Comme chacun peut le constater à la lecture de cet édifiant exemple de notre exception culturelle d'alors, la presse française d'aujourd'hui rappelle, par bien des aspects formels et idéologiques, les "journaux de révérence" de cette sinistre période... Raison pour laquelle, en vue de combler les lacunes béantes de notre historiographie officielle et académique sur ces épisodes pourtant fort instructifs en regard des événements géopolitiques actuels, nous avons reçu le très appréciable concours du plus éminent historien anglo-saxon sur ces questions : Geoffrey Roberts qui nous a fait l'amitié de nous rédiger l'instructif rappel que voici :

 

Barbarossa

par Geoffrey Roberts

 

Il y a soixante-cinq ans Adolf Hitler lançait la plus vaste et la plus destructrice campagne militaire de l'histoire : trois millions de soldats allemands et alliés envahissaient l'Union soviétique sur un front de 1000 kilomètres.
L'Opération Barbarossa - le nom de code de l'invasion de la Russie par l'armée allemande – fut bien autre chose qu'une campagne militaire : ce fut une guerre idéologique et raciste, une guerre de destruction et d'extermination qui visait à éliminer les Juifs, asservir les peuples slaves et détruire le communisme. Le résultat fut un combat au cours duquel 25 millions de citoyens soviétiques trouvèrent la mort, dont un million de Juifs, exécutés par les SS en 1941-1942 - une entreprise qui devint la matrice de l'holocauste nazi des Juifs d'Europe. La Russie européenne fut dévastée par l'invasion allemande : pas moins de 70.000 villes et villages ont été détruits ainsi que 98.000 fermes collectives, des dizaines de milliers d'usines et des milliers de kilomètres de routes et de voies ferrées. Pendant la guerre, l'URSS a perdu 15% de sa population et 30% de sa richesse nationale.
L'attaque de la Russie a été le point culminant de la prétention Hitlérienne d'instituer l'Allemagne en tant que puissance mondiale dominante. Cette tentative avait commencé avec l'invasion de la Pologne en Septembre 1939, suivie par la conquête allemande de la France en Juin 1940. En 1941, la machine de guerre allemande avait conquis la majeure partie de l'Europe qui, pays après pays, avait été envahie ou forcée de rejoindre l'Axe Hitlerien.
À l'Ouest, seule la Grande-Bretagne, protégée par la Manche et la puissance intacte de sa marine et de sa Royal Air Force, résistait et demeurait inviolée. À l'est, l'Union soviétique était le dernier obstacle à la domination allemande de l'Europe.

Le dictateur soviétique Joseph Staline avait conclu un pacte de non-agression avec Hitler en Août 1939, en même temps qu'un accord secret sur les sphères d'influence respectives de l'Allemagne et l'Union soviétique en Pologne et dans les États baltes. Cet accord a commencé à battre de l'aile en été 1940 après la défaite de la France et l'occupation soviétique des Etats baltes. En Novembre 1940, Staline envoyait son ministre des Affaires étrangères, Viatcheslav Molotov, à Berlin pour renégocier le pacte germano-soviétique. Mais l'offre de Hitler d'un partenariat dans une coalition mondiale contre la Grande-Bretagne et les États-Unis fut rejetée par Staline. Peu de temps après la conférence de Berlin Hitler donnait les directives de l'opération Barbarossa. L'objectif de Barbarossa était de conquérir la Russie en une unique et massive offensive Blitzkrieg. Hitler et ses généraux pensaient que cela ne prendrait que quelques mois de détruire l'Armée rouge, investir Leningrad et Moscou et occuper la moitié ouest de l'Union soviétique le long d'une ligne d'Arkhangelsk à Astrakhan. « Le monde va retenir son souffle », déclarait Hitler en assurant à ses généraux que tout ce qu'ils avaient à faire était de donner un coup de pied dans la porte pour que toute la « structure pourrie » du système communiste soviétique s'effondre d'elle-même.

