Au moment où nous semblons être entrés dans une période de « désorientation » totale. Le concept de "transcendantal pétainiste" proposé par Alain Badiou ( dans "De quoi Sarkozy est-il le nom ?") semble assez homogène à la "mise en perspective" qu'Annie Lacroix-Riz va nous proposer demain (jeudi 26 novembre : à 19h30) des "Minutes du procès Pétain".
Je rappelle brièvement la définition proposée par Alain Badiou de ce concept heuristique, bien utile pour comprendre les évolutions historiques qui déterminent le champ social et politique français depuis pas mal de temps, et singulièrement "ces temps-ci" :
« pétainiste est le transcendantal, en France, des formes étatisées et catastrophiques de la désorientation ». Selon Badiou ce transcendantal s'exprime cycliquement en France, quand les circonstances s'y prêtent. Ces circonstances, je cite encore A.Badiou, se caractérisent par une situation où « Nous avons une désorientation majeure, elle se présente comme un tournant dans la situation, elle est solennellement active à la tête de l'état. ».
Cette désorientation est suscitée par des bouleversement catastrophiques dans les rapports sociaux, mais c'est leur prise en compte dans la réponse politique qui nous intéressera. Sarkozy a inauguré la séquence pétainiste que nous vivons actuellement : la défaite de sarkozy, principalement due au fait qu'il avait déçu les attentes de sa chalandise, puis la désignation de Valls comme premier ministre, tout ça marque simplement des itérations, des répétitions de la même réaction politique à une même forme de désorientation.
Lorsque face à une situation menaçante, voire catastrophique, on a perdu tous les repères idéologiques permettant de « s'orienter », on s'en remet à ceux qui annoncent qu'ils vont « faire le job », même si c'est un « sale boulot » ... Jusqu'aux années 70 on a encore une sorte de clarté idéologique : la droite est bien la droite (avec Giscard), et le programme commun est le dernier programme revendiqué « de gauche », et plausible comme tel. Puis, par étapes successives ( Mitterand : « changer la vie », Chirac, « la fracture sociale », Sarkozy : « le gagnant-gagnant décomplexé », Hollande : « le changement permanent», Macron : « les autobus libéraux de la croissance de gauche» et tout dernièrement le "charlisme"), nous sommes arrivés au stade de désorientation idéologique actuel, où « Rome n'est plus dans Rome »... où les autobus Macron peinent à faire de chaque jeune chomiste un milliardaire en puissance et où Michel Enflé lui-même ne sait plus trop dans quel sens retourner sa veste tant «tout va trop vite» et surtout... de plus en plus mal.
Comme chacun peut désormais le constater, à son stade actuel, la confusion qui s'est répandue dans la classe politique se caractérise par un gouvernement de gauche appliquant une politique encore plus libérale que la droite. Une droite que pourtant, il y a peu, la gauche jugeait la plus cynique et « décomplexée » qu'on ait jamais vue. Il est clair que dans un tel contexte de « désorientation totale », où la gauche « de gouvernement » applique une politique explicitement de droite et d'injustice sociale caractérisée, il devient quasi « normal », au moins dans l'ordre de la représentation (qui est celui de l'idéologie), que l'extrême droite en arrive se revendiquer comme inversement porteuse de la justice sociale et puisse envisager de rallier sur cette base, de plus en plus de suffrages "populaires". Évidemment cette perte totale de repères et de références provoque un déni de réalité, un refoulement généralisé, de la part de la « superstructure » : l'appareil bureaucratique, aussi bien que les corps intermédiaires. C'est pourquoi cette "mise en perspective" par Annie Lacroix-Riz sera aussi opportune que précieusement instructive.