Tableau récapitulatif du début d’une présidence à la Maison Blanche.
Plusieurs entrées et une seule sortie.
Russiagate
ou l’impossible démonstration.
La mise en scène spectaculaire du déchirement de l’élite dirigeante aux Us(a) à cette échelle est inhabituelle. Elle a occupé la ‘Une’ de la presse dominante sans discontinuer depuis l’échec de la candidate jugée cohérente avec la forme politique actuelle de l’impérialisme étasunien. Une social-libérale défenderesse des minorités culturelles et sexuelles qui a accompli sa carrière dans le sillage de la doctrine néoconservatrice de l’intervention militaire destructrice, autre nom du « Devoir de Protéger ». Elle avait pour mission de poursuivre l’instauration de démocraties avec comme instrument une élite locale élevée dans les couveuses de la CIA et de l’OTAN dans les rares zones qui échappent encore aux monopoles étasuniens, industriels, financiers et idéologiques.
L’argument principal de la comédie burlesque mais tragiquement violente et meurtrière est faible et peu crédible.
La Fédération de Russie serait intervenue dans les élections présidentielles étasuniennes.
Soit.
Mais comment ?
Elle aurait pénétré le réseau informatique du DNC, l’organe dirigeant du Parti Démocrate.
Qu’en a-t-elle fait ?
Détruit des données ? Modifié les contenus ?
Non. Elle aurait divulgué des échanges de courriels entre les membres du Comité national démocrate et les aurait livrés à Assange pour publication sur Wikileaks. Ce contenu, fort dépréciatif, a endommagé l’image de la candidate et aurait découragé ses électeurs potentiels. Cette affirmation péremptoire se dispense d’apporter la preuve de la réalité de l’intervention russe d’une part et d’autre part de l’influence réelle des révélations sur l’orientation du choix de l’électorat. Elle valide cependant le caractère péjoratif et peu avouable de ces échanges qui ont en particulier mis en lumière les dispositions non démocratiques qui éliminaient d’emblée Sanders de la compétition et ont dressé un tableau peu flatteur d’une femme égocentrique peu appréciée de ses collaborateurs.
Le rapport établi par des membres de 3 agences de renseignement seulement (et non les 17 habituellement impliquées) le 6 janvier 2017 ne repose que sur des allégations et des suppositions. (1) Les preuves assénées sont fondées sur ce type de jugement et de constatations : Russia Today a couvert Occupy Wall Street et a disserté sur le danger du fracking lors de l’exploitation des hydrocarbures non conventionnelles.
Un groupe d’anciens officiers du Renseignement, et parmi eux des spécialistes de la sécurité informatique, a remis au Président étasunien le résultat de leur enquête sur la prétendue effraction russe du serveur de la DNC (2) Les données, 1976 mégabytes, ont été copiées le 7 mai 2016 vers 6H45 sur la côte Est des Usa vers un appareil connecté au serveur du DNC en 87 secondes, débit impossible à obtenir par internet. (3) L’empreinte russe sur les documents publiés est une fausse signature, installée après coup. Le nettoyage du serveur par la firme en charge de la sécurité du serveur n’a été effectué que plusieurs semaines après qu’elle ait signalé qu’il abritait un logiciel malveillant.
Autour de cette thèse centrale de violation du serveur des Démocrates, des anecdotes connexes furent greffées, toutes tissées autour du thème, Donald Trump agent russe.
Il subirait un chantage du fait que le renseignement russe détiendrait des documents le montrant impliqué dans des orgies à Moscou. Des collaborateurs de sa campagne auraient pris langue avec des diplomates russes pendant la période pré-électorale. Son fils et/ou son gendre auraient eu des contacts avec des avocats russes. Des Russes auraient occupé la même tour que la couple Trump à New York.
Toutes ces séquences ont donné lieu à des séances d’explication devant une commission du Congrès. Une telle consommation de temps parlementaire dans une atmosphère de paranoïa phobique digne du temps du Maccarthysme est justifiée parce que Trump continue de faire des poussées de fièvre protectionniste parfois teintée d’isolationnisme.
Les deux sont antinomiques de l’impérialisme étasunien depuis son triomphe en 1945 et plus encore après celui, absolu, de l’implosion de l’URSS. La force de frappe financière et industrielle doit pouvoir se projeter sans entrave politique ni frontière.
Cette veine narrative
est en train
de s’épuiser.
Google vient de déclarer que ses moteurs de recherche n’ont pu détecter aucune propagande d’origine russe concernant les élections américaines durant la période où elles ont eu lieu. (4) La firme qui détient Youtube vient dénouer à sa manière ce long feuilleton indigeste.
