Un communiqué de presse nous informe que « Les deux discours prononcés par le Premier ministre à l'Assemblée nationale, suite aux attentats de janvier et de novembre, seront réunis dans un livre, préfacé par Manuel Valls, qui paraîtra le 6 janvier chez Grasset. »
La maison d'édition dirigée par BHL, toujours à la pointe du débat d'idées frelaté et du combat d’arrière-garde républicain ( BHL en mécène avisé y publie aussi Onfray, voire même Houellebecq - avec Flammarion) , a par ailleurs annoncé que ce livre-événement commémoratif (et républicain), intitulé « L'Exigence », serait initialement tiré à 25 000 exemplaires.
Si l'identité des véritables auteurs de ces fleurs de rhétorique martiale (et républicaine) demeure assez obscure, il semble en revanche que la préface de l'ouvrage soit clairement attribuée au premier ministre lui-même.
Un exercice qui cependant s'annonce pour lui assez acrobatique car on peut se demander quel parti il pourra y prendre... sans mauvais jeu de mot.
Quels sont en effet les choix qui s'offrent à lui ?
Saluer sur le mode hagiographique la force, le courage, l'éminente qualité d'expression et la hauteur de vue de ses propres discours ? Voire se féliciter au nom de la Nation toute entière reconnaissante que ce formidable talent soit mis si efficacement au service du pays ?
Il y aurait là un gros risque de passer pour un cuistre aggravé, et tel n'est probablement pas l'objet de cette préface ni le projet éditorial de Grasset.
Rendre un hommage appuyé et enthousiaste à la qualité laborieuse, au discernement et à la talentueuse opiniâtreté de ses scribes appointés ? Ce serait adopter une posture très peu prisée dans un milieu qui a quelques raisons de la juger contre-productive en terme d'image.
D'autant qu'à l'occasion de cette même rentrée littéraire d'hiver 2016, Flammarion a prévu de sortir « Manuel Valls: seul contre la gauche la plus bête du monde » de Mohamed Sifaoui, un titre un peu ambigu dans la mesure où le premier ministre lui-même se revendique officiellement encore « de gauche » et qui par conséquent aurait semblé mieux adapté à l'un des ouvrages politiques certifiés de droite, et planifiés pour cette même rentrée. Notamment ceux que nous promettent Nicolas Dupont-Aignan, Alain Juppé, Jean-François Copé, ou encore François Baroin. Le cas de Daniel Cohn-Bendit - qui doit également nous gratifier d'un nouvel opus édifiant - étant comme on dit : « limite ». On peut cependant comprendre l'empressement du Premier Ministre à occuper le terrain éditorial en observant que les « pointures » qui devaient s'y manifester ont préféré déserter (momentanément) le champ de bataille. Ainsi Michel Onfray a-t-il courageusement renoncé à son « Penser l'Islam », tandis que BHL himself retarde encore la révélation de son « Génie du Judaïsme » (la lueur de sa lampe est peut-être vacillante en ce moment).
Bref, une rentrée encombrée mais encore très « ouverte ».