Le dim. 21 mai 2023 à 15:10, Alain Badiou a écrit :
Cher camarade,
Je te joins une version un peu revue de mon séminaire de lundi dernier. Elle complète ta généalogie spéculative via Descartes et Hegel, sans pour autant renier son impact, par une "ouverture" bien plus lointaine, dont tu sais que je me réclame, à savoir Platon.
C'est aussi, bien sûr, un tardif plaidoyer pro domo de quelqu'un, moi, qui a démarré dans Sartre, lequel annulait Platon et détestait les mathématiques -- alors que Platon, oui, et aussi, certes, Descartes, n'ont pu construire leur édifice spéculatif qu'à l'aide des mathématiques.
Voilà. Tu fais de ce texte ce que tu veux !
Amitiés communistes, Étant entendu platonistiquement que le communisme est une Idée !
Alain Badiou
Alain Badiou
Séminaire du 15 mai 2023
Qu’est-ce qu’une Idée ? De Platon au marxisme
Mon point de départ, aujourd’hui, est une critique qui m’a souvent été faite, quand je disais que le communisme est une Idée, peut-être même un « Idée » avec un I majuscule. Et qu’un communiste doit être quelqu’un qui travaille sous la norme et l’enseignement que détient ou synthétise cette Idée.
De nombreux marxistes ont considéré que cette formule était à l’évidence idéaliste, contredisant ainsi absolument la définition militante du marxisme comme étant un « matérialisme dialectique ».
Cette critique en a véhiculé mécaniquement une autre. Quiconque a fait un peu d’histoire de la philosophie sait que le grand penseur qui introduit et déploie le premier une théorie des Idées est évidemment Platon. Or, une tradition du marxisme officiel est de rejeter Platon comme le paradigme originel de l’idéalisme. Le communisme académique, qui sévit souvent dans les Partis, stigmatise le platonisme comme ouvrant en philosophie le courant idéaliste, lequel est invariablement réactionnaire. Dans les origines gréco-latines de la philosophie, le communisme dominant a toujours déclaré préférer au réactionnaire idéalisme de Platon, bien sûr le matérialisme poétique de Lucrèce, mais même ce qu’il y a de réaliste dans les propositions d’Aristote.
Moi, je dis ceci : Ce que ces interprétations négatives de Platon, n’ont en général pas exploré jusqu’au bout, c’est que l’Idée – ce mot qui, chez Platon, est la clef de toute l’activité intellectuelle – avait, de façon en quelque sorte nécessaire, un sens ambigu, et restait extraordinairement difficile à comprendre. Je soutiens que ceux qui, au nom du mot « idée », déclarent que Platon est « idéaliste », s’égarent dans le labyrinthe de l’Idée, avec un grand i. Un certain gauchisme intellectuel considère l’Idée, au sens de Platon, comme le plus important concept précisément « idéaliste », concept dont le matérialisme doit absolument se passer. Quand, par contre, des penseurs de droite tentent de s’approprier positivement Platon de façon réellement idéaliste, donc réellement droitière, ils font de l’Idée une sorte de discipline moralisante, qui nous protège de tous les excès créateurs de la pensée, notamment les « excès » révolutionnaires
Ainsi, dans l’histoire académico-politique de la philosophie, l’Idée platonicienne est restée suspendue entre une attaque gauchiste et une défense droitière. C’est même ça qui en a fait un ennemi à peu près consensuel des grandes pensées du XXe siècle : aussi bien la philosophie analytique des Universités américaines que la dialectique figée des partis communistes officiels se sont déclarées anti-platoniciennes.
Pour ma part, je soutiens que l’Idée, au sens de Platon, c’est qu’il existe une capacité pensante créatrice de formes, qui n’est donc nullement in-forme, c’est-à-dire qui ne consiste pas à se confier purement et simplement à la spontanéité « matérialiste » de l’intuition sensible, et qui n’est pas non plus la domestication « idéaliste » de cette spontanéité par un surplomb moralisant.
Je proposerais de dire que par « Idée » il faut entendre un ordre possible, une forme possible, neuve et imprévue, pour ce qui, de façon immédiate, est advenu en effet, au départ, comme une nouveauté choquante, innommable, et située au-delà du bien et du mal tels qu’ils sont conçus à un moment de la vie intellectuelle collective.
