Plaidoyer pro-Obono
« Il y a depuis des mois contre nous une stratégie de la diversion permanente : un coup Mélenchon, puis Garrido, puis Corbière, puis Obono», a récemment touité un Baudruchon rendu furieux par une série d’attaques médiatiques lancées contre lui et certains de ses amis « insoumis ». Loin de moi l’idée, on s’en doute, qu’elles seraient dépourvues de tout fondement en ce qui concerne les trois premiers noms cités même si l’identité de leurs auteurs et les médias où ils s’expriment me portent à penser que ces attaques viennent d’une droite rancie, obtuse et revancharde qui ferait bien de balayer d’abord devant sa porte, en y incluant cette deuxième droite moribonde qui s’entête désespérément à se faire encore passer pour « degôche ». Dans le cas de Danièle Obono, en revanche, on a visiblement affaire, pour peu que l’on ne se bouche pas les yeux, à une offensive de caractère raciste, assez complexée cependant pour ne pas apparaître trop décomplexée, contre une député « issue de l’immigration subsaharienne », comme on dit, qui a le tort de ne pas s’être ralliée à une conception étriquée, chauvine et moutonnière de la francité et, ce qui n’a fait qu’aggraver son cas, de ne pas se laisser intimider par les injonctions et les menaces que cette position lui vaut.
Certains s’étonneront que je prenne ainsi la défense d’une porte-parole en vue de cette « révolution citoyenne » qui ne mènera nulle part sinon à une pérennisation de l’ordre social capitaliste, et non « démocratique », comme feint de le croire Baudruchon. À cet égard, Danièle Obono est parfaitement dans la ligne, et je la mets volontiers dans le même sac citoyenniste sur lequel je me plais à taper verbalement, si l’on peut dire, à coups redoublés. Mais une chose est de prendre pour cibles les mystifications idéologiques de cette nouvelle mouture écolo-compatible du social-réformisme et les visées politiques qu’elles légitiment, une autre est de s’en prendre à l’un(e) de ses représentant(e)s à partir de préjugés de bas étage qui contreviennent aux valeurs les plus élémentaires du progressisme, fût-il des plus modérés.
Il se trouve qu’en dépit du monolithisme qui, quoi qu’en dise leur Führer, caractérise les discours des représentants élus de la France insoumise, Danièle Obono, sans verser pour autant dans la dissidence, a néanmoins le mérite de faire entendre parfois quelques notes discordantes par rapport au son de cloche mélenchonien, lassant à force d’être assourdissant. Et cela lors de prises de paroles clairement articulées et argumentées, trait commun reconnaissons-le, aux jeunes élus de la FI, qui nous change agréablement de la rhétorique inconsistance difficilement audible émanant d’ordinaire de la tribune de l’Assemblée nationale et répandue par les médias qui lui font écho. On peut au demeurant supposer que l’indéniable talent oratoire de Danièle Obono et son sens, souvent allègre, de la répartie n’ont pas peu contribué à accentuer la hargne de ses besogneux contempteurs. Mais qui sont ces derniers et quels sont les motifs de leur haine ? Disons-le tout net : ceux-ci ne valent pas mieux que ceux-là.
Si la fausse gauche a sombré dans l’état où elle se trouve présentement, vermoulue et effondrée — ce dont il faut se féliciter, même si l’on peut déplorer l’absence d’une relève anticapitaliste digne de ce nom —, c’est grâce à des gens de leur espèce. Deux d’entre eux, parmi les plus acharnés à discréditer Danièle Obono, ont retenu mon attention par le rôle particulièrement nocif qu’ils ont joué et continuent de jouer dans le paysage politico-médiatique hexagonal. L’un s’est fait pousser la barbe, l’autre a rasé sa barbichette, mais tous deux sont restés les mêmes : des incarnations parmi les plus répugnantes de l’ignominie «degôche». On aura sans doute reconnu au travers de ce signalement capillaire les sinistres Laurent Joffrin et Manuel Valls.
