Le Diplo
entre le rouge et le vert

 

Dans le numéro du Diplo de novembre figurent deux articles qui méritent de retenir d'attention, mais pour des raisons opposées. Les deux débutent en une du journal et bénéficient chacun de deux pages entières à l'intérieur.

L'un signé Pierre Rimbert et une consœur berlinoise proche de die Linke, formation de gauche comme son nom l'indique, commémore la chute du Mur de Berlin sous un angle qui a fortement déplu voire mis en fureur les éditorialistes qui célèbrent cet événement comme le coup d’envoi prometteur d’une réunification de l'Allemagne sous le signe de la liberté et de la démocratie retrouvées. Il faut dire que P. Rimbert et sa complice d’outre-Rhin n’hésitent pas, eux, à parler carrément d'«annexion». C'est d'ailleurs le titre de l'article: «Allemagne de l'Est, histoire d'une annexion».

Bien documenté et bien argumenté, leur papier explique comment et pourquoi ce qui est présenté d'ordinaire comme l'accès aux libertés et à la consommation de la partie longtemps brimée du peuple allemand placée «sous administration soviétique», comme on disait à Bonn, la capitale (provisoire) de la RFA à l’époque, a été «payé au prix d'un effondrement social et d'une prédation économique». Le style, quasiment pamphlétaire, est à la hauteur pour fustiger cette main basse dévastatrice sur un territoire colonisé sans scrupule aucun, qualifiée de «spectaculaire coup de force contre un État souverain» qui s'est soldé par «la liquidation intégrale de son économie et de ses institutions». La Treuhand, organisme «fiduciaire»[sic] chargé de la «conversion de l'ex-RDA au capitalisme» est vue comme une «étrange créature bureaucratique» ayant ouvert la voie à une série d'arnaqueurs empressés à la dépecer pour s'enrichir à peu de frais : «Magouilleurs du dimanche, charlatans et escrocs en bande organisée comprennent vite de que la Treuhand fonctionne comme un distributeur d'argent public ouvert à quiconque [...]». Et notre duo de reprendre de façon très peu diplomatique la métaphore d'un historien allemand peu tendre à l'égard de cette réintégration d'un État «communiste» dans le giron occidental : la Treuhand est y est comparée à «un “zombie mémoriel" qui cristallise toutes les créances pourries de l'unification allemande: l'anéantissement industriel, le dépeuplement des régions, les inégalités, le chômage de masse dans un pays où, plus encore qu'ailleurs, le travail fondait le statut social».

Sur le plan culturel, le bilan de l'annexion de la RDA à la RFA dressé par Rimbert et son double féminin est tout aussi négatif : «ses maisons d'édition, son cinéma, ses chaînes de télévision et ses stations de radio, ses artistes, ses noms de rues et de bâtiments publics disparurent en quelques années». Idem avec les «fermetures de centres de recherche et d'académies des sciences». Sans parler des «scientifiques démis de leur fonction en trois ans », obligés d'«émigrer ou de se reconvertir dans des métiers sans rapport avec leurs qualifications», tandis que «le personnel résiduel était soumis à des tests d'aptitude évaluant notamment ses convictions politiques». D'où l'«élimination des trois quarts des scientifiques». Tout cela justifié par un «impératif idéologique» résumé dans un document d'évaluation de l'Académie des Sciences : «Il faut éradiquer l'idéologie marxiste en procédant à des changements de structure et de personnel». Résultat : «Alors que le monde entier célébrait l'"économie de la connaissance”, l'Allemagne liquidait la couche des intellectuels de l'Est.» Pour résumer, «la population est-allemande fut jetée dans les eaux du capitalisme avec une pierre au cou».

«C’est aussi cela que commémore, chaque 9 novembre, la classe possédante occidentale», croient bon de conclure nos deux persifleurs à l’encontre d’un événement géopolitique rituellement révéré dans les médias mainstream par les journalistes alignés sur un «nouvel ordre mondial» qui commence, il est vrai, aujourd’hui à donner sérieusement de la bande. Et comme s’il fallait en rajouter encore une louche à l’encontre de leurs confrères et néanmoins ennemis, P. Rimbert et sa camarade d’outre-Rhin ironisent sur le contraste entre le nombre dérisoire d’employés recrutés pour mettre enfin le nez dans les documents compromettants «mis au secret en 1990» faisant état des innombrables magouilles de la Treuhand, et la pléthore de fouineurs rétribués pour farfouiller dans les paperasses de la police politique de l’ancien «régime». «Pour dépouiller les 45 kilomètres de dossiers» concernant la première, «les 7 archivistes récemment embauchés jalouseront peut-être les 1400 employés dévolus aux papiers de la Stasi… »