On pourrait ici prendre des exemples, dans la création artistique, qui dès qu’il est question de « forme » est le guide le plus assuré. Si par exemple vous êtes, comme à la fin du XIXe siècle en Occident, dans un tournant de l’histoire de la musique, vous pouvez soit proposer directement un nouveau schème formel, à l’intérieur duquel les possibilités novatrices vont se déployer (par exemple un système non tonal, dodécaphoniste, comme fait Schönberg), soit vous tenir dans une vacillation interne de l’ordre formel ancien, vacillation qui est telle que celui-ci fonctionne comme la possibilité d’une nouvelle forme, sans encore esquisser réellement le schéma de cette forme. L’Idée au sens de Platon, c’est les deux à la fois : la proposition d’une nouvelle forme, et la vacillation créatrice de l’ancienne forme.
Pourquoi est-ce si important pour nous, aujourd’hui, de clarifier ce point ? Eh bien, je dirais volontiers, me tournant cette fois vers les questions historico-politiques, qu’une des manières de définir le monde contemporain, disons depuis les années quatre-vingt du vingtième siècle, c’est de dire qu’il est pratiquement sans Idée. Sans Idée politique, au sens que prend « Idée » chez Platon.
De la révolution française à nos jours, la politique se déployait sur l’horizon de l’existence d’une Idée, au sens précisément de l’ouverture d’une possibilité : la possibilité d’une forme radicalement nouvelle. On pouvait certes tout aussi bien être radicalement hostile à cette nouveauté, c’était le conservatisme ou la réaction. Mais tout ce qui était du côté du principe de mouvement, se situait dans l’horizon d’une Idée. Et « Idée » était compris par tous comme la possibilité d’une forme, créée dans la violence et le caractère scandaleux de la pensée comme telle, en tant que capacité de création et de rupture. L’Idée en effet n’est pas forcément une configuration stabilisée précise, programmatique, c’est quelque chose de beaucoup plus vaste, qui porte la conviction d’une forme sans précédent.
Quand je dis que le monde est aujourd’hui sans Idée, c’est au sens de cette ampleur, aujourd’hui ramenée à rien, dans le culte indéfiniment détaillé de ce qui existe déjà. On le voit à toute une série de symptômes, comme l’installation dans la banalité équivoque des vocables. Pratiquement tous les mots qui touchent à la politique sont aujourd’hui dans une banalité équivoque, qui ne leur accorde en réalité aucune intensité. Que vous preniez « démocratie », ou « élections », ou encore la liste des noms de personnalités présidentielles ou ministérielles, bref tout ce qui fait le quotidien de la discursivité politique, de son perpétuel journalisme, on voit bien que ce n’est qu’un tas de vocables définitivement équivoques, voire insensés, qui sont malgré tout utilisés, dans tout ce qui tient lieu d’information, par des gens extrêmement peu recommandables, de façon simultanée et convergente, c’est-à-dire sans discussion véritable de la divergence de leur ambiguïté native et du très peu de sens qu’ils charrient.
Cette banalité équivoque des vocables est un signe très important, qui rend le langage lui-même tout à fait périlleux. Les vocables « politiques » sont aujourd’hui des nominations banalisées plus usées que de vieilles chaussures, des nominations aussi vaines que faciles, puisqu’en définitive leur sens, leur capacité de nommer effectivement une forme politique active, est perdu.
Pour la propagande et la presse dominants, rien là de scandaleux, puisque c’est installé en politique comme l’opinion dominante. Rien d’immoral non plus, puisque c’est au contraire soumis à un culte totalement vide de la morale, de la piété, de la pitié, des élections, de la compassion, d’un respect proclamé et sourcilleux des femmes et de la déesse Nature, bref de la « démocratie », tous vocables dont la rhétorique dominante autorise qu’ils fassent l’économie de toute Idée reliée au réel.