Le premier, Mouchard de son vrai nom, prend soin de le dissimuler tant il colle aux pratiques de délateur dont il est coutumier. Il a sévi tour à tour à la tête de deux journaux, Le Nouvel Observateur, propriété aux deux tiers des actionnaires millionnaires de L’ImMonde, Xavier Niel, Mathieu Pigasse et feu Pierre Bergé, et Libération, dont il est à nouveau le rédac’chef — « réac chef », en réalité — possédé aujourd’hui par le richissime sioniste Patrick Drahi. Un hebdomadaire et un quotidien parfaitement représentatifs de la dérive droitière que ces publications ont contribué à provoquer d’une gauche devenue sans frontières susceptibles de l’empêcher de basculer carrément à droite. Or, on a vu Joffrin-Mouchard une fois le plus à l’œuvre dans les dénonciations expéditives et sans appel auquel il se livrait, sur le plateau de C News, la chaîne de Bolloré, de quelques déclarations jugées intempestives de Danièle Obono qu’il aimerait bien voir tomber sous le coup d’une nouvelle loi de censure comme celle du député stalinien Gayssot contre la « haine » sommairement identifiée à « tout acte raciste, antisémite ou xénophobe ». Établissant un parallèle pour le moins osé avec la présence éventuelle d’un député nazi au Palais Bourbon, Joffrin le Mouchard en déduisait qu’« on n’est pas obligé d’avoir des extrémistes — comme Madame Obono — à l’Assemblée nationale », déplorant que la F.I. ne l’ait pas encore exclue de ses rangs. Va–il aller jusqu’à réclamer la levée son immunité parlementaire ?
Pour avoir émis des doutes sur la scientificité du « concept » de radicalisation — « La radicalisation n’est pas un concept scientifique suffisamment arrêté », avait estimé la députée, relevant des « concepts flous » dans la définition même du terme —, D. Obono s’est vu immédiatement accusée par Mouchard et des finauds de son acabit d’entraver la lutte contre le terrorisme en s’élevant contre les perquisitions et arrestations arbitraires que ledit « concept » peut légitimer. Pourtant, outre les détentions effectives de gens suspectés à tort d’être entrés dans le processus que ledit concept est supposé désigner alors qu’ils n’avaient rien à se reprocher, comme on dit, il n’est que de lire la pléthore d’articles et d’ouvrages rédigés par la multitude de prétendus experts ès djihadisme que le phénomène terroriste a fait fleurir et prospérer, pour découvrir que le terme « radicalisation » est devenu un fourre-tout idéologique propice aux élucubrations les plus farfelues. Comme d’ailleurs la terme « radical » dont il est issu, cher aux anarchoïdes et aux marxistes de la chaire. Dernier gag en date où cette confusion sémantique peut mener : sous prétexte d’avoir interprété le refus d’un chauffeur de bus de prendre le volant après une collègue comme un indice patent de sexisme misogyne et non de « radicalisation islamiste », Danièle Obono se voit accusée de faire le jeu de cette dernière !
À voir Joffrin, pète-sec et péremptoire, classer comme délit d’opinion « contraire à nos valeurs démocratiques » son refus, avant qu’elle ne soit élue député, de s’identifier à Charlie à la suite de l’attentat ayant éclairci les rangs de son comité de rédaction, et son regret exprimé simultanément que l’État se soit attaqué à Dieudonné pour le censurer, je verrais bien ce triste sire siéger dans un tribunal inquisitorial chargé de poursuivre les crimes de lèse bien-pensance. Devant lequel je serais sans doute moi-même aussi appelé à comparaître.
D’abord pour avoir critiqué dans une série de courriers électroniques l’interdiction par Manuel Valls en janvier 2014 d’un spectacle de Dieudonné au zénith de Nantes sur la seule base légale d’un avis du Conseil constitutionnel émis à la sauvette à l’encontre d’une décision d’une cour d’appel administrative allant dans le sens inverse, par un seul membre présent de l’auguste institution, sioniste avéré de surcroît, une critique qui m’a valu l’ire d’une meute d’anarchoïdes déboussolés me classant illico « rouge-brun ». Ensuite, pour avoir exprimé publiquement le 12 janvier 2015 à la Bourse de travail de Paris, lors d’un meeting organisé par les Fakiriens au lendemain de la mascarade grégaire orchestrée la veille Place de la République et aux alentours, la raison pour laquelle j’avais refusé de m’y associer1. Au grand dam indigné de deux orateurs citoyennistes qui devaient me succéder à la tribune, Gérard Filoche qui n’en finissait plus de jouer les gauchistes (trotskistes) au sein du PS pour faire oublier les sinécures que ce parti failli lui avait procurées, et Éric Coquerel qui, après avoir grenouillé dans diverses factions ou factions de la « gauche de gauche », joue les « insoumis » de la dernière heure aujourd’hui sans perdre les bonnes habitudes opportunistes et arrivistes qu’il y avait contractées.
