Un cinquantenaire vu par un septuagénaire
Sauf à verser dans la dichotomie classique, non seulement infra-théorique et infra-politique, mais même, dirais-je, infra-intellectuelle « vieux cons »/« jeunes cons », le clivage générationnel n’est pas qu’une simple vue de l’esprit, de l’esprit « réac », bien entendu. Il désigne l’influence des conditions socio-historiques et des contextes politiques sur les idées, les mentalités et les comportements, influence qui se traduit par des différenciations sur ces trois plans en fonction de la période considérée.
Il se trouve que, pour ma part, j’ai eu maintes fois l’occasion d’en discuter en France et aussi en Espagne avec des amis universitaires, militants ou non, aussi bien vieux que jeunes. Or, à chaque fois, je me suis aperçu qu’il existait un rapport entre socialisation politique et divergences idéologiques. Bien entendu, je n’oublie pas le clivage de classe, mais comme nous appartenons tous à la même, à savoir la petite bourgeoisie intellectuelle, il n’interviendra pas dans ce qui suit.
Le clivage générationnel est beaucoup plus marqué en Espagne qu’en France du fait du franquisme. Il y a encore là-bas des gens — je ne parle que de ceux situés à gauche — qui ont vécu sous ce régime, et leur rapport à la politique, à la pensée critique et à son rôle pratique s’en ressent. Outre la censure, les universitaires progressistes — pour ne parler que de cette fraction de la PBI — de la vieille génération, toutes tendances confondues (sociaux-démocrates, communistes, anarchistes), ont vécu la surveillance généralisée, et nombre d’entre eux la répression policière, avec tabassages et emprisonnements à la clef. Or, la nouvelle vague « de gauche » espagnole, celle qui a participé au « mouvement des places » (M-15) en 2011 avant de se reconnaître dans le parti qui en est issu (Podemos), n’a connu que la « transition démocratique », pour les plus âgés, suivie d’une « alternance » sans alternative comme en France pour les plus jeunes. Sur le plan politico-idéologique, elle est principalement anti-néolibérale et non anticapitaliste, même si la critique académique du capitalisme, « radicale » ou non, fait partie de son bagage théorique. Son horizon, c’est « le commun » pas le communisme (libertaire ou non), cher, de ce côté-ci des Pyrénées, à Jérôme Baschet, au duo Dardot-Laval et autres sociologues ou politologues post-marxistes édités par La Découverte ou La Fabrique ainsi qu’aux militants « alternatifs » ou/et « libertaires ». Tous ont fait leurs « adieux au capitalisme », mais plutôt, en réalité, aux luttes anticapitalistes dignes de ce nom.
Pour en revenir à la socialisation politique de ma génération, de ce côté-ci des Pyrénées, en laissant de côté la variable familiale — un père anar qui m’a politisé bien avant l’adolescence —, ce qui a été le plus déterminant pour moi comme pour beaucoup d’autres, fut le contexte politique des années 50-60, à l’échelle nationale et internationale : guerres de décolonisation, en Algérie, en particulier, coup d’État gaulliste en 1958 et avènement d’une Ve république encore moins « démocratique » que la précédente au service direct du « capital monopoliste », révolution cubaine et développement de mouvements révolutionnaires et instauration de dictatures militaires en Amérique latine, guerre impérialiste étasunienne au Vietnam, massacre en 1965 d’un demi-million de communistes indonésiens ou supposés tels, occupation de territoires palestiniens par l’État sioniste en 1967, révolution dite des œillets — un coup d’État militaire de gauche, pour une fois — au Portugal… Dans ce contexte, la lecture des écrits marxistes comptait moins, pour les gens de ma génération engagés à « l’extrême gauche » que les luttes de solidarité avec les peuples ou contre notre propre gouvernement. Bien sûr, cette lecture renforçait à la fois nos convictions et notre capacité à analyser et argumenter. Mais je peux dire que ma formation politique n’eut rien de livresque. Même pendant mes trois années à Sciences Po, je n’ai pas cessé de m’impliquer pratiquement dans des combats contre le colonialisme et l’impérialisme, à commencer par un soutien matériel clandestin aux militants du FLN.