Ces préjugés idéologiques contre le système soviétique étaient renforcés dans l'esprit des allemands par la médiocre efficacité de l'Armée rouge au cours de la guerre d'hiver avec la Finlande en 1939-1940

Le refus de la Finlande de concéder des territoires que les Soviétiques considéraient comme un « glacis » vital pour préserver la sécurité de Leningrad, déclencha les hostilités. Moscou s'attendait à une victoire facile, mais l’offensive initiale en Décembre 1939 tourna très mal pour l'Armée rouge qui y perdit des dizaines de milliers de soldats. Après quoi, l'Armée rouge se regroupa, et une seconde offensive forçait les Finlandais à accepter un traité de paix défavorable en Mars 1940. Les militaires allemands en conclurent, à tort, que l'Armée Rouge serait un repoussoir pour la Wehrmacht. Ce que les Allemands n'avaient pas aperçu c'est qu'après la guerre finlandaise, l'Armée Rouge entreprit un examen critique approfondi de ses erreurs. Le résultat en fut une série de réformes militaires, y compris la réintégration dans les forces armées de milliers d'officiers «suspects» qui avaient été purgés par Staline dans les années 1930. Ainsi, quand Hitler attaqua l'Union soviétique, il eut à faire face à une force militaire bien plus expérimentée et redoutable qu'il ne l'avait imaginé. Le jour où il engageait l'invasion - le 22 Juin 1941 - Hitler prétendit que c'était une réponse aux actions et aux provocations russes. La propagande nazie présentait l'Opération Barbarossa comme une frappe préventive contre une attaque imminente des soviétiques sur l'Allemagne. En envahissant la Russie l'Allemagne se posait donc comme protectrice de l'Europe chrétienne contre les hordes barbares asiatiques venues de l'est.


Le mythe prétendant que l'Allemagne avait été forcée à une guerre défensive contre l'Union soviétique persiste encore aujourd'hui dans les milieux politiques d'extrême-droite.

Il n'y a pourtant pas la moindre preuve ou indice permettant de supposer que Staline envisageait d'entrer une guerre avec l'Allemagne en été 1941. Au contraire, Staline essayait désespérément de retarder la guerre et de gagner autant de temps que possible pour pouvoir achever les préparatifs de défense soviétiques. Alors que certains généraux soviétiques étaient enclins prendre des mesures pour anticiper l'attaque allemande à venir, cette option était jugée beaucoup trop aventureuse pour Staline, qui craignait une guerre précoce, d'autant plus qu'il soupçonnait les Britanniques de comploter pour se réconcilier avec l'Allemagne et prendre part à une campagne anti-bolchévique contre l'URSS. Ces soupçons furent renforcés par la mystérieuse escapade en Grande-Bretagne de l'adjoint d'Hitler, Rudolph Hess en mai 1941, que Staline interpréta comme une étape des négociations en vue d'une alliance anglo-allemande. Par doctrine et par tradition l'Armée Rouge est une armée offensive et elle avait l'intention de mener une guerre offensive contre l'Allemagne, mais seulement après qu'Hitler ait attaqué l'URSS. Les préparatifs de guerre soviétiques se fondaient sur une stratégie contre-offensive dans laquelle l'Armée rouge absorberait l'attaque initiale allemande, puis lancerait des contre-offensives d'invasion du territoire ennemi. Il n'y a aucun indice attestant que ces plans aient évolué vers une stratégie plus agressive à l'été 1941. Tous les préparatifs de guerre soviétiques avant le 22 Juin 1941 relevaient d'une posture défensive.

Au début, tout se passa bien pour Hitler dont les armées progressèrent en profondeur dans le territoire soviétique, détruisant tout ce qui leur était opposé, encerclant et capturant des millions de soldats ennemis. Dès le 3 Juillet, le général Franz Halder, chef de l'armée état-major allemand, notait dans son journal: «Pour ma part, il ne me semble pas trop audacieux d'affirmer que la campagne contre la Russie a été gagnée en l'espace de deux semaines ». En Septembre, les Allemands avaient capturé Kiev, encerclé Leningrad et étaient prêts à avancer sur Moscou. Le triomphalisme de Halder était un peu prématuré et au début d'Août il commençait à avoir des doutes: «Au début de la guerre que nous avions évalué qu'il y aurait environ 200 divisions ennemies contre nous. Mais nous en avons déjà compté 360. Si nous en détruisons une douzaine, les Russes nous en présentent une autre douzaine ». Mais il n'avait pas que les réserves inépuisables de troupes adverses qui contrecarraient les plans allemands de victoire rapide et facile. Les défenses soviétiques ne s'effondrèrent pas complètement. L'Armée rouge sut réagir et mener une défense tenace une fois surmontés le choc et la crainte de l'attaque initiale allemande.