La réaction, dans les deux sens du terme, ne s’est pas faite attendre. «Juste le titre, une ignominie, car il est de la rédaction [celle du Dipo], tweet dès le 1er novembre le journaliste Jean Quatremer, eurobéat stipendié, avant même d’avoir lu l’article. Sur France Inter, le renégat soixante-huitard Daniel Cohn-Bendit «refuse le terme “annexion” pour évoquer la réunification de l’Allemagne il y a trente ans. Dire annexion, éructe t-il, c’est reprendre Radio Nostalgie Allemagne de l’Est.» Pierre Rimbert et son alliée de Germanie vont-ils donc être renvoyés, comme la bande tropicale, dans l’infâme cohorte des rouges-bruns, et le Diplo avec ?

 

Rassurons-nous, en même temps que le lectorat citoyenniste «degôche» du mensuel altercapitaliste. Le second article, dont l’auteure — ou l’autrice ! —, une journaliste, a l’honneur et le bonheur de pavoiser également en première page du numéro de novembre suivie de deux autres à l’intérieur, est, quant à lui, d’un vert bon teint. L’intitulé est certes des plus combatifs : «Les écologistes tentés par l’action directe». Dans la lignée des keucheyâneries qui font les délices du comité de rédaction du journal, il ne s’agirait de rien moins, pour la «nébuleuse» escrologiste, que «s’entendre sur des stratégies susceptibles de renverser l’ordre social».

Outre quelques leaders chevronnés d’associations vertes au réformisme pourtant assumé ayant pignon sur rue (Amis de la Terre, Greenpeace, Alternatiba, etc.), on a fait appel aux inévitables car supposés indispensables diplômés en sciences sociales pour élever ou approfondir le débat en posant scientifiquement l’éternelle question de la convergence entre luttes escrologistes et luttes sociales. Ce qui donne lieu comme de coutume à un festival de truismes mêlés à des contrevérités. «Aujourd’hui, l’écologie n’est plus distinguée des problèmes sociaux», croit découvrir un sociologue du CNRS. Il est contredit par une historienne des sciences de l’environnement pour qui, «très divers», les mouvements escrologiques, «en majorité, n’intègrent pas les discours sur le progrès social». Néanmoins, tous les espoirs sont permis si l’on regarde — c’est devenu une habitude chez les «observateurs» lettrés de l’hexagone ! — ce qui se passe outre–Atlantique ou outre-Manche. «Aux Etats-Unis et dans les pays anglo-saxons, objecte un maître de conférences en science politique de l’université de Paris-Nanterre, se développe une critique plus radicale, qui articule une préoccupation environnementale avec une dénonciation de plus en plus forte du capitalisme». Reste à savoir si cette radicalisation postulée de la réflexion escrologiste se traduit dans la pratique et comment.

S’appuyant elle aussi sur des expérimentions «alternatives» made in Britain et in USA, l’historienne citée plus haut y trouve de quoi atténuer le pessimisme de sa remarque antérieure : «Dans ALF puis ELF, on trouve une réelle critique du capitalisme», opine t-elle. Il est permis néanmoins d’en douter en décryptant la signification de ces initiales. Elles désignent en effet d’improbables «Fronts de libération», l’un «des animaux», l’autre «de la Terre», «n’acceptant aucune hiérarchie entre les êtres vivants». Ce qui doit faire trembler de peur les hiérarques financiers de Wall Street ou de la City et leurs homologues politiciens de Washington ou de Londres. Aussi l’historienne déplore t-elle quand même la marginalité de ces groupements minoritaires, définis par elle en leur faisant écho comme «anarchistes et anticapitalistes», qui résulte de «leur tendance à se soustraire à la société», comme le feront à leur tour «les mouvements punks et diverses communautés». Pour couronner le tout, elle ne manque pas, comme il fallait s’y attendre, de discerner dans cette «galaxie» — que je qualifierai pour ma part d’«anarchoïde» — une préfiguration de… Notre Dame-des-Landes.

