Les Veaux et les Choses
3
La dictature du bobotariat

extrait
de la deuxième réponse à Pierre

 

Alors, me dites-vous :

À quel lectorat est-il destiné ?

Pour autant que je puisse en juger à ce lectorat qui précisément s’intéresse au consensus qui vient d’être déterminé. Ce livre est destiné d’abord à celle et celui qui se posent des questions sur le consensus... en question.

Donc d’abord celles et ceux qui se sentent frustrés d’une véritable « critique de la raison écologique ». Autrement dit celles et ceux que leurs efforts pour « donner un sens à tout ça » ont conduits « quod sectabor iter vitae » sur la voie d’une réflexion rationnelle qui les a tout naturellement amenés à s’interroger précisément sur ce consensus. Et, de là, les a amenés à souhaiter qu’une critique scrupuleuse en soit faite pour expliquer comment, en dépit d’un tel consensus, ils en soient arrivés là…

Car, comme vous l’avez vous-même déploré « les critiques de gauche de l’écologisme ne se bousculent pas. » J’aurai même la vaine faiblesse de penser que sur le mode « disruptif » on pourrait dire que les critiques « et de gauche et de droite » de l’écologie tardent à se faire connaître.

C’était déjà un fait bien établi lorsque Aymeric Monville m’a encouragé à rédiger le texte que j’ai intitulé « Les Veaux et les Choses », au moment de la « COP21 ». Et le moins qu’on puisse dire c’est que ce fait est encore plus massivement affirmé aujourd’hui que TOUS sont écologistes.

Au point que le prédicat « écologiste » ne détermine plus rien, ne distingue plus personne parmi la classe politique, médiatique ou intellectuelle, dès lors que tous s’en revendiquent. Au grand soulagement des précurseurs on peut enfin sublimer l’hypostase de la « convergence » des luttes, si ardemment prêchée par les adeptes de la rebellitude.

C’est l’âge d’or de l’écologisme comme « maison commune », accueillante auberge espagnole où tous peuvent trouver un lieu propice à leurs (d)ébats communs. Autrement dit un parfait « lieu commun », proprement rénové, dépoussiéré, mieux encore : réhabilité, à l’instar de ces logements sociaux un peu délabrés, du fait précisément de leur caractère social. Promesse d’une abbaye de Thélème au palais Bourbon, où il fera bon « vivre ensemble » et arpenter durablement les ponts aux ânes citoyens les plus soutenables, en délibérant doctement et parfois vivement… du temps qu’il fait.

Pourtant, un problème, une « tension » comme on dit maintenant, subsiste en cette nouvelle arche de Noé politique et idéologique, et c’est ce problème en quelque sorte ontologique1, qui suscite les ébauches de réponses proposées dans la première partie du livre, exposées comme une sorte d’ontologie critique de l’écologisme, en somme le « fétiche écologiste du libéralisme et son secret ». Car, de cet œcuménisme consensuel résulte nécessairement une parfaite indifférenciation politique des tenants de la « ligne générale » ; d’où sans doute... l’indifférence croissante des électeurs. À en juger du moins par la désaffection qui a marqué les derniers scrutins pour les tenants de la « rebellitude ».

Comment peut alors s’exercer la liberté libre du libéral si le libre-choix du politique n’a plus la moindre conséquence politique ?

Au-delà de ses nuances – et il y en a quand même quelques-unes entre ses « grands leaders » et de même leurs « compagnons de route », il était à craindre que l’écologisme bientôt dilué dans la trivialité du consensus mou, serait à son tour2 frappé de « perte de sens », faute surtout de sens contraire.

C’est un enjeu, pour ne pas dire une « urgence théorique », qu’on peut donc qualifier de… dialectique. Dialectiquement « vitale » pour requalifier l’écologie dite politique en tant qu’alternance par défaut d’alternative, et d’autant plus nécessaire que nous en sommes arrivés au point que : « Dès lors que l’économie, la monnaie, la politique étrangère, le droit social, les services publics, les transports, le logement, le travail, les réglementations commerciales et les normes industrielles ne relèvent plus des compétences que souhaite assumer la classe politique, sinon par de marginales subsidiarités ; dès lors qu’il n’y a plus d’autre choix que d’habiter le capitalisme atlantiste, que reste-t-il à changer qui puisse être changé par des voies politiques ? » 3

C’est donc le moment où le TINA écologiste se présente comme l’envers d’une même médaille qui est celle du TINA libéral. Alors il ne suffit plus pour ses clercs de répéter aux ouailles troublées par cette univocité que « C’est plus compliqué que ça ». C’est le moment critique d’une crise dans l’ordre symbolique que porte l’Empire. Cet Empire qui frappe et propage la médaille écolo-sociétale comme monnaie idéologique certifiée.

