Appel pour un Sous forme de murmure à l’oreille de ceux qui se sentent concernés par la situation actuelle au Maroc.
Nous ne voulons pas vivre la malédiction qui a frappé et continue de détruire l’Irak, la Syrie et la Libye. Nous ne voulons pas subir le programme de fragmentation lancé contre les pays arabes. Mais comment ne pas être solidaires avec les Marocains qui réclament moins de corruption et plus de justice sociale ? Qui peut rester sourd à cet appel qui revendique que chaque citoyen puisse avoir une vie digne ? Il n’est pas étonnant que le mouvement, non encore pris en charge par des organisations qui vont le dévoyer, ait débuté dans le Rif. La première raison est bien sûr historique. Depuis les attaques des royaumes espagnol et portugais sur les côtes du Nord du pays, le Sultan avait confié la tâche aux tribus du Rif d’en être les gardiens. Moyennant une exemption d’impôt à l’Etat central, elles ont défendu l’intégrité territoriale valeureusement. Elles ont acquis une tradition de lutte farouche contre l’envahisseur potentiel et de relative autonomie par rapport au makhzen. L’épopée de la guerre du Rif et son éphémère république a été le point culminant de la résistance contre les prétentions coloniales de la péninsule ibérique. La seconde résulte d’un enclavement du Rif qu’un relatif développement du pays a contourné, générant un vif sentiment d’abandon. Durant des décennies entières, les Rifains n’avaient d’autre choix que d’émigrer ou de s’adonner à la culture du Cannabis. Il est des villages où chaque famille a donné au moins l’un de ses fils à l’étranger. | Fin octobre 2016, un marchand de poisson s’est vu confisquer sa marchandise par les autorités maritimes. La pêche de cette variété de poisson qu’il s’apprêtait à revendre est interdite à cette saison. Après des pourparlers infructueux il s’installe dans la benne pour tenter d‘empêcher sa destruction. Le mécanisme est déclenché et l’homme est broyé. Une immense émotion s’est emparée des habitants d’Al Houceima, petite ville côtière du Nord du Maroc où l’emploi est rare en dehors de l’estivage qui parvient à remplir quelque peu des hôtels flambant neuf. Des manifestations exigeant que justice soit rendue, et elle le fut en un temps record avec des condamnations rapides de responsables locaux, ont commencé. Elles se sont poursuivies après le verdict sur fond de revendications sociales pour une région qui fut longtemps délaissée et ‘punie’ par Hassan II. En effet, le Rif s’est rebellé en 1958-1959, juste au lendemain de l’indépendance théorique de 1956, il demandait une relative autonomie et une plus juste répartition des pouvoirs locaux ce qui était un attribut tout à fait traditionnel accordé à cette région par les différents Sultans du Maroc. Les différentes composantes de la Résistance qui ont œuvré au retour au trône de Mohammed V espéraient encore un partage équitable des responsabilités. La monarchie n’était pas encore figée en ce qu’elle allait devenir, une autocratie. La répression se fit dans le sang, les mains de Hassan II en ont été entachées de manière indélébile. Les Rifains ont gardé cet épisode en mémoire et leur sentiment d’injustice sociale partagé par l’ensemble des classes défavorisées en est d’autant avivé. Depuis, le mouvement rifain de revendications sociales s’est propagé à l’ensemble du territoire. Ce jour, dimanche 11 juin, une manifestation importante s’est déroulée dans la capitale à Rabat. Nombre d’organisations y ont pris part. Le gouvernement actuel constitué seulement en avril après des élections législatives tenues début octobre a pour l’instant réagi en emprisonnant quelques leaders charismatiques et en espérant le pourrissement de la situation. |
Badia BENJELLOUN
Dimanche 16 Ramadan 1438,
11 juin 2017