C’est que les ZAD [«zone à défendre», précise le Diplo croyant ses lecteurs amnésiques alors qu’ils ont déjà été rassasiés de papiers consacrés à ce dernier produit en date de la «contestation» néo-petite bourgeoise], celle de la région nantaise en particulier, jouent un peu pour les anarchoïdes de ce XXIe siècle débutant le rôle qu’ont joué les soviets pour les marxistes-léninistes du siècle dernier1. À savoir fonctionner comme une référence obligée en tant que preuve majeure que la révolution est toujours possible, voire déjà en cours selon les illuminés de Lundi matin, le site internet préféré des anarchoïdes.

À cet égard, notre historienne n’est pas en reste : «Les ZAD, c’est de l’action directe, c’est-à-dire transformer sa vie de façon radicale pour se mettre en cohérence». En cohérence avec quoi ? La réponse vient d’un autre maître de conférences sollicité par le Diplo, sociologue à l’université de Paris II Panthéon-Assas, cette fois-ci. «Dans les ZAD, toutes les dimensions de la vie ou presque sont impliquées, décrète t-il. Il y aussi une vraie mise en danger». Le «presque» restrictif laisse néanmoins de côté le principal : le fait que «la vie» n’est autre que celle vécue par des «zadistes» soit de néo-ruraux petits bourgeois désireux de fuir leur condition sans chercher changer de société. Elle n’a pas grand chose à voir avec la survie d’un populo révolté qui n’a pas le choix de s’extraire de la sienne, et a dû enfiler un gilet jaune pour sortir de l’invisibilité. Mais il en faut plus pour désarçonner notre sociologue : «Les “gilets jaunes” ont réintroduit la question du rapport de classe, s’extasie t-il. C’est la première étape de la politisation». De celle des escrologistes, bien sûr, qui, comme on va le voir, ont une manière bien à eux de la concevoir. «L’urgence sociale rencontre une urgence écologique chaque jour plus criante», se félicite l’auteure de l’article. À l’appui de cette thèse non présentée comme une hypothèse puisque son bien-fondé est immédiatement vérifié, elle cite comme exemple «les slogans et le logo de Extinction Rebellion — un sablier dans un cercle figurant la planète». Elle ne pouvait mieux tomber… dans le panneau, et le Diplo en même temps qu’elle.

 

 

À lire notre journaliste, «les nouveaux militants d’Extinction Rébellion condamnent […] sévèrement les manœuvres politiciennes et veillent à éviter toute forme de récupération partidaire». Et pour cause ! Outre que le discrédit des partis «verts» et des autres partis en général est encore plus fort parmi les jeunes générations, cet ONVI de la contestation et de la revendication n’a pas eu besoin d’eux pour exister. De bons génies d’outre-Manche à la fois puissants et discrets, avec leurs relais dans l’hexagone, ont contribué — au sens financier du terme — à le faite naître et connaître, ce que semble curieusement ignorer la journaliste alors que l‘identité de ces riches mécènes est devenue un secret de polichinelle dans nombre de médias non inféodés au mouvement2. «Extinction Rebellion, vrai faux mouvement spontané ?», se demandait Russia today, site poutinien, il est vrai, donc suspect3. Une interrogation non partagée en tout cas dans le Diplo par la journaliste qui ne semble pas s’être étonnée de l’organisation bien huilée des démonstrations ludiques du mouvement avec son logo se voulant impactant et ses slogans chocs — selon elle, ils «résument la situation : le temps presse» —, ses communiqués rédigés en écriture inclusive — féminisme «bobo» oblige ! —, son site Internet ergonomique consultable en plusieurs langues, avec aussi ses «référents» et ses peace keepers [sic] pour que les manifestations se déroulent de façon réglée et sans accroc, ses jeunes gens de bonne famille disciplinés qui brillaient jusque-là par leur absence parmi les manifestants — «marches vertes» exceptées — battant d’ordinaire le pavé parisien. Elle n’est pas intriguée non plus par le fait que les autorités aient laissé ces extincteurs de la rébellion décharger tranquillement le matériel de leurs camionnettes avant de bloquer quatre jours et trois nuits avec leur folklore groupusculaire plusieurs endroits de la capitale4, dont le Pont au Change et la place du Châtelet, à deux pas de la préfecture de police, sans aucune autorisation préalable ni intervention des «forces de l’ordre, mais avec en prime l’approbation publique de la maire de Paris, plus que jamais soucieuse de jouer la carte «verte» pour être réélue. Notre journaliste ne semble pas non plus surprise, puisqu’elle n’en pipe mot, que là où cette intervention a eu lieu, elle ait pris la forme d’une timide évacuation, comme par exemple le 12 octobre, aux abords de l'Assemblée nationale, où l’on vit les CRS saisir aux aisselles sans violence les manifestants pour les déposer doucement ailleurs. Rien à voir avec la sauvagerie de la répression contre les Gilets jaunes ou, avec une brutalité un peu moindre, mais évidente quand même, contre les pompiers qui manifestaient dans les mêmes lieux. Et que dire de l’opération qui inaugura en fanfare, le 5 octobre, la série qui allait suivre — c’est le cas de le dire puisque un groupe de musiciens donna une aubade prolongées sur le parvis de Italie 2 dès le matin —, avec l’occupation d’un centre commercial dans le XIIIe arrondissement ! 