Bien entendu, je ne vais pas reprocher aux jeunes qui se piquent de radicalité critique de ne pas avoir eu la même biographie politique ni les mêmes lectures que moi, ce qui reviendrait à les critiquer d’être nés trop tard. Mais ce qui me frappe, et je suis loin d’être le seul, c’est l’apparition d’un néo-conformisme doublé d’intolérance agressive parmi des néo-petit(e)s bourgeois(es) des nouvelles générations qui se veulent en rupture avec l’ordre établi, attitude aussi ridicule et insupportable à mes yeux que le conformisme ringard des petit(e)s bourgeois(es) « classiques » de ma génération. On nous reprochera peut-être de nous retrancher nous-mêmes dans nos certitudes et de refuser de prendre au sérieux les galéjades prophétiques du Comité invisible ou les échanges de vues « entre amis » du Lieu dit, haut lieu de la restauration pseudo-révolutionnaire. Or, pour les avoir fréquentés durant pas mal d’années, je peux assurer qu’ils ne discutent qu’avec leurs semblables et n’acceptent pas la contradiction.
Certes, les gauchistes d’antan dont je faisais partie n’étaient pas exempts d’une propension au sectarisme groupusculaire. Mais cela faisait en quelque sorte partie des mœurs de l’époque dans les milieux qui se voulaient révolutionnaires. Les motifs des affrontements et des scissions étaient toujours d’ordre politique au sens marxiste ou marxien du terme dans la mesure où ils avaient toujours à voir avec la lutte des classes, réelle ou fantasmée.
Il en va tout autrement avec les nouvelles générations où — legs de la « révolution culturelle » de mai 68 ? — tout est devenu politique mais dans un sens assez flou qui reste à déterminer. Parallèlement à un désintérêt croissant pour ce qui se déroule sur la scène internationale, sur lequel je reviendrai plus loin, on observe un repli narcissique sur les questions touchant l’intime, le moi, un égocentrisme forcené, y compris parmi ceux qui se veulent « rebelles ». Ce qui faisait dire à l’essayiste Philippe Murray, « réac », cela va de soi, que cette jeunesse fonctionne au « tout à l’égo », et au sociologue Alain Bihr que « la nouvelle petite bourgeoisie érige sa petitesse en mesure du monde ». Mes amis de Pièces et Main d’Œuvre, vont plus loin en résumant le point d’aboutissement de cette dérive égologique à un programme en trois points qui tient lieu d’idéal chez ceux ou celles qui privilégient le « sociétal » aux dépens du « social » ou vont jusqu’à prendre l’un pour l’autre : « ma gueule, mon cul et mon nombril ».
S’est instaurée de la sorte une police de la pensée voire du langage, où l’on décrète avec autorité le pensable et le dicible pour pousser des cris d’orfraie lorsque les mots qui fâchent sont prononcés. Ainsi en va t-il de certains néologismes émanant de la droite ou qui lui sont attribués que je me fais un plaisir de reprendre au second degré parce qu’ils contiennent, qu’on le veuille ou non, une part de vérité. Je ne vais pas m’étendre une fois de plus sur l’appellation « bobo » qui outre sa non scientificité coupable, est considérée comme une « insulte » — pour ma plus grand joie — par les « intéressés », si l’on en croit les journalistes citoyennistes bien-pensants — c’est un pléonasme ! — de Politis. Qui ne sont sans doute pas les pires, mais qui, aux côtés de leurs honorables confrères du Monde diplomatique, maintiennent une partie de ce qui reste de la « gauche de gauche » dans un état d’hébétement moutonnier face à l’électoralisme et donc à l’État, comme en témoigne leur ralliement au nouveau sauveur suprême, l’« insoumis » en chef Baudruchon. Que les gens désignés comme « bobos » trouvent ce qualificatif déplaisant voire injurieux, tant mieux. À défaut de pouvoir les virer des quartiers anciennement populaires qu’ils ont colonisés et « élitisés » — « gentrifés » en sabir anglo-universitaire —, c’est un moyen de leur faire savoir qu’on est en droit de les considérer comme imbuvables.