Dans la forteresse de Brest à la frontière de l'occupation allemande en Pologne, 3.000 soldats soviétiques se sont battus presque jusqu'au dernier. Odessa, le port principal de la marine soviétique sur la mer Noire, a tenu pendant des semaines contre une attaque de la 4e armée roumaine, tandis que son port jumeau de Sébastopol a combattu pendant toute une autre année. Des millions de soldats soviétiques ont été faits prisonniers, mais des dizaines de milliers se sont frayé un chemin pour échapper à l'encerclement.
L'Armée rouge n'a pas défendu passivement; en phase avec son ethos offensif elle a lancé de nombreuses contre-attaques, forçant souvent les troupes allemandes à se retirer et à se regrouper. La défense soviétique de Kiev a stoppé l'avance allemande dans l'est de l'Ukraine pendant près d'un mois. La défense soviétique de Leningrad fut si déterminée qu'Hitler décida de faire le siège de la ville plutôt que d'essayer de l'investir par un assaut frontal. Dans la région de Smolensk armées allemandes et soviétiques se sont battues pendant des semaines pour le contrôle des voies d'accès à Moscou.

La dernière chance d'Hitler de vaincre l'Union soviétique en 1941, et d'éviter ainsi une coûteuse guerre de positions, survint à l'automne quand il attaqua Moscou avec plus d'un million d'hommes. À la fin de Novembre, l'avant-garde des unités de l'armée allemande pouvait voir les flèches des coupoles du Kremlin. Mais au début de Décembre, l'Armée rouge lançait une contre-offensive qui repoussait les Allemands de 100 kilomètres. Un moment Staline espéra même pouvoir complètement inverser l'opération Barbarossa et chasser les Allemands de Russie, mais cela s'avéra au-delà des capacités d'alors de l'Armée Rouge. Ça n'est qu'à la fin de 1942, avec la victoire de Stalingrad, que la guerre tourna de manière décisive en faveur des Soviétiques.

L'incapacité d'Hitler à prendre Moscou signait l'échec stratégique de l'opération Barbarossa.

Au lieu d'une victoire rapide Allemagne devait faire face à une longue guerre d'usure sur le front de l'Est – un combat qu'elle était destinée à perdre maintenant que l'Union soviétique s'était alliée à la Grande-Bretagne et aux États-Unis. Lorsque l'Allemagne envahit la Russie, Winston Churchill, le Premier ministre britannique, avait immédiatement déclaré sa solidarité avec l'Union soviétique alors que le président américain Roosevelt autorisait l'aide américaine à l'URSS. Les Américains ne sont pas officiellement entrés dans le conflit jusqu'à l'attaque japonaise de Pearl Harbor et la déclaration de guerre d'Hitler aux États-Unis en Décembre 1941. Cette décision apparemment irrationnelle d'Hitler n'a pas été aussi folle que cela put apparaître rétrospectivement. A cette époque, les États-Unis étaient l'allié de facto de la Grande-Bretagne et protégeaient à travers l'Atlantique les convois britanniques de navires chargés de fournitures américaines. Fondamentalement, Hitler était encore confiant dans la victoire sur le front de l'Est; l'armée allemande avait calé devant Moscou, mais la pleine puissance de la contre-offensive soviétique ne s'était pas encore manifestée.

La décision d'Hitler de déclarer la guerre aux Américains était également et intimement liée à la radicalisation de la politique nazie sur la question juive. Les massacres de Juifs soviétiques avaient commencé et avant la guerre Hitler avait annoncé qu'en cas de nouveau conflit mondial, les Juifs seraient tous éliminés. Le déclenchement de la guerre du Pacifique offrait à Hitler l'occasion d'accomplir sa prophétie. La guerre européenne fut donc transformée par Hitler en un conflit mondial dans lequel les nazis pourraient « finaliser » leurs projets génocidaires. Peu de temps après, lors de la conférence d'Heydrich à Wansee, en Janvier 1942, fut décidée l'élimination des Juifs d'Europe. Ceux qui étaient valides seraient exploités jusqu'à la mort dans la machine industrielle allemande tandis que leurs coreligionnaires d'Union Soviétique seraient exécutés. Churchill et Roosevelt craignaient tous deux que l'invasion allemande ne réussisse. Il est important de se rappeler que les succès allemands initiaux en Russie étaient prévisibles de la part d'une énorme armée aguerrie qui avait si facilement conquis la Pologne et la France. Autre élément en faveur des allemands : le facteur surprise. Dans son soi-disant discours secret au 20e congrès du parti communiste soviétique en 1956 Nikita Khrouchtchev, le successeur de Staline comme chef du parti, attaquait Staline pour avoir été à l'origine de la manière dont l'Armée rouge fut surprise par l'attaque allemande - une erreur de calcul de Staline qui aurait coûté des millions de vies et amené l'Union soviétique au bord de la défaite prétendait Kroutchev.

