Une américaine à Paris
Ayant grandi à Washington dans un milieu progressiste, Diana Johnstone a participé au mouvement contre la guerre du Vietnam, aux États-Unis et en France. Elle a fait une thèse en littérature française sur Malraux, à l’Université du Minnesota, et a travaillé comme journaliste indépendante. Elle vient de publier une enquête sur Hillary Clinton : « La Reine du Chaos » , aux éditions Delga.
En avant-programme de notre prochain débat géopolitique sur la stratégie du chaos, nous donnons ici son éclairage pédagogique, destiné à éclairer la lanterne du public américain sur les récents événements qui ont endeuillé la capitale française. En l'état de délabrement avancé et de confusion totale des médias français, ce regard extérieur mais bien infomé, lucide et raisonné, est encore plus salutaire pour le public français, abruti de vacarme hexagonal halluciné.
Attaques terroristes à Paris: la tragédie et le changement.
Traduction d'un article publié sur le site Counterpunch par Diana Johnstone
Le chaos se propage du Moyen-Orient vers l'Europe. Un flot ininterrompu de réfugiés et de migrants non identifiables crapahute à travers les Balkans vers les terres promises d'Allemagne, d'Angleterre et de Suède. Des combats éclatent dans des camps de réfugiés entre groupes nationaux. Tandis que les migrants massés près de Calais essayent vainement d'entrer en Grande-Bretagne, à bout de patience les citoyens de Calais, exaspérés, laissent exploser leur colère. Les dirigeants occidentaux, obnubilés par leur compulsion d'intégration européenne libérale, après s'être bercés d'ouverture des frontières et de multiculturalisme, sont rudement ramenés au constat de leur incapacité à faire face aux dures réalités. Et maintenant, Paris est confronté au même genre d'agression que Beyrouth ou la Russie.
Oui, comme Chris Floyd l'a écrit, l'Occident a semé la graine de violence extrémiste et en récolte la tempête terroriste. Mais naturellement ce ne sont pas les victimes qui sont à blâmer, surtout quand les principales cibles à Paris étaient d’innocents jeunes gens en goguette un vendredi soir, trop jeunes et inconscients pour mesurer la responsabilité des politiques occidentales désastreuses qui ont plongé le Moyen-Orient dans la folie pour des décennies.
L'assassinat ciblé en janvier dernier des membres du personnel de Charlie Hebdo a suscité le slogan solidaire : «Nous sommes tous Charlie ». Ce slogan est devenu tristement réel : oui, nous sommes tous désormais Charlie. Toute personne qui, par exemple, aurait profité d'un bon repas à faible prix dans un modeste restaurant cambodgien, sans prétention, dans le 10ème arrondissement, aurait été abattue de sang-froid, juste comme ça. Les tueurs n'en avaient pas après les symboles du pouvoir, ils s'en sont pris à tout le monde et à n'importe qui. Leur saccage visait un quartier sans attractions touristiques, des terrasses de café ordinaires connues pour être appréciées des jeunes Parisiens. C'était pourtant un choix, fait par des gens qui connaissaient ce quartier.
Reste la vraie question : que faire après ça, que faire maintenant ?
Cette horreur aura-t-elle le pouvoir de ramener les gens à la réalité et à la raison ?
Le Président François Hollande est rapidement intervenu à la télévision, visiblement ému et essayant de se montrer à la hauteur de la situation. Mais il n'a tout simplement pas ça en lui. En soulignant que maintenant nous sommes «en guerre», le président Hollande a paru imiter la réaction des États-Unis au 11 septembre.
Mais, en guerre avec qui exactement ?
La France avait pris farouchement le parti de la ligne « Assad doit partir ». La France devrait donc changer de guerre ?
Ne vaudrait-il pas mieux changer de politique étrangère, si c'est encore possible ?
Le président Obama s'est aussitôt manifesté, avant même Hollande, déclarant sa solidarité télévisée, alors que les attaques se poursuivaient encore. Ces déclarations ont naturellement été reprises par les médias instrumentalisant l'événement pour affirmer la suzeraineté américaine, désormais affichée, sur la politique étrangère française.
Les condoléances israéliennes ont été rapidement mises à profit par les commentateurs habituels soulignant la compréhension et la solidarité d'Israël, en tant que perpétuelle victime de ces attaques terroristes, les dernières ces jours-ci « au couteau ... ».
Pourtant, les attaques désespérées, menées par des Palestiniens occupés, ostracisés et bafoués n'ont pas grand chose à voir avec les meurtres gratuits de Paris. Cette confusion est intentionnelle et coutumière depuis le 11 septembre, désormais prolongé dans ce 13 novembre, elle voudrait nous mettre dans le même bateau qu'Israël, affrontant le même ennemi.
Mais quel ennemi, en réalité ?
L'ennemi d'Israël est le Hezbollah. Mais c'est ce même Hezbollah (et non Israël) qui vient de subir une attaque dévastatrice à Beyrouth1 perpétrée par le même genre d'individus qui ont massacré les Parisiens. L'ennemi d'Israël est l'Iran, qui se bat de longue date contre Daech.
