Gaza et nous ?

      Pour bien comprendre de quoi Gaza est le nom, et donc pourquoi aussi bien Ruffin que Mélenchon, Macron, Darmanin, Le Pen et Cie, comme d'habitude, ne font que promouvoir leurs égos respectifs en nous débitant, chacun dans sa tonalité propre, les mêmes platitudes et balivernes ignorantes, sur le ton et dans le registre qui complaisent à leurs publics respectifs,

il faut donc s'adresser à des personnalités totalement extérieures à notre landernau d'exception culturelle franchouillarde.

      Des gens qui savent de quoi ils parlent.

      Des gens comme Norman Finkelstein par exemple ...


 

   C'est pourquoi, pour illustrer la "brève" que vient de nous transmettre Jean-Pierre Garnier et l'article que nous a proposé Bruno Guigue il y a quelques jours (voir ci-dessous), et dans les circonstances présentes, il nous a paru opportun de "remasteriser" au format Youtube, une video restituant une rencontre qui rassembla pas mal de monde, au mois d'août 2014 et qui illustre désormais l'adage de Marx selon lequel ...

l'Histoire ne se répète pas mais semble parfois bégayer .


 

Ruffin sur le front israélo-palestinien :
un insoumis mou du genou.

 

Par Jean-Pierre Garnier

 

Alors qu’il n’était encore que le rédacteur en chef du journal Fakir qu’il avait fondé, François Ruffin m’avait avoué qu’il ne connaissait rien en politique internationale, et que seule la lecture du Monde diplomatique servait à pallier son ignorance. Pour consolider son statut…et sa stature de présidentiable virtuel pour l’élection de 2027, il lui faut néanmoins donner maintenant son avis, en tant que futur chef éventuel de l’État, sur les évènements marquants de la scène internationale. Ce qui l’a conduit, comme il fallait s’y attendre, à emboîter le pas aux propagandistes de l‘impérialisme occidental. À propos de la guerre en Ukraine, d’abord, condamnant «l’agression russe », à l’unisson avec le complexe euro-atlantiste, puis des sanglantes représailles générées aux alentours de la bande de Gaza par l’interminable occupation, de plus en plus violente, de la Palestine par les sionistes.

Ainsi, une semaine après le déclenchement des opérations menées par le Hamas, Ruffin s’empressait de livrer ses impressions dans un entretien au Monde. «Notre parole n’est pas à la hauteur de la gravité des événements» en Israël, clamait-il à l’intention du leader de la France insoumise et ses partisans, jugés trop mous dans leurs appréciations, appelant la gauche à «mettre des mots forts» sur les crimes commis par les résistants palestiniens contre la population israélienne. D’où une condamnation «sans réserve» des «actes horribles» du Hamas, «organisation fanatique, terroriste», sous les applaudissements des journaleux les plus alignés. «Ruffin prend ses distances avec la ligne de la France Insoumise», il «tient une position dissonante de son camp sur Israël et le Hamas, qu'il qualifie d'organisation "terroriste"», annonçait par exemple triomphalement, BFM-TV, la chaîne la plus inféodée du paysage audiovisuel français, dont Ruffin est l’un des invités les plus prisés. Le Figaro n’était pas en reste de louanges au député picard qui «condamne sans réserve les actes du Hamas (qui) a commis des abominations», n’hésitant pas à le qualifier d’«organisation fanatique, terroriste, qui a toujours été l'adversaire des progressistes au Proche-Orient, hostile à tout compromis de paix, qui veut la fin de l'État d'Israël.» «Sur le terrorisme du Hamas, les mots justes de Ruffin plutôt que les fautes de Mélenchon et Panot», se félicitait en écho Libération, le quotidien du milliardaire sioniste Patrick Drahi. On pourrait facilement multiplier les commentaires laudateurs des médias dominants sur les propos de Ruffin.