Ce sont là les symptômes du fait que le monde de la politique d’Etat, de la politique dominante en général, est aujourd’hui réellement sans Idée. C’est là une exigence du cours contemporain des choses. Et ce qui nous est universellement demandé, c’est d’obéir à l’impératif de conformité à cet état de choses, qui est l’impératif « vis sans Idée ». C’est ce qu’une amie propose d’appeler « le vocabulaire de l’intégration », car être intégré à l’ordre du monde sans Idée, c’est effectivement faire que, dans sa pensée comme dans ses actes, on obéit à cet impératif. Il faut bien voir que la tentative terroriste étatique d’abraser tout ce qui ressemble de près ou de loin à une Idée est la raison d’être profonde de l’universalité des politiques sécuritaires. L’ennemi de la sécurité c’est l’Idée. Parce que c’est elle, l’Idée, qui en dernier ressort, de façon active, affirmative et créatrice, est, au regard de l’in-forme monde dominant, innommable, dangereuse, scandaleuse et immorale.
C’est la raison pour laquelle Platon est important pour nous aujourd’hui : tout simplement parce qu’il a été l’homme de l’Idée. Et il faut travailler à la résurrection de l’Idée, sur le fond inévitable d’une certaine violence de la pensée. C’est pour ça que toute expérience de rupture, toute proposition d’apparence scandaleuse, tout vocabulaire (« communisme », « égalité », « prolétaires », « internationalisme », « classe ouvrière », « colonialisme », « bourgeoisie », « Capital », j’en passe, et des meilleurs), en somme tout ce qui est tenu par ce qui nous domine pour vieillot, absurde et dangereux, eh bien, tout cela doit aussitôt être tenu pour intéressant, au sens strict : appelant notre intérêt. N’est en effet intéressant aujourd’hui que ce qui, étant tenu pour innommable, scandaleux, obsolète, totalitaire, vieillot et immoral, se révèlera, peut-être, en puissance d’une Idée.
Encore une fois je ne dis pas ici que ce soit forcément bien. D’où sinon tirerai-je mon « bien » ? Je ne vais pas non plus me réinstaller immédiatement dans un formatage du bien et du mal pour me mettre en surplomb de ces expériences et langages disqualifiés par l’impératif « vis sans Idée ». Non ! Il faut aller voir. Et surtout il ne faut croire personne. Il faut aller voir soi-même dans cet ordre de choses, d’expériences et de langages, parce que c’est sur ce fond que nous pouvons attendre ou construire la résurrection de l’Idée. La part philosophique, conceptuelle de la chose est tout à fait importante, mais elle est en même temps sans médiation réelle effective, alors que les expériences particulières, qui sont à leur manière dans le registre de l’exception ou du scandale, participent véritablement de cette possible résurrection de l’Idée.
Il y a comme ça des moments historiques où l’Idée est malade et où sa résurrection se fait par le biais d’expériences lacunaires démembrées, opaques souvent. Même dans la séquence précédente où l’Idée politique émancipatrice installée en réalité dès le XVIIIe siècle, était l’horizon général, non seulement des politiques, mais des inventions artistiques et des nouvelles expériences amoureuses et sexuelles, même à cette époque il y avait des temps morts. Des temps sans Idée. Celui, par exemple, qui a succédé en France à l’écrasement de la Commune de Paris, et qui s’est déployé jusqu’à la guerre de 14/18. Cela explique qu’à cette période il y ait eu des travaux considérables du côté précisément de la refonte artistique : il y a eu Mallarmé, il y a eu le symbolisme, il y a eu la nouvelle peinture, il y a eu ce qui a mené à la nouvelle création musicale et, petit à petit, dans ce creuset, il y a eu une renaissance progressive de l’Idée politique, qui a surplombé ensuite, à partir de la Révolution bolchevique, une grande partie du XXe siècle.
Nous ne sommes donc pas, aujourd’hui, dans une période sans précédent, et nous pouvons donner comme mot d’ordre à cette période : Résurrection créatrice d’une Idée. Cela évidemment nous engage, philosophiquement, à nous demander ce que c’est que l’Idée. Et se poser cette question, c’est aussi savoir, puisque nous sommes dans le désir de sa résurrection, si nous avons une Idée de l’Idée.
