Pour le lecteur jusqu'ici peu attentif aux événements qui bouleversent pourtant nos classes d'élite et sur lesquels Annie Lacroix-Riz à publié le commentaire que nous relayons plus loin, situons le contexte :
Une actualité récente, si insignifiante qu'elle sera encore plus promptement oubliée que celle des chèvres indiennes se prosternant devant le tendre époux de Brigitte Macron (sans doute en signe de solidarité), mérite cependant qu'on s'y arrête. Car l'affaire du Haut Comité, puisqu'il faut l'appeler ainsi, est la dernière en date d'une série de faits extravagants dont les ors académiques qui les entourent n'avaient pourtant pas suffit jusqu'ici à capter l'attention des foules, ni émouvoir d'autre "commun" que celui du landernau commémorationniste à qui échoit habituellement la propagande gourmée, au titre de la sinécure ordinaire des parasites cacochymes de la haute administration de la culture.
Or, cette "affaire", dans son dernier rebondissement, a permis, au terme d'une série de pitreries servies par Yann Moix ou Olivier Dard, en passant par Pascal Ory et quelques autres charlatans moroses, régulièrement commis d'office à ce genre de basses oeuvres, de révéler au "grand public", l'existence d'une ces hautes "autorités" dont notre classe dirigeante a le secret : le "Haut Comité pour les Commémorations Nationales". Bigre, ça sonne bien comme le genre d'instance intimidante qui ne pouvait faire défaut à un appareil d’État de la cuculture qui cultive avant tout l'auto-congratulation institutionnelle. Il ne suffit pas en effet de se dire "commémorez, commémorez, il en restera toujours quelque chose". Un mantra qui est au fondement de notre agenda de la culture officielle, avec les "installations" provisoires ( mais dispendieuses) dans les endroits les plus improbables, et autres créations innovantes assez loufoques pour susciter la curiosité perplexe des badauds dans les lieux publics. Encore faut-il éclairer le chaland sur le sens et les vertus de toutes ces sollicitations bienveillantes d'une administration soucieuse de l'édification civique, esthétique et morale des populations qu'elle a en charge d'éduquer... jusques et y compris aux indes lointaines.
C'est ainsi qu'on découvre ce "Haut Comité" à l'occasion de la manifestation de sa désapprobation d'une décision de sa ministre de tutelle qui prétend il est vrai amender voire défigurer leurs vénérables travaux. On apprend ainsi, par une très opportune "fuite" aussitôt répandue sur la "toile", les motifs de cette protestation d'indignation (mesurée) face à l'arbitraire insupportable des oukases ministérielles :
« La décision que vous avez prise de retirer le nom de Charles Maurras de la longue liste de faits mémorables établie par notre Haut-Comité au titre de l’année 2018 – après l’avoir d’abord ratifiée par une préface élogieuse - et d’interrompre la diffusion du Livre des commémorations nationales nous rend impossible, à notre plus vif regret, de continuer de siéger dans cette instance »
signé de 10 des 12 membres de cet éminent aréopage :
Présidente
Mme Danièle Sallenave, de l’Académie française
Membres
M. Christian Amalvi, professeur à l’université Paul-Valéry-Montpellier-III
Mme Marie-Laure Bernadac, conservatrice générale honoraire
Mme Catherine Bréchignac, secrétaire perpétuel de l’Académie des sciences
M. Gilles Cantagrel, musicologue
Mme Nicole Garnier, conservatrice générale du patrimoine, chargée du musée Condé à Chantilly
Mme Claude Gauvard, professeur émérite d'histoire médiévale à l’université Paris-1-Panthéon-Sorbonne
M. Robert Halleux, membre de l’Académie royale de Belgique, directeur du Centre d'histoire des sciences et des techniques de l'Université de Liège
M. Jean-Noël Jeanneney, ancien ministre
Mme Evelyne Lever, historienne moderniste et écrivain
M. Pascal Ory, professeur à l’université Paris-1-Panthéon-Sorbonne
M. Jacques Perot, président de l’Association française pour la protection des archives privées
Secrétaire général
M. Hervé Lemoine, directeur chargé des Archives de France
Bref, ils semblent un peu vexés... Seule la présidente du Haut-Comité, l'Académicienne Danielle Sallenave et Catherine Bréchignac, n'ont pas signé ce texte dont l'AFP a obtenu une copie, on ne sait par quelle "incroyable indiscrétion". On apprend aussi par le même "canal" officieux que Danielle Sallenave a été chargée par la ministre de "piloter une réflexion" sur l'avenir de cette instance. Ce qui appelle les remarques suivantes d'Annie Lacroix-Riz dans la continuité de ses précédents commentaires sur cette "ténébreuse affaire" :
Eh bien non, les démissionnaires du haut comité des commémorations nationales n’auront pas protesté contre le caractère scandaleux de la complaisante notice, à énormes trous et contrevérités, d’Olivier Dard, ils se seront juste érigés en preux défenseurs d’une prétendue liberté d’expression historique – pour que triomphe auprès de la population française, car c’est l’objet des commémorations nationales, la thèse d’un Charles Maurras « germanophobe et antinazi » sous l’Occupation, si peu antisémite, sauf éventuellement au début du 20e siècle qu’il valait mieux n’en point parler – et auront renoncé vaillamment à une fonction médiatique parmi mainte autre. C’est assez farce sur ces deux points mais tout arrive...
Je suis personnellement ravie qu’il n’y ait de fait, à cette date, plus de haut comité des commémorations nationales. La science historique, qui n’en a pas besoin, ne s’en portera pas plus mal. Elle a juste besoin, pour demeurer ou redevenir une science, qu’on la laisse travailler librement, avec des spécialistes d’histoire contemporaine qui fréquentent les salles d’archives plus que les ministres, les grands patrons, les instances « européennes », les « témoins », etc. Le seul comportement de la ministre Mme Nyssen, qui a cru pouvoir rédiger ou faire rédiger « une préface élogieuse – [avant] d’interrompre la diffusion du Livre des commémorations nationales 2018 », est significatif du fonctionnement d’une discipline historique servile, caractérisée par le contact permanent avec « ceux d’en haut ».
L’ensemble de l’affaire, y compris les conditions d’élaboration de la « notice » sur Charles Maurras, confirme que la « mémoire » n’a rien de commun avec la science historique indépendante. Ayant répété cette évidence depuis quelques décennies, je me réjouis qu’elle soit ainsi confirmée.
Annie Lacroix-Riz