« Libéral-libertaire » figure aussi sur la liste des expressions à proscrire. Il ne vient pas de la droite, mais du sociologue marxiste, Michel Clouscard qui, le premier — dans son livre Le capitalisme de la séduction —, s’est attaché à démontrer ce que le « nouvel esprit du capitalisme », comme dirait le tandem Luc Boltanski-Êve Chiapello — qui, eux, découvraient la lune vingt ans après Clouscard — devait à la « révolution culturelle » soixante-huitarde. Le qualificatif a été ensuite repris dans un sens positif par des gauchistes renégats médiatisés passés à droite tels Daniel Cohn-Bendit ou l’ex-agitateur trotskiste Romain Goupil, tous deux devenus des chiens de garde de l’impérialisme et du sionisme. Pour eux, « libéralisation de l’économie » et « libération des mœurs » ne peuvent qu’aller de pair. Pour ma part, je préfère « sociétal-libéral » pour définir la Weltanchuung des « bobos » et les pratiques qu’elle leur inspire. Quant au « politiquement correct », il vient effectivement de la droite c’est-à-dire des néo-cons made in USA. Mais, au vu de la censure évoquée plus haut exercée à l’encontre des points de vue dissidents au sein de la gauche mondaine et même de la gôche-de-gôche, je pense que cette appellation convient également à ceux (ou celles) qui, « à gauche de la gauche », prétendent aujourd’hui régenter le bon usage du langage politique.
Il en va de la forme comme du fond, en particulier pour ce qui touche aux questions d’ordre géopolitique, qu’il s’agisse du Moyen Orient et du terrorisme, ou de la Russie. Ce que nos « autonomes » en savent et en disent, quand il leur arrive d’en parler, ne dépare pas la propagande euro-atlantique déversée jour après jour par les médias dominants où ils puisent l’essentiel de leurs informations, ce qui leur tient lieu d’analyses renvoyant à des schémas d’interprétation complètement dépassés datant de la guerre froide.
Aussi est-il scandaleux pour eux de s’intéresser à ce qui se dit, s’écrit ou est montré sur les sites russes. Spoutnik, par exemple, dont les messages m’arrivent à chaque fois précédés d’un google alert me signifiant d’une part, que je dois de méfier de la propagande venant du Kremlin, et d’autre part que je suis fiché par les services de renseignement US pour me connecter avec des « sites hostiles » au nouvel ordre occidental. L’autre site, Russia today, moins « poutinien » donc plus sophistiqué n’est pas non plus en odeur de sainteté « démocratique » parmi la médiacratie hexagonale. Et ne parlons pas de Arrêt sur info, classé « complotiste » par les « décodeurs » de L’ImMonde et de L’Aberration, passés maîtres dans l’art de déféquer des news plus puantes les unes que les autres d’affabulation, de dissimulation… ou de flagornerie à l’égard de ceux qu’ils servent.
Le problème — pas pour moi, mais pour les porte-voix, volontaires ou non, de nos « démocraties libérales » — est que ce que ce l’on peut lire ou entendre sur lesdits « sites hostiles », qu’il s’agisse d’infos ou d’analyses, s’est avéré assez souvent vrai ou vérifié, confirmé par la suite avec plus ou moins de retard et de discrétion par les médias dominants, sauf les plus inféodés à l’ordre capitaliste qui maintiennent l’omerta sur ce qui va à encontre du bourrage de crânes ou du lavage de cerveaux « occidental ». Par exemple, l’aide non seulement des pétromonarchies, mais aussi d’Israël, des Etats-Unis et de la France aux djihadistes pour achever de « reconfigurer le Moyen Orient » en liquidant le « régime » syrien. Du « bon boulot» avait opiné Laurent Fabius, alors ministre des Affaires étrangères, à propos des massacres perpétrés par la front Al-Nosra lié à Al-Qaïda, qui avait mis une partie de la ville d’Alep, entre autres, à feu et à sang, avec tortures et décapitations à la chaîne. Cette organisation islamiste « modérée », selon lui, pouvait contribuer à « libérer la Syrie de la dictature de Bachar », qui « ne mérite pas d’être sur terre », avait précisé Fabius dont on peut se demander, au vu de ses exploits au pouvoir, si sa disparition serait une grande perte. Le mot « boulot » émanant de la bouche de ce bourgeois social-libéral lui avait en effet déjà servi pour définir la politique de « rigueur » qu’il avait chapeautée en 1983 avec Jacques Delors lorsqu’il était Premier ministre : « Nous avons fait le sale boulot », avait-il reconnu par la suite, expression qu’il avait utilisée a posteriori pour justifier cette politique.