En réalité il n'en fut rien.

L'imminence de l'attaque allemande était absolument évidente. En revanche, ce qui surprit Staline ce fut la puissance et l'efficacité de cette attaque.

L'offensive d'Hitler était annoncée depuis des mois par le regroupement des forces allemandes aux frontières soviétiques. C'est une pure légende que d'affirmer que ses services de renseignement n’annonçaient que ce qu'il voulait entendre au dictateur soviétique, par exemple qu'Hitler avait l'intention d'envahir l'Angleterre et n'attaquerait pas l'Union Soviétique avant 1942. Dans l'ensemble ces services fournirent des rapports parfaitement objectifs et informés, basés sur des missions de reconnaissance aux frontières. Ces rapports, confirmant les sources politiques, diplomatiques et d'espionnage, indiquaient que les allemands s’apprêtaient à attaquer l'URSS à très bref délai.

Staline était en outre parfaitement conscient du fait que l'Armée Rouge souffrirait de lourdes pertes si elle n'était pas complètement mobilisée dès le moment où les allemands décideraient de l'attaquer. Ce qu'il faut bien saisir pour comprendre la situation c'est que Staline était convaincu qu'une attaque surprise n'aurait pas de conséquence décisive tant il était confiant dans la capacité de la défense soviétique à tenir sufisamment pour organiser les contre-attaques.

Le point de vue de Staline était d'autant plus plausible et compréhensible que 3 millions de soldats russes déterminés menaient la garde aux frontières solidement fortifiées de l'Union Soviétique et que la préparation soviétique était aussi massive que celle des allemands. Staline avait donc assez confiance dans ces préparatifs défensifs pour jouer la carte du retardement des hostilités avec Hitler, même si cela semblait contredit par la conscience croissante qu'il avait d'une attaque allemande imminente. Il refusait donc d'annoncer la mobilisation générale car comme il l'expliquait au général Georgy Joukov, son chef d'état major « la mobilisation signifie la guerre » , lui rappelant qu'en annonçant la mobilisation de l'armée pendant la crise de juillet le Tsar Nicolas avait précipité la guerre avec l'allemagne en 1914.

Les illusions de Staline concernant la solidité des défenses soviétiques étaient partagées par ses généraux qui furent autant consternés que lui par les succès initiaux de l’attaque allemande. Les tentatives de Joukov d’appliquer ses plans de contre-offensive après le 22 juin aggravèrent encore la situation en rendant l’avant-garde soviétique encore plus vulnérable à l’encerclement allemand. L’essentiel des pertes massives que les soviétiques eurent à subir dans les premiers mois et semaines de la guerre résultèrent de manoeuvres d’encerclement efficament conduites par les allemands, telles celles de juin 41 à Minsk et de Septembre à Kiev.

Le fait essentiel expliquant ce désastre est que l’Armée Rouge n’avait ni doctrine ni expérience pour affronter l’encerclement.

Les soldats soviétiques ne savaient pas s’il fallait se fixer et résister ou essayer de briser l’encerclement. C’est cette carence de la doctrine et de la préparation militaires qui explique la catastrophe qui s’abattit sur l’Armée Rouge en juin 1941 et non pas un quelconque effet de surprise. En réalité la faute en incombe à son état-major autant qu’à Staline mais, après sa mort, les généraux soviétiques tentèrent d’en faire porter la responsabilité à Staline pour masquer cette carence qu’ils partageaient tous.

Finalement, au prix de pertes astronomiques, l’Armée Rouge apprit à défendre non plus seulement (très) courageusement mais aussi (très) efficacement. Il reste qu’à la fin de 1941 l’Armée Rouge avait perdu 200 divisions au combat et souffert du chiffre ahurissant de 4,3 millions de pertes humaines. La force armée construite par les soviets en 10 années de mobilisation n’était pas loin d’être anéantie.

Les allemands souffrirent aussi... perdant près d’un million de soldats dès fin 1941, des pertes sans commune mesure avec celles qu’ils avaient subies en Pologne et en France. Du fait de ces pertes Barbarossa fut la première et dernière offensive stratégique multi-front en Russie. Quand la Wehrmacht reprit son offensive à l’été 1942 ce fut sur un seul axe stratégique : une campagne au sud pour tenter de se saisir des champs pétrolifères de Bakou qui fournissaient 90% de leur carburant aux soviétiques

C’est cette guerre pour le pétrole conduite par Hitler qui amena la plus formidable bataille de la deuxième guerre mondiale1 : la bataille de Stalingrad à l’automne 1942.