La difficulté vient de ce que Platon lui-même semble dire qu’en toute rigueur, il n’y a pas d’Idée de l’Idée. L’Idée est précisément en partie définissable comme ce dont il n’y a pas d’idée. C’est l’un des sens du texte peut-être le plus commenté et le plus central de toute La République, le texte sur l’Idée du Bien. Mais « Idée du Bien », dans le passage en question, est une traduction erronée puisque l’Idée du Bien n’y figure pas. En réalité ce passage traite plutôt de quelque chose comme le principe idéal lui-même, c’est-à-dire de l’Idée comme principe. Et là Platon indique tout de suite la difficulté fondamentale qui est que, pour autant que quelque chose comme une Idée, au sens plein du terme, existe, elle va précisément se manifester par ceci qu’il n’y en a pas d’idée. Ainsi l’Idée comme telle ne peut pas tomber directement dans le champ qu’elle prescrit, et pourtant, à un autre niveau, il va y avoir une torsion, quelque chose va entrer dans l’ordre dont elle se soutient. Voici ce passage, dans ma traduction.
Ce n’est qu’autant qu’il est en vérité que le connaissable peut être dit connu dans son être. Mais c’est aussi à la vérité qu’il doit non seulement d’être connu dans son être, mais son être-connu lui-même, soit ce qui, de son être, n’est que d’être exposé à la pensée. La vérité elle-même cependant n’est pas dans l’ordre de ce qui s’expose à la pensée car elle est la relève de cet ordre, se voyant ainsi conférer une fonction hiérarchiquement supérieure selon l’antériorité comme selon la puissance.
Ce n’est qu’autant qu’il est en vérité que le connaissable peut être dit connu dans son être. Dans « être en vérité », on peut entendre le « en » y compris comme une clause d’immanence : ce n’est pas simplement « être vrai », mais « être dans la vérité ». L’idée c’est que ce qu’on déclare « connaissable » ne peut être connu réellement « dans son être » (pas dans son phénomène ou dans son apparaître) que pour autant qu’il est « en vérité ». Ce n’est pas parce qu’il est connu dans son être qu’il y a vérité le concernant, c’est à l’inverse parce qu’il est « en vérité » qu’il peut être connu dans son être. La distinction est essentielle : l’être en vérité est en position d’antériorité au regard du fait qu’on peut dire que la chose est connue dans son réel, dans son être. Mais c’est aussi à la vérité que le connaissable doit, non seulement d’être connu dans son être, mais son être connu lui-même, soit ce qui, de son être, n’est que d’être exposé à la pensée.
Le passage cité de Platon nous dit ceci : ce qui est connaissable vient à être connu, c’est-à-dire vient à être déterminé dans son être, donc connu dans sa disposition réelle, pour autant que cet être, qui est finalement connu, est un être-en-vérité. L’incorporation à une vérité est donc primordiale au regard du fait qu’on peut dire qu’une chose est connue.
Si j’insiste sur ce point c’est que, ordinairement, « vérité », désigne un résultat : vous avez le connaître et, parce que la chose est connue, alors votre connaître est vrai. Là évidemment nous sommes dans un renversement -- largement repris, du reste, par Heidegger, pour le coup platonicien sans le savoir -- qui est de dire que c’est au contraire parce que l’être connaissable s’expose en vérité qu’on peut le dire connu. Par conséquent, une vérité n’est pas le résultat de la connaissance, c’est la connaissance qui est le résultat d’une immanence à cette vérité.
Dans mon interprétation cela exige que la vérité soit un processus, sinon on ne comprend pas ce que voudrait dire « en vérité ». Du coup, si vous pensez que la vérité est un processus, c’est-à-dire une construction qui se fait en situation dans un monde déterminé, alors vous pouvez très bien savoir ce que veut dire « en vérité ». Ça veut dire que la chose est convoquée dans le processus de construction de la vérité elle-même et que, à ce titre, elle peut être dite réellement, en un sens quasi ontologique, « en vérité ». Le fait qu’elle soit dite connue est ainsi le résultat de cette coappartenance à la vérité, non pas l’inverse.
