Souvenons-nous ...
C'était il y a cinq ans.
Le 16 février 2017 nous avions relayé l'article reproduit ci-après, traduit par Viktor Yugov, au moment de la mise en route d' "en marche".
Que de chemin parcouru depuis !
Or, ce jour notre camarade Marc Laimé nous transmet sa tribune fustigeant des "mutations profondes" sur son "blog du diplo" : L’action publique au-delà de Mac Kinsey : mécanique du dévoiement Nous vivons depuis quelques années, à l’instar de toutes les démocraties occidentales, une mutation profonde de l’action publique, non plus impulsée par la représentation politique et l’appareil d’Etat, mais déléguée aux acteurs privés et à leur lobbying, inscrit au cœur de la République, à l’état gazeux, comme un phénomène naturel, incontestable car longtemps indiscernable. Une « disruption » qui s’est brutalement accélérée sous le quinquennat de M. Emmanuel Macron.
https://blog.mondediplo.net/l-
Tout en saluant la qualité bien documentée de son article, je lui ai fait remarquer ceci :
Merci pour ton article, bien documenté, mais il atteste, encore une fois, que "The medium is the message" ( voire... "the massage" comme le suggérera plus tard McLuhan). Pour s'en convaincre, il suffit d'ailleurs d'observer les liens "intégrés" (comme disait Debord) à ton article, et à qui et à quoi ils renvoient (Lord'On, Cucucheyan ) ... pour comprendre que les contradictions assurément profondes et spectaculaires que tu dénonces, manifestent celles qui caractérisent le rapport de classe dont participent tes auteurs "appointés". Il n'y a nul "dévoiement", moins encore de "disruption" dans la mutation que tu décris ... bien au contraire une continuité idéo-logique. Une continuité "de classe", historique, sociale, matérielle et de là : politique ... Car inhérente à l'idéologie écologiste comme "stade ultime" de celle que la "sélection naturelle" de classe a fait concevoir, promouvoir et accommoder par et pour sa clientèle la plus "représentative"(dont le Diplo vise spécifiquement le créneau des "rebelles de confort" comme les appelle JPG). Tu aurais pu, aussi bien à propos, dans ton "inventaire des effets" étendre ton recensement de ces "organes mutants dévoyés" du "citoyennisme" (de nos petits bourgeois "en marche" à défaut d'être "à la noce") à un phénomène concomitant et parfaitement homogène : l'émergence des "ONG". Un truc de superstructure ( supposément de médiation représentative) qui n'existait pas et n'avait aucune raison d'exister à l'époque (devenue lointaine sinon oubliée) où le chef de l’État français pouvait proclamer que "La politique de la France ne se fait pas à la corbeille"... en étant pris tout à fait au sérieux. Mais tu sais bien déjà tout ça ... si tu as lu LVLC.
C'est ce qui m'a incité à republier cette archive Tropicale ... cinq ans déjà ...
De la juste résolution des contradictions de l'i-monde.*
« La nature de [l’i-monde] le portait à la dialectique. Mais n'ayant jamais compris la dialectique vraiment scientifique, il ne parvint qu'au sophisme. En fait, c'était lié à son point de vue petit-bourgeois. Le petit-bourgeois, tout comme [sa rédaction], se compose de “ d'un côté ” et de “ de l'autre côté ”. Même tiraillement opposé dans ses intérêts matériels et par conséquent ses vues religieuses, scientifiques et artistiques, sa morale, enfin son être tout entier. Il est la contradiction faite [journaliste].
S'il est, de plus, comme [l’i-monde], un [journal de révérence], il saura bientôt jongler avec ses propres contradictions et les élaborer selon les circonstances en paradoxes frappants, tapageurs, parfois scandaleux, parfois brillants. Charlatanisme scientifique et accommodements politiques sont inséparables d'un pareil point de vue. Il ne reste plus qu'un seul mobile, la vanité de l'individu, et, comme pour tous les vaniteux, il ne s'agit plus que de l'effet du moment, du succès du jour. De la sorte, s'éteint nécessairement le simple tact moral qui préserva un Rousseau, par exemple, de toute compromission, même apparente, avec les pouvoirs existants. »
d'après K.Marx : "Lettre sur Proudhon"
* Pour clarifier la lecture nous avons transcrit le vocable "e-monde" en i-monde" compréhensible par ceux qui maîtrisent insuffisamment la prononciation "qui va bien".
Nos lecteurs se souviennent peut-être d’une récente manigance de l’odieux Poutine visant (comme c’est désormais son activité principale) à déstabiliser cryptiquement le processus électoral d’une courageuse démocratie occidentale, en « sapant et putréfiant ses précieux fluides vitaux ». Singulièrement ceux de son nouvel ennemi mortel qui n’est autre que Macron , comme les decodex et autres milieux bien informés et « en marche » nous l’ont appris dernièrement. Voir : L'oeil de Moscou était dans la tombe ( et regardait Makron)
Jugeant cette odieuse propagande judéo-bolchévique à l’aune des dernières péripéties de l’actualité politique, ils ont pu penser que certaines analyses étaient pour le moins tendancieuses voire péremptoires. Notamment la conclusion de l’article de Viktor Yugov ( pseudonyme assez transparent dénotant son complotiste bon teint) :
"la plupart des actions du Monde appartiennent à … Pigasse. Outre Le Monde, le directeur français de la banque Lazard contrôle plusieurs autres médias influents. La seule menace pour Macron peut provenir d'eux. Si une « boule puante » est lancée, visant à discréditer, « l’homme en marche » le premier à la diffuser sera Matthieu Pigasse par le truchement de l’un ou l’autre des médias qu’il contrôle."
Or voici que l'appareil de gouvernance éditoriale de l'i-monde vient de publier ( dans sa rubriques "Idées" !) un démenti très officiel et argumenté pour s'exonérer de l'accusation de "Rouler pour Macron" que lui remontait, avec un brin d'exaspération, une partie de son lectorat :
Ceux que ça intéresse pourront apprécier ici le philistinisme du préposé aux arguties (au bureau des rectifications idéologiques de la rédaction) et s'émerveiller des acrobaties rhétoriques dont il gratifie ses abonnés les plus chafouins.
Mais, évidemment, tel n'est pas l'intérêt de cet exercice laborieux de faudercherie (comme disait Pierre Dac) . Les besogneux du Monde ont acquis de très longue date une grande aisance dans la production de ce genre "d'idées".
Non, la question qui se pose est, pour ceux qui ont lu la fine analyse de V.Yugov, de se demander comment ce genre de "communiqué" peut être cohérent avec sa prédiction ?
Ils pourraient être tentés d'en inférer que les sapeurs-putréfacteurs de fluides démocratiques essentiels, à la solde de Poutine, sont finalement assez mal informés (en dépit de l'omniprésence de leur hackers compulsifs) des subtilités baroques enjolivant les conflits d'intérêts de l'actionnariat de la presse française.
C'est possible mais, ce qui semble mieux assuré c'est que Viktor Yougov est un lecteur averti du Président Mao et qu'il a acquis une certaine maîtrise de sa fine dialectique, particulièrement utile pour élucider ce genre de paradoxe idéologique. Ainsi s'est-il probablement souvenu que :
« Les contradictions entre nous et nos ennemis sont des contradictions antagonistes. Au sein du peuple, les contradictions entre travailleurs ne sont pas antagonistes et les contradictions entre classe exploitée et classe exploiteuse présentent, outre leur aspect antagoniste, un aspect non antagoniste. »
Mao Ze Dong "De la juste résolution des contradictions au sein du peuple"
Il est assez clair pour un dialecticien aussi aguerri que V.Yugov qu’au sein de la classe exploiteuse les contradictions qui peuvent naître, au gré de leurs humeurs changeantes, sont logiquement de type « non antagoniste ». Par conséquent la « troïka » actionnariale ( Pigasse, Bergé, Niel ) propriétaire de la gazette de référence ne saurait se désolidariser pas plus qu’elle ne cherchera des noises à son homologue l’heureux propriétaire de Libération , le sémillant Patrick Drahi qui a pris la succession dans le rôle du mécène impartial et bienveillant de la presse indépendante française que lorgnaient pourtant les trois chevaliers blancs de la gauche libérale d'opinion.
On assiste en réalité au genre d'affrontement qui jadis opposait les mêmes propriétaires "d'écuries" sur les champs de course... les nouveaux-riches y coudoient les plus anciens, réunis autour d'un magnum de champagne au Bar où beaux joueurs et dans un joviale connivence chacun témoigne bon gré mal gré de son "Fair Pay", en félicitant le vainqueur du jour pour sa "belle course" et son "joli coup" du moment. La principale différence est qu'il ne s'agit plus seulement de dépenser fastueusement et spectaculairement son argent mais aussi de le faire fructifier par de judicieux placements "d'influence" qui pourront encore être très bons pour les "affaires"... à venir.
Finalement ça n'est donc pas un hasard si le "bon produit" Macron incarne objectivement, sur le mode cyborg polyvalent aujourd'hui en vogue, le genre de "synthèse" chère aux congrès socialistes français et dont le premier d'entre-eux (et bientôt ex-président de la République) s'est fait une spécialité. Le genre de synthèse qui permet, en pratique, de dépasser toutes ces contradictions "non antagonistes" puisqu'elles naissent et se développent au sein d'une même classe, jadis qualifiée d'exploiteuse...