La défaite qu’y subit la Wehrmacht fut son point de non retour. Avec l’encerclement puis la destruction de la 6ème armée allemande à Stalingrad, l’Armée Rouge se réappropria l’initiative stratégique et à partir de là infligea défaite sur défaite aux allemands jusqu’à la prise de Berlin en mai 1945.

En ce 75e anniversaire du début de l'invasion de l'Union soviétique par les allemands, les Russes vont à nouveau rappeler au monde que l'Armée rouge, en même temps que la Russie, a débarrassé la civilisation européenne de la barbarie nazi. Certes, les Soviétiques n'ont pas gagné la guerre à eux seuls, mais avec la Grande-Bretagne, les États-Unis et d'autres alliés. Comme le dit le vieil adage, les Britanniques ont donné le temps, les Américains ont donné l'argent et les Soviétiques ont donné leur sang pour vaincre Hitler. Mais, comme le disait Churchill, c’est l'Armée Rouge qui a tordu les tripes de la monstrueuse machine de guerre d’Hitler.

Au cours de cette guerre, l'Armée rouge a détruit 600 divisions ennemies – allemandes, finnoises, roumaines, hongroises, espagnoles et italiennes. Parmi les pertes infligées à l'Axe par l’Armée Rouge, on dénombre 48.000 chars, 167.000 pièces d'artillerie et 77.000 avions. Sur les 10 millions de victimes allemandes, il y eut trois millions de soldats morts sur le front de l'Est. Au final : 75% des pertes militaires totales de l'Allemagne pendant la Deuxième Guerre mondiale.

Après la guerre, les généraux allemands survivants ont prétendu avoir été défaits par l'Armée Rouge, par ce qu’elle avait plus de troupes et de ressources et était mieux adaptée à la météo et au terrain Russe. Hitler fut aussi un bouc émissaire commode pour justifier la défaite de l'Allemagne nazie face à une nation prétendument barbare et arriérée. Ses généraux ont présenté Hitler comme un médiocre commandant en chef dont les erreurs stratégiques auraient arraché la défaite des mâchoires de la victoire. Dans la même veine, ces mêmes généraux ont passé sous silence les « bons conseils » qu'ils avaient donné à Hitler, et quand au rôle essentiel de la Wehrmacht dans l'Holocauste, ils furent encore plus oublieux.En vérité, les forces dirigées par les allemands ont perdu face à une armée qui s’avéra meilleure et supérieure : une supériorité de l’Armée Rouge en armement, stratégie et commandement.

Au premier chef , Staline fut un bien meilleur commandant qu’Hitler.
Le dictateur soviétique n'a pas cherché à dominer ses généraux. Il n'a pas toujours suivi leurs conseils, mais il a appris de leur professionnalisme militaire et s’employa avec succès à créer un haut commandement cohérent et efficace. Staline a fait autant d'erreurs que Hitler, mais il en a tiré les enseignements essentiels, comme a su le faire l'Armée Rouge dans son ensemble. Pendant la guerre, l'Armée rouge a développé une organisation d'apprentissage très efficace. L'expérience et les leçons tirés des combats et du commandement ont été assidûment collectés, analysés et diffusés. Les Soviétiques conservèrent en permanence le contrôle collectif des structures de commandement, de l'organisation de la force et de la doctrine militaire. Enfin, tandis qu’ils amélioraient continuellement leur technologie militaire, les Soviétiques surent faire bon usage des milliers de chars, d'avions et de véhicules fournis par leurs alliés occidentaux.

Certains on pu dire que la victoire soviétique sur l'Allemagne nazie était une victoire à la Pyrrhus - une victoire au coût exorbitant. Mais bien pire eut été l'alternative d'un empire nazi triomphant en Europe qui aurait détruit la démocratie occidentale, ainsi que le socialisme soviétique et accompli le projet hitlérien de génocide des Juifs d’Europe.

 

Geoffrey Roberts

Geoffrey Roberts est professeur d'histoire à l'University College de Cork, en Irlande.
Il est l'auteur de :
« Les guerres de Staline »
Publié en 2008 par Yale University Press, traduction française par Delga en 2014

et« Le général de Staline: La Vie de Georgy Joukov» (2012) non encore traduit.

Voir aussi :

l'article de geoffrey Roberts sur sur le 9 mai

 

1Probablement la plus formidable et terrifiante bataille de tous les temps...

22 juin 1941 : BARBAROSSA ! (avant l'OTAN la Wehrmacht)
Tag(s) : #russie, #histoire
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