 

 

Le récit édifiant résumé en quelques lignes que fit la journaliste de cette soi-disant «opération coup de poing contre le capitalisme» menée dans la soirée par Extinction Rébellion est celui d’une ravie de la crèche escrologiste. A la lire, cette opération est «présentée comme un succès» sans que l’on sache si cette présentation émane d’elle ou des initiateurs de ladite opération. Les participants, «un ensemble hétéroclite de militants pour le climat, de «gilets jaunes et de jeunes de quartiers populaires» (emmenés et amenés par la leader du comité Adama en plus de quelques éléments en provenance de cités HLM voisines profitant de l’aubaine pour «faire leur courses») auraient «travaillé ensemble [sic] pour bloquer le site pendant dix-huit heure, jusqu’à l’assemblée générale votant de départ, vers 4 heurs du matin». Le haut degré de préparation de l’opération fascine notre journaliste sans l’intriguer pour autant. «Ils s’étaient organisés bien en amont, et chacun avait sa tâche», s’exclame t-elle, émerveillée par ces groupes soi-disant auto-organisés réunis et agissant sous la houlette des fameux « référents» entraînés par je ne sais qui et je ne sais où. Aucun questionnement non plus sur le timing bien réglé et la barricade professionnellement érigée qui aurait empêché les brigades spéciales de la police d’expulser ou d’interpeler les occupants avant l’heure fixée, c’est-à-dire avant que soit sifflée la fin de la récréation rebelle, en concertation avec les responsables du maintien de l’ordre. Et rien encore sur la dizaine de fourgonnettes bourrées de gendarmes garées au même moment le long de l’avenue d’Italie d’où aucun occupant ne jaillit pour prêter main forte à la flicaille aux prises avec les manifestants dans le centre commercial, et qui quittèrent leur emplacement pour s’éloigner dans la nuit sans les sirènes habituelles alors que les affrontements atteignaient leur paroxysme. Des affrontements assez soft, il est vrai, ne requérant aucune grenade de désencerclement ni usage de LBD.

 

S’agissant du Diplo, il ne faudra pas compter non plus sur Lord On pour pallier les lacunes de la journaliste à propos de ce mystérieux mouvement «rebelle» qui a défrayé la chronique escrologiste en octobre dernier. À l’issue de la présentation de son dernier opus, Vivre sans… — qui fera l’objet du troisième volet de mon retable sur la Passion de Saint Lord On —, à la librairie «bobo» Le Merle Moqueur, il a terminé la partie questions-réponse de la séance par un éloge sans retenue des prestations parisiennes de Extinction-Rébellion. À Italie 2, où il s'était rendu, «c'était vraiment bien», selon lui. Au Châtelet, où il n'a pu aller, «il se passe d'innombrables choses... On peut imaginer des cabanes au Châtelet ». Il est vrai que c’est une sorte de rond-point urbain. Pourquoi pas une ZAD incluant le Pont au Change pendant qu'il y était ! «C'est extrêmement enthousiasmant, poursuivait-il. Tout cela accélère les déplacements». Ceux des lieux, des pratiques et de l'imaginaire des luttes... contre le capitalisme, bien sûr. Rien sur l'absence de répression ni sur la promotion de ce mouvement par des firmes et des fondations étrangères. Comme quoi ce super «bobo» peut parfois se révéler comme un super gogo.