D’une manière plus générale, j’ai appris à me méfier des palinodies politico-idéologiques de la PBI et de sa propension à l’autosuggestion. J’avais déjà vu à l’œuvre, avec leurs délires pseudo-révolutionnaires, les soixante-huitards de ma génération au cours des quelques années de « contestation » qui suivirent Mai 68. Peut-être que si je ne m’étais pas exilé quelques années auparavant à Cuba et pris mes distances, au moins spatiales, avec mon milieu, aurais-je emprunté par la suite le même chemin qu’eux. J’ai assisté ensuite à leur ralliement en masse à la deuxième droite qu’ils prenaient pour « la gauche ». Puis j’ai constaté dans les années 90 leur indifférence et leur ignorance crasse de la situation dans les Balkans au moment où, après la chute du mur de Berlin et l’effondrement de l’URSS, la coalition impérialiste entreprenait de démembrer la Yougoslavie pour achever de redessiner la carte de l’est européen, et le refus des intellos ou militants de gauche ou d’extrême gauche de rechercher des informations autres que celles diffusées par les médias. J’ai lu ou entendu ensuite les citoyennistes altercapitalistes et les anars, ancienne et nouvelle génération à l’unisson, détecter avec la même assurance un « tournant historique » dans la concomitance entre la révolte des communauté indiennes des Chiapas, les manifestations de Seattle et les forums « altermondialistes » de Porto Alegre. J’ai vu défiler chez moi quelques spécimen du marxisme de la chaire puis du radicalisme de campus, universitaires arrivistes pour la plupart, et donc opportunistes et timorés, suivis par des libertaires confusionnistes et des agités du bocal « alternatif » (Article 11, CQFD, etc.). Tout ce petit monde fait partie de la « critique intégrée » — l’expression n’est pas de moi mais empruntée à Guy Debord.
À titre d’exemple, il faut se reporter, parce qu’il synthétise et symbolise à lui seul toutes les illusions que la petite bourgeoisie intellectuelle se fait sur le monde et elle-même, sur le blog « Les contrées magnifiques » de l’essayiste et romancier Serge Quadruppani, l’un des gourous de la scène « radicale ». Battant tous les records de cuistrerie mégalomaniaque et auto-satisfaite, celui-ci n’en finit pas d’y jouer les prolongations de « la grande vague révolutionnaire et créative, politique et existentielle » qui, à le lire, aurait secoué l’Occident dans les années 701. Un moment de l’Histoire particulièrement bien choisi puisqu’il qu’il correspond à la période où le capitalisme, loin d’être à bout de souffle, en retrouvait un nouveau sous la forme néo-libérale pour repartir à l’offensive et la poursuivre sans rencontrer d’obstacles majeurs jusqu’à aujourd’hui, mis à part les crises plus ou moins rapidement surmontées inhérentes à son propre mode de développement, contradictoire comme chacun sait. Mais le plus dérisoire, ce sont les commentaires laudatifs que suscitent les vaticinations de S. Quadruppani chez ses lecteurs, plus hallucinés les uns que les autres. Je ne m’étonne donc pas que ceux-ci prennent aussi au sérieux des « stratégies de lutte » censées « contourner et donc « court-circuiter » le capital et l’État, telle celle d’une « reprise des villes par la périphérie » à partir des « zones à défendre » (ZAD) où l’on construirait « des formes de vie, un habitat et des activités fondées sur le partage, la rencontre, le soin du vivant et des biens communs ». De l’autogestion à l’autosuggestion le pas est ici franchi ! En fin de compte, il n’y a rien à tirer de ces guignols sinon la conclusion que l’« émancipation » dont ils ont tous plein la bouche est plutôt mal barrée en France.