L’accueil fait au livre de Hillary Clinton qui relate les raisons de son insuccès par les Démocrates et les anciens donateurs de son officine, est plus que réservé, il est insultant. Il en dit long sur l‘improbabilité à remettre en selle l’ancienne candidate (5). Il est vrai qu’elle accuse tout le monde de son échec, Obama, Comey, Sanders, Poutine et bientôt Kim ou peut-être même le Pape. Qu’elle la f…. et qu’elle disparaisse ! Son égotisme étroit risque de miner les efforts de reconstruire un parti qui a perdu son crédit auprès de sa clientèle électorale habituelle.
L’accalmie relative sur cette ligne a laissé apparaître l’éclosion d’autres fronts.
Newsweek a ouvert ses colonnes à un ancien diplomate de l’URSS qui avait servi sous
Gorbatchev puis Eltsine. Andréi Kovalen c’est le nom de ce plumitif-traître (à sa nation) pose la question d’une plausible main russe derrière l’attentat des deux frères Tsarnaev lors du marathon de 2013 de Boston. Ils sont Tchéchènes, donc la Russie doit accepter de reconnaître sa part de responsabilité dans ce malheur-là. Très vite, la Russie avait fait savoir qu’elle avait prévenu les services secrets étasuniens de la « radicalisation » de la mère et de l’un des frères Tsarnaev depuis 2010. Pas de preuve pour les allégations avancées, mais le soupçon et la rumeur infondée diffamante sont à l’oeuvre, de quoi perpétuer le plasma ambiant de la russophobie. (6)
Les Démocrates néoconservateurs ont entrepris de développer un autre angle d’attaque à l’encontre de Trump. La contre-manifestation des antifas à Charlottesville a merveilleusement servi à illustrer le racisme suprématiste de l’Homme Orangé à la Mèche Blonde. La présence pour un bref moment, le temps de la photo, de deux individus brandissant des drapeaux frappés de la Swastika n’appartenant à aucun groupe connu évoque une opération de provocation assez classique. Même la branche étasunienne du Mouvement national socialiste a renoncé à cet insigne. La génération actuelle d’étudiants qui a grandi dans la crise financière de 2007 adopte sans grand risque ou peut-être avec l’appétit d’en découdre avec les Fas la posture d’un antifascisme qui ne remet pas en cause l’impérialisme totalitaire de leur pays. Dans le maigre vademecum de leur prêt-à-penser, l’antifascisme épouse les contours de la religion de la Shoah et du sionisme. S’ils veulent voir de vrais fascistes, du moins des héritiers authentiques d’un parti qui plonge ses racines dans son alliance avec les Nazis allemands, ils peuvent aller consulter le Pravy Sektor en Ukraine. S’ils veulent les combattre, il leur faudra s’enrôler dans les rangs des républiques du Donbass et de Lougansk. La condamnation très tardive et trop équilibrée de la violence urbaine par Trump a provoqué la défection de ses conseillers en économie venus de la société civile, tous des patrons de firmes monopolistiques.
Or l’entourage de Trump n’a cessé de se dégarnir depuis son arrivée au pouvoir. Il a fini par céder sur le plus proche de ses collaborateurs en renvoyant Steve Banon à son journal. Pour parer à l’hémorragie et s’attirer la bienveillance des medias, Trump a décidé de faire montre de sa bellicosité en augmentant le nombre des militaires en Afghanistan. Sa parole s’est démonétisée, ses menaces de punition par des armes de destruction massive de la Corée du Nord sont instantanément contredites par le Secrétaire d’Etat Rex Tillerson qui préconise une solution diplomatique.
L’Homme Orangé à la Mèche Blonde envoie des tweet,
Pendant ce temps, le travail de l’administration étasunienne continue de se faire.
Elle a perdu en Syrie.
La visite de Netanyahu à Poutine sur son lieu de vacances en atteste. L’entité sioniste avec l’unanimité du Congrès à sa dévotion reconnaît la fragilité de son soutien et vient demander à la Russie sinon sa protection du moins son aide pour évincer l’Iran sur la scène syrienne. Enfin, celle-ci est désormais débarrassée depuis la levée du siège de Deir Zor du plus gros de ses mercenaires daechiens.
Elle a perdu en Irak.
Le statut d’indépendance réclamé par le sécessionniste Barzani, fidèle parmi les fidèles d’Israël depuis des décennies, ne sera pas accordé et le référendum ne sera pas tenu. Le gouvernement irakien, un moment perdu dans son alliance avec les Séoud, est décidé à maintenir son intégrité territoriale menacée par les sionistes anglo-saxons.