Rappelons nous : un troupeau immense de « citoyens » mobilisés pour la circonstance s’était amassé pour participer à une « marche républicaine » sous la houlette de politiciens de la fausse gauche et de la vraie droite rassemblée sous le signe qui avait déjà beaucoup servi de l’union nationale, auxquels s’était jointe une brochette de dirigeants étrangers. « Il faut que l'état d'esprit de ce 11 janvier reste. C'est un nouvel état d'esprit, me semble-t-il, pour notre pays », se félicitera le premier ministre Manuel Valls à la suite de ce « défilé monstre » qui fit exulter les plumitifs de la presse de marché, plus asservis que jamais, sans voir ce qu’avait effectivement de monstrueux cet unanimisme de la bêtise cocardière et de la soumission aux autorités, où l’on vit plusieurs fois la foule applaudir les policiers.
Manuel Valls, précisément, est la seconde personnalité à qui les déclarations de D. Obono donnent le plus de boutons. L’ex-Premier ministre « socialiste » l’accuse ni plus ni moins que d’encourager le racisme communautariste. Ce qui est plaisant de la part d’un individu qui avait proclamé sur Radio Judaïca Strasbourg, communautaire s’il en est, être « lié de manière éternelle » par sa femme « à la communauté juive et Israël ». Et qui avait vu sans sourciller prendre place dans la cohorte de chefs d’États ou de gouvernements étrangers invités à manifester leur « solidarité face au terrorisme » le 11 janvier 2015 quelques représentants du terrorisme d’État israélien, tel, se pavanant non loin du Premier ministre Natanyaou, son rival électoral à l’époque, Naftali Bennett, « héros de l’extrême-droite religieuse» israélienne », pour ne pas dire fasciste, lui qui se vante avoir « tué beaucoup d'Arabes » dans sa vie, ajoutant qu’« il n'y a aucun problème avec ça ». Faisait également partie du lot, Advigor Lieberman, tour à tour vice-Premier ministre, ministre de la Défense et ministre des Affaires étrangères dans plusieurs gouvernements de l’« État juif », qui ne fait pas non plus dans la dentelle en matière de solution finale du problème palestinien. Lors d’un meeting électoral dans la ville d’Herliya, par exemple, le 10 mars 2015, il avait déclaré à propos des Arabes israéliens, « ceux qui sont de notre côté méritent beaucoup, mais ceux qui sont contre nous méritent de se faire décapiter à la hache ». Les antisionistes juifs israéliens ne sont d’ailleurs pas mieux lotis puisque « tous ceux qui dénoncent la politique d'Israël menée contre les Palestiniens méritent d'être condamnés à mort ». On attend toujours, manière de parler puisqu’il n’y a plus rien à attendre de lui sinon le pire, une réaction — autre qu’une approbation réactionnaire, cela va de soi — du député mal réélu d’Évry.
Certes, D. Obono n’est pas une oie blanche. « Je suis bolcho-trotsko-marxiste » et « plutôt du genre indigène », plaisante t-elle, faisant allusion à ses accointances, que l’on peut regretter sans vouloir pour autant les criminaliser, avec l’entreprise en ethnicité « décoloniale » patronnée par Houria Boutelja. C’est en effet déjà une vieille routière du militantisme de gauche voire d’extrême gauche. Après avoir adhéré à la LCR elle a intégré la direction du NPA, dont la seule nouveauté, outre le fait qu’il a cessé d’être anticapitaliste, est de pousser le reniement jusqu’à d’appuyer l’offensive impérialiste au Moyen-Orient2, avant d’opter pour le Front de Gauche où elle fera partie de l’état-major, puis rallier la France insoumise. Rompue aux polémiques au sein et en dehors de ces organisations, elle est parfaitement en mesure, comme elle le prouve avec aisance, de river leur clou aux réactionnaires camouflés qui lui cherchent noise, et de trouver des alliés pour mener la contre-attaque. D. Obono n’a donc nul besoin de renforts marxistes-burlonistes pour venir à sa rescousse. Mais, à travers elle, si ce que l’on défend n’est assurément pas la France soi-disant insoumise qui chante la Marseillaise avec drapeaux tricolores déployés à la fin de chaque meeting électoral, c’est tout de même la liberté d’opinion et d’expression contre des olibrius qui, au cas où un régime oppressif et répressif viendrait à être instauré en France pour maintenir le capitalisme en l’état et avec l’État, seraient les premiers à le soutenir. N’en déplaise, en effet aux « anti-fas » demeurés (aux années 20-30 du siècle dernier), si fascisme il devait avoir dans l’avenir en France, c’est sous un autre nom et avec le concours de gens comme Valls, Joffrin et Cie qu’il risquerait de réapparaître. Gageons dès lors que Danièle Obono serait dans le « bon camp » !