Je terminerai par où j’ai commencé, à savoir l’hypothèse d’un clivage générationnel au sein de la « gauche-de-gauche ». En réalité, celui-ci se répercute au sein même de l’ancienne génération, la mienne, sous la forme d’un partage entre les optimistes et les pessimistes.
Les premiers ne se font pas à l’idée, au soir de leur vie, que leur engagement, les risques encourus et les sacrifices acceptés l’aient été en pure perte, que l’émancipation sociale soit un horizon au moins aussi lointain aujourd’hui sinon plus qu’à l’époque de leur jeunesse. Il leur faut donc se convaincre pour se rassurer que le XXIe siècle sera certainement celui des révolutions, sur des bases nouvelles, of course. C’est me semble-il l’attitude d’un Éric Hazan et des gens de son âge, prêts à avaler toutes les balivernes « insurrectionnelles » des farceurs du « Comité invisible » après s’être félicité que Mai 68 ait été « la première révolution moderne » car « elle n’avait pas pour but la prise du pouvoir ». Et pourquoi l’aurait-elle eu pour but puisque le pouvoir convoité par les Enragés, celui de « changer la vie » — leur vie, en fait —, et non de déposséder la bourgeoisie du sien, comme dans les révolutions « classiques », était à portée de main, et, pour certains, déjà dans leurs mains mêmes.
Les autres, en revanche, qui espéraient au contraire voir la société réellement changer de base, déçus par l’échec, n’admettent pas de quitter ce monde qu’ils n’ont pas réussi à transformer, et s’en consolent en pensant que le siècle qui a commencé ne sera pas meilleur et sera même sans doute pire que le précédent. Aussi ne regretteront-ils pas de devoir quitter un ici-bas qui s’annonce de plus en plus invivable et sans au-delà prévisible sur terre pour les empêcher de désespérer.
Dans quelle catégorie me ranger ? Ni l’une ni l’autre. Non par souci de me distinguer, mais parce que j’ai fait mienne depuis belle lurette l’alternative posée par Rosa Luxembourg, « Socialisme ou barbarie», et ne vois pas de raisons pour la délaisser tant elle me paraît plus actuelle que jamais. La barbarie, sous des formes traditionnelles ou renouvelées, n’a cessé de progresser, et tout indique qu’elle va s’intensifier durant les décennies à venir, évolution (ou involution) facilitée par l’accoutumance au pire de populations décervelées, entre autre par leur addiction aux technologies de l’info-com c’est-à-dire à l’enfumage propagandistique ou publicitaire. Dresser la liste des différentes facettes de la dé-civilisation en cours est inutile car d’autres l’ont déjà fait. En vain jusqu’ici, l’anesthésie de la lucidité et de l’esprit critique rendant inopérantes les mises en garde émanant de dissidents du capitalisme high tech, rebaptisé par ses apologistes « économie de la connaissance », qui confondent savoirs et informations alors que l’ignorance politique ne cesse de croître et se répandre.
Face à la dévastation écologique et à l’effondrement social, tous deux assez avancés, je serais tenté de reprendre le vieux slogan soixante-huitard « Ce n’est qu’un début, continuons le combat ! », mais en lui donnant un sens nettement moins triomphaliste. Le combat, c’est bien sûr celui à mener à nouveaux frais contre le capitalisme, combat dont l’urgence ne devrait plus faire de doute car le « début » n’est autre que celui non de la lutte mais du désastre final qui risque de se produire si ce combat est perdu, un risque qui deviendra certitude si ce combat n’est pas même entamé et en reste comme aujourd’hui au stade de la parodie. Avis donc aux zozos, aux gogos et autres bobos de la rébellion de confort : il serait peut-être temps pour eux de se préparer avant que les puissants de ce monde, apeurés par la perspective d’une dégradation générale qui ne les épargnerait pas, ne sifflent la fin de la récréation.
Jean-Pierre Garnier
11 « Les contrées magnifiques, 7 juin 2017