ont véritablement la volonté sincère de mettre en valeur et soutenir nos commerces ( qui le méritent bien), qu’ils donc nous demander quoi faire, on leur expliquera ce qu'attendent leurs administrés, dans ce domaine comme dans beaucoup d'autres, et qui est aux antipodes de ce genre de chose. Quoiqu'il en soit qu’ils sachent déjà que pour tous il s'agit d'abord de faire venir les gens dans nos établissements, nos rues commerçantes ( que tout Paris nous envie) et non d'aller encombrer la voie publique "hors nos murs" pour aller embarrasser nos confrères et… nous « geler les miches » pour servir la « com » de la Mairie. Cette dernière se valorisa bien plus sûrement et honorablement ainsi qu’avec ses « déambulations » et autres « explorations », visite guidées de touristes totalement étrangers à ce qui semble être pour eux une sorte de monde parallèle : le réel économique et social de leur quartier.
POUR pénaliser les achats en ligne et au contraire stimuler la fréquentation des librairies et des commerces de proximité.
Donc CONTRE le calamiteux projet de « Paris du quart d’heure » et tous les dégâts collatéraux que charrie cette instrumentalisation démagogique des compulsions d’oisifs nantis et parasitaires ( « dark stores », précarité aggravée, livreurs esclavagisés, délinquance , incivilités, chaos urbain, destruction du lien social et de toute vie civique partagée, destruction de commerces artisanaux, destruction d’emplois qualifiés, etc.).
POUR faciliter la vie des salariés des la librairie, comme des autres commerces, notamment en leur donnant un accès prioritaire aux logements sociaux disponibles dont ils sont redevables, selon le même principe de proximité, donc parmi les logements disponibles dans leur quartier parisien, et non en leur imposant plus de deux heures de trajet quotidien ... quand tout va bien... (engagement pris jadis par Pascal Cherki, mais jamais réalisé ).
Etc ... Ce bref aperçu, non exhaustif, est aussi une invitation aux conseillers de quartier qui s’y intéressent, à participer à cette « vie culturelle » effective de leur quartier, avec celles et ceux qui la font, qui la pratiquent au quotidien. Nous sommes donc évidemment disponibles pour des échanges en vue de l’améliorer au fil d’action positive concertées, pour lesquelles le Conseil de quartier nous semble une médiation idéale des aspirations de ses administrés à recenser et remonter à l’administration municipale, dans cette matière comme dans toutes celles qui nous rassemblent localement et civiquement.
Pour le reste voir le Plan Livre en annexe, qui pourrait inspirer bien des démarches homologues pour l’ensemble des commerces culturels.
Dominique Mazuet
1Cf. Le pamphlet fictif du Marquis de Sade (1740-1814) inséré dans son fameux ouvrage La philosophie dans le boudoir (1795) et intitulé « Français, encore un effort si vous voulez être républicains »
2« La Maire du 14ème souhaiterait permettre à chaque commerce/artisan d’exposer/ vendre ses produits en présentant une offre identique aux habitants sur le modèle des « heures heureuses ». Il s’agirait en effet d’imaginer des tarifs uniques pour permettre à tous les habitants de consommer localement dans plusieurs secteurs de l’arrondissement à l’approche des fêtes de fin d’année. Cela aurait pour objectif de permettre aux habitants de déambuler à travers un parcours artisans/commerçants pour y trouver des produits artisanaux. Il nous semblerait à ce titre intéressant d’organiser cela sur 4 ou 5 week-ends dont le premier démarrerait lors du lancement dispositif « Paris local » les 18 19 et 20 Novembre. »
Proposition de Projet de Loi : "Plan Livre"