Reconnaissons tout de même à celui-ci une relative lucidité quand, sans doute influencé par ses amis du Monde diplomatique, il fait preuve d’une certaine sévérité à l’encontre du pouvoir israélien, admettant qu’«avoir fait de Gaza une prison à ciel ouvert, sans espoir pour la jeunesse, a nourri le pire.» Sans compter, en plus, le risque d’une «importation d’un conflit» qui est « aussi une affaire intérieure, de paix civile». À cet égard, le souvenir de la série d’émeutes auxquelles le meurtre d’un jeune d’origine arabe tué à Nanterre par un policier a servi de prétexte au début de l’été dernier est loin d’être effacé. Bref, une chose est de «s’associer aux victimes et à la société israélienne»; une autre est un «soutien aveugle au gouvernement israélien». Car, pour quelqu’un rêvant de trôner à l’Élysée, parler du conflit, «c'est comme avoir une allumette près d'un baril, on doit faire très attention à nos expressions.»

En clair,  Ruffin, tout en se faisant à son tour le perroquet des défenseurs attirés des soi-disant «valeurs occidentales» et de l’ordre établi qu’elles servent à légitimer sait qu’il doit le faire avec une certaine modération.

 

Jean-Pierre Garnier

 

COUP D’ÉCLAT STRATÉGIQUE
EN PALESTINE

Par Bruno Guigue
 

      En attaquant Israël avec une audace inouïe, le mouvement national palestinien vient de franchir un cap historique. Les faits sont là, impensables hier et pourtant incontestables aujourd’hui : c’est la première fois que les combattants palestiniens mènent une offensive de cette ampleur en territoire ennemi, et la première fois qu’ils parviennent à capturer des dizaines de ressortissants israéliens.

      Jusqu’à présent, l’interminable combat des Palestiniens prenait deux formes. C’était soit l’insurrection populaire, où les manifestants se sacrifiaient sans espoir de vaincre mais pour témoigner de la résistance du peuple palestinien. Soit la stratégie du bastion, la résistance mettant à profit ses modestes capacités balistiques pour défier Israël et faisant le dos rond sous les bombes grâce à la densité urbaine du réduit gazaoui.

      Le 7 octobre, de manière spectaculaire, le théâtre des opérations principal a été projeté en territoire israélien. L’initiative stratégique est passée du côté des mouvements armés palestiniens, ce qui constitue en soi un événement de portée historique. Bien sûr, rien n'est acquis, et les forces palestiniennes vont sans doute se replier devant la supériorité matérielle de l’ennemi, l’hypothèse d’un puissant assaut contre Gaza ne pouvant être écartée.

      Il n’empêche que la présence de nombreux otages israéliens modifie les données de l’équation militaire. En promettant «la destruction du Hamas», Netanyahou a placé la barre très haut. En réalité, il est condamné à réitérer ce qu’il a déjà fait tant et tant de fois, c’est-à-dire écraser Gaza sous un déluge de bombes. Les pertes civiles palestiniennes seront sans doute énormes, mais on va vite se demander pour quel résultat militaire, et surtout pour quel bénéfice politique.

      S’il ordonne une offensive terrestre massive contre le bastion gazaoui, le gouvernement israélien court le risque, en effet, de se retrouver dans une situation pire qu’en 2014. Car il va devoir affronter une résistance aguerrie, galvanisée par son coup d’éclat du 7 octobre, et qui détient pour la première fois la fantastique monnaie d’échange que constituent des dizaines d’otages.

      L’humiliation subie par l’armée israélienne se double donc, du côté de la résistance, d’une véritable victoire stratégique. En déplaçant le centre de gravité du conflit sur le sol israélien, le Hamas a fait voler en éclats le mythe sécuritaire cher à Netanyahou tout en ramenant le conflit à sa véritable dimension. Tel Aviv a beau voir dans le Neguev la propriété inviolable de l’État d’Israël, les mouvements palestiniens, en occupant à leur tour les colonies, viennent de lui rappeler que ce territoire fait partie de la Palestine occupée.

      Outre cette victoire stratégique, le deuxième aspect des événements en cours réside dans leur résonance régionale et internationale. De ce point de vue, le coup d’éclat du 7 octobre est comme l’écho lointain, sur un autre théâtre d’opérations, de la guerre perdue d’Israël contre la résistance libanaise.