Mais Platon va plus loin : il va dire que dans ce cas c’est aussi à cet être en vérité qu’il faut attribuer, non pas seulement le fait d’être connu dans son être, mais « l’être-connu » lui-même. Ça, c’est un tout petit peu plus mystérieux. La thèse c’est que le connaissable (c’est-à-dire n’importe quoi) n’advient à être connu dans son être que, certes, s’il est disposé dans la vérité. Mais attention ! S’il est disposé dans la vérité, alors son être lui-même est affecté par cette disposition. Autrement dit, le fait de s’incorporer au processus d’une vérité n’est pas seulement le fait de pouvoir être connu dans son être, c’est l’avènement d’un être-connu spécial, spécifique, singulier, qui en quelque sorte est un déplacement du connaissable au regard de lui-même.
Cela revient à dire que ce qui est connu va construire l’être-connu du connaissable, pour autant qu’il y a vérité, et que cet être-connu du connaissable procède de la vérité. C’est par l’être-connu du connaissable possiblement immanent au vrai que ce connaissable peut être dit « connu ».
En réalité, ce que Platon nous raconte ici n’est pas si compliqué que ça en a l’air. Il cherche à nous expliquer que le connaissable, c’est-à-dire n’importe quoi, une chose quelconque, doit obligatoirement être co-présente au processus singulier d’une vérité pour qu’on puisse dire qu’on la connaît. Mais le processus singulier d’une vérité repose sur l’être-connu de la chose en tant qu’il est constitutif de la vérité elle-même. Et par conséquent on peut dire que la vérité, non seulement fait qu’on connaît le connaissable, mais qu’elle constitue également l’être-connu du connaissable.
Ce qui est important c’est que ça prépare le fait que « vérité » est une catégorie qui n’est, ni subjective, ni objective. Ce qui signifie naturellement que la chose n’est connue que si elle est en vérité, mais que le « être-en-vérité » n’est nullement quelque chose qui serait du côté d’un sujet connaissant et qu’il n’est pas non plus réductible à la chose elle-même. Il y a ainsi un être-connu qui est en suspens entre l’objectif et le subjectif. De telle sorte que vous n’avez pas du tout la disposition selon laquelle il y a un sujet connaissant, un objet connu, avec la vérité comme résultat, ce qui est la philosophie portative normale quand on parle de vérité. Platon essaie de nous dire quelque chose de tout à fait autre, à savoir qu’une vérité est un processus singulier qui rend possible le connaître, et qui, pour ce faire, incorpore le connaissable à la possibilité d’être connu dans le processus de vérité. Qui plus est, cette incorporation est réelle, au sens où advient un être-connu de l’être, de l’objet considéré, être-connu qui lui-même ne se laisse penser et interpréter que comme immanence au processus de vérité.
Cela concerne ce que va dire Platon ensuite, qui est que cet « être-connu » est ce qui, de son être, n’est que d’être exposé à la pensée. C’est donc un prélèvement sur son être, ce n’est pas indépendant de son être, ni arraché à son être, ni non plus en surplomb sur son être. Au contraire, c’est pris à son être, mais en tant simplement que c’est cette part de son être qui, dans le processus de vérité, est exposée à la pensée. L’exposition à la pensée est en conséquence une incorporation véritable qui constitue l’être-connu dans le registre du vrai, en même temps naturellement qu’elle constitue la possibilité de l’être-connu, soit le fait que la chose est connue dans son être. Comme vous pouvez le constater, « connu dans son être » et « être-connu » sont articulés mais ne sont pas identiques. Et une vérité c’est la procédure par laquelle, d’une part la chose advient à être connue, mais d’autre part n’advient à être connue que par son « être-connu », c’est-à-dire parce que son exposition immanente à la pensée est dépliée dans l’espace de la vérité.
Voilà tout ce que signifie, si je peux dire « activement » la fameuse « Idée » au sens de Platon. L’Idée est ce qui détient et soutient l’être-connu d’une chose quelconque telle qu’il advient à cette chose dans l’espace d’une vérité.
En ce sens, nous verrons pourquoi, la prochaine fois, et ce sera la conclusion de toute cette année, il est nécessaire de considérer ceci : au regard de la désorientation contemporaine comme vérité de notre temps, le Communisme est l’unique Idée politique disponible.