Ma critique de la déraison écologiste permet donc de requalifier l’écologisme comme « projet politique » différencié, en y distinguant une différence, non pas de « rupture » avec le capitalisme, moins encore avec le libéralisme, mais une détermination pure, parfaitement abstraite, une pure et simple différenciation de l’ordre du multiple relativement à l’unité. Une détermination qui a pour fonction essentielle de rétablir le(s) « choix », en tant que condition préalable à la liberté de choix qui est au fondement de son ontologie politique. Un choix décliné en clones politiques qui en eux-mêmes sont parfaitement homologues et interchangeables mais qui peuvent alors s’exprimer symboliquement comme « pluriels », et ainsi se différencier, au travers de ce qu’en novlangue commune on appelle « les valeurs ». Le genre de différences susceptibles de distinguer (voire opposer) les politiques selon une conception du distinguo analogue à ce que Derrida élucubra comme « différance » : une nuance qui « s’écrit ou se lit, mais [...] ne s’entend pas. ». Il ne s’agit donc pas ici, pour ces libéraux, de combattre l’adversité mais l’indifférence.

C’est ici que la conception libérale de la liberté s’oppose le plus clairement à son courant universaliste puisqu’au titre de ses assignations communautaires ou identitaires (de race, de sexe, de religion, etc.) elle en arrive à promouvoir les différences et discriminations que ce dernier récuse au nom de la justice et de l’égalité... pour tous. Le dénominateur commun planétaire et son transcendantal climatique permettent d’éluder cette contradiction. Aux normes égalitaires disqualifiées comme « totalitaires » qui visent à compenser les injustices qui résultent des différences sociales ou naturelles, le libéralisme fondamentalement discriminatoire oppose la distinction sociale. Une distinction réhabilitée comme reconnaissance gratifiante et remède à l’indifférence – imputée à l’indifférenciation universaliste. Cette morale différenciée repose sur le postulat illusoire mais consolant d’un choix individuel et autonome, préalable à tout agir social. Le transcendantal planétaire et son horizon d’absolu climatique sont ainsi venus combler les lacunes transcendantales de la raison pratique de tous ces positivistes, inhibant les antinomies sociales de leur mécanique « kantique ». C’est pourquoi, prenant en compte vos observations j’ai développé, au chapitre La séparation et le tri, cet aspect du « libre choix » relativiste substitué au « libre arbitre » cartésien, comme principe théorique du libéralisme.

Cette faculté, en somme fondatrice de l’écologie politique, fut rendue elle-même possible par la fusion-acquisition idéologique de ce que Hegel dénonçait comme « la liberté du vide ».4 C’est cette même liberté du vide, sur le mode en-petit-bourgeoisé, qu’en vestale conséquente d’Herr Doktor Heidegger, Hannah Arendt revendiquait candidement comme « liberté d’être libre».

De même que dé-penser pour mieux dépenser fut la maxime « néo-kantienne » de la génération Foucault. Un pendule de dupes attardées, et qu’il est bien temps de remettre à l’heure.

Je me suis donc fixé pour but, dans le présent travail, de montrer que notre actuel « écologisme transcendantal », s’est constitué comme idéologie générique de toute la classe politique de Génération Europe Écologie. Rédigé deux ans après « Les Veaux et les Choses », j’ai été attentif à la consistance et à la continuité logique de ce développement avec les propositions et les analyses inaugurées dans « LVLC ».

D’où la vocation de cette publication à être plutôt qu’un bréviaire de théologie négative pour les croyants écologistes, une brochure militante sur le modèle de « Pourquoi nous combattons », vulgarisant les attendus et les conséquences de leur propagande « antitotalitaire ».

Ainsi, me suis-je dit, ils sauront enfin de quel bois durable ils se chauffent.

Voilà pourquoi je n’hésite pas à suggérer que ma critique, même « sévère »… vient au secours de l’écologie politique. Elle lui restitue un « lieu » et une « raison d’être » dont elle serait bientôt dépourvue, au train où la chose politique est en marche, et déjà proche de s’effacer dans la confusion des genres, le mouvement brownien des identités et le renversement durable de toutes les valeurs soutenables.5

Et c’est pourquoi, pour répondre enfin à votre question, je juge raisonnable de prétendre que :

C’est un livre « Tous publics ».

 

1Ou « existentiel » si on préfère.

2Par un processus analogue à la dilution homéopathique du principe « actif ».

3 LVLC.

4N.B. : voir plus haut (réponse à la première objection) le passage précité de Hegel.

5Quand ils ne sont pas heideggeriens ils sont au moins nietzschéens – et néanmoins, pour certains, se revendiquent encore « de gauche »... voire « antifas » pour les plus exaltés.

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Tag(s) : #LVLC, #Les veaux et les choses, #Dominique Mazuet, #Dominique Pagani, #marxisme, #écologisme, #escrologie, #FFCC, #Transition écologiste
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