 

On jugera sans doute le parallèle osé voire délirant, mais l’ignorance sinon l’aveuglement du Diplo à l’égard de la réalité de ce mouvement surgi apparemment de nulle part n’est pas sans rappeler la méconnaissance totale dont ce journal fait preuve à l’égard d’un autre mouvement «rebelle», celui qui se proposait de mettre fin au «régime» syrien et au règne du «bourreau de Damas». Cela au point de faire confiance à un agent d’influence lié à ce mouvement pour éclairer le lectorat du Diplo sur la situation embrouillée en Syrie5. Certes, je me garderai de pousser plus loin le parallèle en comparant les «rebelles modérés» de Al Nosra ou d’autres organisations terroristes qui faisaient du «bon boulot» au Moyen Orient, selon l’ex-ministre des affaires étrangères Laurent Fabius, à ceux d’Extinction Rébellion. Les premiers étaient et restent de sanglants terroristes coupables d’innombrables crimes contre la paix, de guerre et contre l’humanité, alors que les seconds sont, de fait, réellement modérés dans leur ambition et par leur mode d’action, «directe» ou non, contrairement à la manière dont ils se présentent ou sont présentés. Loin de viser le renversement l’ordre établi, comme on l’imagine au Diplo, les exhibitions festives de ces derniers dans les lieux qu’ils occupent avec l’assentiment tacite des pouvoirs en place n’ont d’autre raison d’être que de le rénover pour le protéger en le badigeonnant de vert. Un point commun réunit tout de même les «rebelles modérés» d’ici et de là-bas. Sous la bannière verte de l’Islam, les uns œuvrent à la «reconfiguration du Moyen Orient», tandis que sous la bannière verte de l’escrologie les autres œuvrent à la «préservation de l’environnement», et donc tous, sur des fronts différents, à la consolidation et au renforcement du capitalisme.

 

Des esprits curieux s’interrogeront peut-être sur la signification de la présence simultanée dans un même numéro du Diplo de deux articles aux orientations idéologiques aussi opposées, l’un franchement anticapitaliste, l’autre escrologiste pur jus. Certains y verront la marque d’un pluralisme d’opinions revendiqué, d’autres celle d’une contradiction non maîtrisée. Au risque de prêter à l’équipe diplomatique un machiavélisme qui n’est pas dans les habitudes de la maison, je discernerais plutôt dans cette coprésence une involontaire complémentarité. La chute du mur de Berlin et tout ce qui s’ensuivit pour la partie de l’Allemagne située du «mauvais côté» relève du passé. Et bien que la dissimulation de la réalité persiste du «bon côté», comme en témoigne l’hystérie qui a saisi ceux qui s’y positionnent à la voir révélée, il est devenu possible de réécrire l’histoire officielle dans le sens de la vérité puisqu’elle appartient à une période révolue. Il en va tout autrement avec la campagne escrologique en cours, énorme entreprise de diversion menée avec le concours voire maintenant aussi à l’initiative d’un capitalisme en voie de verdissement, et avec l’adhésion de tous les gogos de la planète qu’il s’agirait de sauver.

 

Car c’est précisément le capitalisme qu’il s’agit, en réalité, de sauver aujourd’hui et plus encore demain. Il ne saurait donc être question que cette croisade «environnementale» soit perturbée voire détournée de ses fins véritables par la mise en lumière de ces dernières et de l’origine des moyens de plus en plus considérables et variés mobilisés pour y parvenir. Si le précepte selon lequel toute vérité n’est pas bonne à dire peut subir quelques entorses concernant le passé, il reste plus que jamais en vigueur pour le présent et l’avenir. Et le Diplo, à cet égard fidèle à sa ligne altercapitaliste, ne saurait transgresser cette loi non écrite.

 

Jean-Pierre Garnier

 

1 Toutes choses égales par ailleurs, bien sûr, sauf à s’auto-persuader que quelques décennies d’opposition pacifique au projet d’implantation d’un aéroport ont réussi, elles aussi, à «ébranler le monde».

4 Les journalistes de Russia Today ont apprécié le spectacle : «Concerts, jongleurs, funambules et sit-in dans la paille: dès la première heure de la mobilisation “pour la suite du monde” débutée le 7 octobre, l'ambiance était détendue côté militants qui ne semblaient pas redouter d'évacuation musclée et immédiate. Une impression qui s’est renforcée dans la soirée, sur fond de musique électro proposée aux badauds et militants par le collectif de DJ's G.A.F (give a fuck now), associé précédemment aux marches pour le climat. Ambiance clubbing alors que la nuit tombe sur le Pont au change, bloqué […].»

Tag(s) : #jean-pierre garnier, #escrologie, #RDA, #diplo
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