Elle a perdu en Afghanistan bien sûr. Autrefois son jouet, les Talibans contrôlent une bonne partie du territoire, ils luttent avec leurs moyens pour maintenir l’indépendance du pays. 3000 fantassins ne feront pas varier l’équilibre des forces actuelles.
Elle a perdu et elle est devenue la risée de dirigeants de pays non ‘alignés’.
Mais elle poursuit son œuvre de désordre et de destruction.
La petite friction frontalière Inde-Chine du plateau de Doklan a été un signe lancé cet été par la Chine au gouvernement de Modi, fort courtisé par Trump. (8 )
La montée de la tension avec Pyongyang constitue un autre point d’abordage de la Chine sur son flanc Nord-Est alors que le problème des Rohingyas au Myanmar est une fragilité sur son Sud-Ouest. Ces commerçants aisés convertis à l’Islam ont été favorisés par le colon britannique lors de sa conquête. Il a constitué en son sein une élite collaboratrice au service de l’oppression exercée sur le reste de la population, comme ce fut le cas des Tutsis au Rwanda. Aung San Suu Kyi est la fille d’un leader nationaliste bouddhiste fasciste qui avait collaboré avec le Japon contre le Royaume Uni. Elevée par les Anglo-saxons, elle fut mise en selle par la CIA puis intronisée aux dépens d’un régime militaire qui avait fait alliance avec la Chine communiste. Les Rohingyas furent déclarés apatrides en 1982 et avainr alors perdu leurs droits élémentaires. Ils sont victimes depuis 2012 de campagnes de persécution de grande ampleur. Le Bengladesh voisin n’a pas la capacité d’accueillir tous les réfugiés et les refoulent. Les Séoud depuis un petit nombre d’années financent un groupe de djihadistes recrutés et formés pour l’essentiel parmi les exilés au Pakistan.
Il semble que la dernière flambée de persécution ait été une réponse de l’armée et des moines bouddhistes à une action menée par le groupe paramilitaire Harakat al Yaqin devenue ARSA, l’armée du salut des Rohingyas en Arakhan. Vrai drame humanitaire attesté par des témoins crédibles, il pourrait être l’occasion pour l’armée étasunienne dont les porte-avions ne traînent jamais très loin d’intervenir au nom de ‘devoir de protéger’. Une telle occupation mettrait en péril le projet de la Route de la Soie.
La doctrine du ‘confinement’ des pays émergents, Russie et Chine, échoue à contenir leur croissance économique et leur rayonnement politique.
La Russie connaît un développement et un rythme de croissance inattendus et surprenants en raison des sanctions économiques et de la récession mondiale.
La Chine ne cesse d’étendre son influence en Afrique, séduisant ces pays en ne demandant pas de contrepartie politique pour ses investissements économiques. La ville de Salé, ville jumelle de la capitale du Maroc, pays classé comme la chasse gardée de la France et des Usa, va accueillir la plus grande tour d’Afrique, fruit d’un consortium sino-marocain pour le compte d’une banque marocaine, la BMCE.
La grande inquiétude de l’establishment étasunien est désormais suscitée par l’annonce d’un marché de l’énergie asiatique en yuan adossé à de l’or métal.
La grande nouvelle
du contournement du dollar, lors du dernier sommet des Brics début septembre tenu à Xiamen (9), si elle prenait consistance sous peu, signera un changement radical dans la répartition des pouvoirs entre les différents pôles économiques mondiaux. Toujours promis, depuis longtemps espéré, le détrônement du dollar comme système monétaire dominant se fera à bas bruit plus probablement que dans un accès de guerres généralisées convulsif. Toutes ces guerres ‘périphériques’ sont entreprises justement pour perpétuer cette domination maintenant injustifiée en raison d’une économie étasunienne près de l’effondrement. La projection faite par les analystes de Goldman Sachs en 2007 prévoit pour 2050 un PIB chinois qui pèsera le double de celui des Usa tandis que l’indien l’avoisinera. Cette marche est désormais inexorable. Quelle belle commémoration cela serait pour cette cuvée 2017 du 11 septembre!
Badia Benjelloun
9 septembre 2017
NB : La récente réprimande adressée par le NYT à Macron résulte du non respect de la règle tacite de ne pas dénoncer les ingérences militaires occidentales, eussent-elles été injustes, meurtrières et contre-productives pour ceux-là même qui les ont opérées.
2 https://consortiumnews.com/2017/07/24/intel-vets-challenge-russia-hack-evidence/
3 https://theforensicator.wordpress.com/guccifer-2-ngp-van-metadata-analysis/
6 https://sputniknews.com/politics/201709061057119169-newsweek-claims-russia-boston-bombing/
9 https://asialyst.com/fr/2017/09/01/brics-les-emergents-ont-rendez-vous-a-xiamen-en-chine/