      En 2006, le Hezbollah avait fait la démonstration que les troupes sionistes pouvaient subir la défaite lorsqu’elles passaient à l’attaque sur le sol libanais. De son côté, la résistance palestinienne vient de montrer que ces troupes peuvent subir une correction lorsqu’elles sont en position défensive sur un territoire qu’Israël considère comme le sien parce qu’il l’occupe depuis 1948.
Cumulant leurs effets, ces deux événements ont pulvérisé le mythe de l’invincibilité israélienne. Une fois de plus, l'état-major israélien a fait les frais d’une guerre asymétrique entre armée conventionnelle et résistance populaire à laquelle il ne comprend goutte.

      Le conflit actuel, naturellement, entre en résonance avec les mutations géopolitiques en cours. L’obstination des États-Unis et de leurs satellites européens à mener une guerre absurde contre la Russie a offert une fenêtre de tir à la résistance palestinienne. Au moment où Washington est empêtré dans un conflit par procuration qu’il a orchestré sans en mesurer les conséquences, l’offensive inattendue de la résistance en territoire israélien souligne la fragilité de l’État-colon et déstabilise l’axe impérialiste.

      Les alliés des Palestiniens, de leur côté, leur ont fourni des assurances et procuré des moyens qui ont rendu possible cette initiative spectaculaire. Ce n’est pas un hasard si l’Iran a immédiatement salué l’opération-surprise du 7 octobre. Base arrière de l’Axe de la Résistance, la République islamique est engagée dans un bras de fer de longue durée avec les Occidentaux. Les menaces israéliennes contre son territoire et les bombardements qui frappent la Syrie entretiennent un conflit dont Téhéran pense qu’il mûrira inexorablement, au gré de l’évolution du rapport de forces, jusqu’à la victoire finale.

      Or les capacités militaires de l’Iran, notamment ses capacités balistiques, le rendent aujourd’hui capable d’exercer une dissuasion conventionnelle qui inhibe les velléités agressives de l'adversaire. S’il est ridicule d’imputer les initiatives de la résistance arabe à un soi-disant chef d’orchestre iranien, il est évident que le soutien politique et militaire de Téhéran fait partie de l’équation, au même titre que la réconciliation du Hamas avec la Syrie, toujours confrontée, de son côté, à l’agressivité israélienne et au blocus occidental.

      «Soutien total», «ferme condamnation», «nous sommes au côté d’Israël» : quand les Occidentaux se mettent à chanter cette chanson à l’unisson, c’est qu’on a touché à la vache sacrée. La sensibilité à géométrie variable de l’homme occidental n’est un mystère pour personne. Ce n’est pas la première fois que l’indignation sélective des pleureuses sur commande est réservée aux victimes israéliennes. De leur côté, les civils palestiniens froidement abattus sont de mesure nulle, simples dommages collatéraux imputables à la défense de «la seule démocratie du Moyen-Orient».

      Une fois de plus, l’hypocrisie monumentale du «monde libre» se déverse dans les médias aux ordres, ces relais serviles d’une propagande délétère. Les victimes palestiniennes, en réalité, sont les victimes sans visage de la sauvagerie de l’occupant, mais aussi de cette bassesse occidentale qui couvre le crime colonial des oripeaux de la démocratie.

      Mais peu importe. Le mensonge collectif a beau atteindre des niveaux stratosphériques, il n’a aucun effet sur le rapport des forces. Le Sud global n’est pas dupe des artifices d’une rhétorique dont il fait les frais depuis des lustres. Et les Palestiniens n’attendent plus rien des Européens, car ils savent que ce sont des canards sans tête.

      Comme tous les mouvements de libération nationale, la résistance à l’occupant devra compter sur ses propres forces, et l’événement en cours fait la démonstration qu’elle n’en manque pas. D’autant qu’elle pourra aussi compter sur ses alliés, confortés jour après jour par le déclin d’un Occident qui se croyait maître du monde et qui voit s’effriter une domination mortifère, vouée à finir dans les poubelles de l’histoire.

      Bruno Guigue

Tag(s) : #gaza, #palestine, #Norman Finkelstein, #Jean-Pierre Garnier, #Bruno Guigue
Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :