Justice pour Tchaïkovski.
Alain Jejcic
En son temps les Américains avaient proclamé que seul un Indien mort était un bon Indien. Ces jours derniers, dans un monde en proie à une hystérie antirusse sans précédent, il semblerait que même un Russe mort ne saurait être un bon Russe.
S’il fallait une preuve à pareille proposition, peut-être la trouverait-on à la Philharmonie de Zagreb qui a retiré de son programme du 25 février dans la salle Vatroslav Lisinski à Zagreb deux des trois compositions de Piotr Ilitch Tchaïkovski (1840-1893) afin de témoigner de sa solidarité avec l’Ukraine.
Le Capriccio italien et la Quatrième symphonie ont été remplacés par des œuvres d’autres compositeurs. Ainsi, le concert dédié à Piotr Ilitch devenait une manifestation musicale courante, banale sans éclat particulier.
Cependant, le Concerto pour violon et orchestre en Ré majeur, principale pièce au programme de la soirée, était maintenu. La responsabilité en revenait au violoniste serbe Roman Simović, résident à l’orchestre symphonique de Londres et Konzertmeister de la philharmonie locale, et à son manager, ce dernier ayant concocté un excellent contrat, comme seul les britanniques savent le faire, pour son protégé. Et, à la faveur du savoir-faire managérial, les organisateurs croates se sont retrouvés devant le dilemme cuel : soit devoir supporter a minima un Tchaïkovski nouvellement honni, soit débourser des sommes considérables hors proportion afin de payer les dédommagements prévus par le contrat. Pragmatiques, ils ont choisi la solution la moins onéreuse bien qu’elle soit en contradiction avec leurs engagements en faveur de l’Ukraine. Nécessité fait loi, en quelque sorte.
Du coup, des collègues, membres de l’orchestre symphoniques, ont fait montre de leurs désapprobations, tous étaient de mauvaise humeur alors que Simović s’exécutait brillamment sans doute heureux d’avoir fait triompher la musique et la mémoire de Piotr Ilitch Tchaïkovski.
A.J. le 12 mars 2022.