Qui est notre ennemi après tout, et qui est notre ami ?
Des voix de plus en plus nombreuses osent désormais protester contre le tropisme sioniste des médias français. L'influence israélienne sur les médias est sans doute plus forte en France que partout ailleurs, peut-être même plus forte qu'en Israël où il existe un journal critique, Haaretz, qui révèle sur son pays des choses qu'aucun journal français n'oserait publier.
Ainsi, aucun des commentateurs « autorisés » n'a observé que, bien plus qu'à une « intifadah des bars » les attentats de Paris s'apparentent plutôt aux attaques terroristes qui ont endeuillé la Russie2. Les victimes de l'accident d'avion du Sinaï, ou les enfants assassinés de Beslan en 2006 n'ont pas eu l'hommage posthume des médias ni l'élan de compassion des réseaux sociaux occidentaux. Pourtant, à Moscou, des Russes ont spontanément apporté des gerbes et des fleurs à l'ambassade de France, qui ne furent pas davantage évoquées par les médias français.
Cet appareil médiatique est pris au piège de sa propre rhétorique de conte de fées, où Poutine et Assad sont l'ogre et le loup assoiffés de domination sanguinaire. Une fable divertissante mais sur un mode narratif si simpliste et manichéen qu'il n'est pas possible d'infléchir le sens de son récit, encore moins d'admettre un épilogue absolument contraire à la logique de l'histoire. Pourtant, des événements aussi décisifs peuvent forcer la reconnaissance de la réalité. La grande question est donc, comment la France va-t-elle réagir?
Réflexe spontané aux États-Unis3, il est hâtivement présumé que les autorités françaises vont réagir sur le mode hystérique et belliqueux de leurs homologues américains après le 11 septembre, en exploitant des événements atroces pour étrangler les libertés civiles et se lancer dans de ruineuses guerres de diversion à l'étranger. Mais il y a des motifs d'espérer qu'en France, la raison peut encore prévaloir. De même la réaction émotionnelle au tragique destin des victimes n'empêchera pas nécessairement les gens de penser clairement, même si c'est hélas bien souvent le cas. En France, on peut encore souffrir et pleurer sans perdre lucidité et raison. Il y aura néanmoins une réaction nationale et une réaction de politique extérieure, et elles seront étroitement liées.
La réaction intérieure
La première réaction officielle de Hollande le «nous sommes en guerre », accompagnée de la mobilisation de l'armée pour patrouiller dans Paris, n'est pas particulièrement prometteuse. La présence des soldats dans les rues est principalement destinée à rassurer le public (bien qu'il n'y ait rien de très rassurant à être cerné de gens en armes), mais ils ne peuvent ni prévenir les attaques suicides, ni affronter le cœur du problème. Il est probable que quiconque aura le malheur de « ressembler » à l'idée que les policiers se font d'un terroriste, sera interpellé . Cela sera peut être pénible, mais ça n'est pas tragique si ça s'arrête là. Un peu moins anodine est la demande qui a été exprimée d’assouplir les règles d'usage des armes à feu par les policiers. En France, il est juridiquement impossible pour la police de se transformer en assassin, comme c'est le cas aux États-Unis, et il est à espérer ardemment que les choses resteront ainsi.
Dans la population, une réaction prévisible est que l'islamophobie, voire l'hostilité anti-arabe peuvent susciter des agressions individuelles et des attaques contre des mosquées. Mais cette réaction et largement anticipée et les mesures pour la prévenir le sont plus encore. Contrairement à l'impression donnée par l'image qu'en donnent les médias aux États-Unis, les personnes d'origine arabe ou musulmane ne sont pas toutes parquées dans banlieues-ghettos misérables. Ils font partie de la société française, et certains étaient parmi les victimes du massacre du 13 novembre.
Malgré tous leurs défauts, les médias français se joindront aux efforts des écoles françaises visant à prévenir une dangereuse montée de l'islamophobie. Il est évident que les mauvais traitements infligés aux musulmans seraient pain béni pour les extrémistes. En pratique, les enquêteurs français auront besoin de l'aide de la population musulmane pour contrecarrer les attaques terroristes. Cette dernière tâche est indispensable. Elle exige d'essayer de comprendre ce qui se cache derrière le phénomène – sans pour autant l'excuser ou le justifier. La tendance d'une certaine gauche à idéaliser le rebelle ou le marginal, quelque soit sa motivation ou ses méfaits, de le voir comme un subversif engagé dans une juste lutte contre l'oppression, est une posture mondaine4 en train de passer de mode. Même si les terroristes de Paris étaient des « opprimés » comme certains le prétendent, il existe bien des manières de réagir à un statut social déprécié autrement que par le nihilisme sociopathe et le recours aux atrocités aveugles. Les afro-américains peuvent en témoigner, et leur oppression a été incomparablement pire que la discrimination (injustifiable) subie par les musulmans français. Le chômage, résultant en grande partie des politiques économiques imposées par l'Union européenne, affecte l'ensemble de la population jeune, mais en particulier les personnes pauvres sans éducation ni relations. L'absence de possibilités d'un travail décent augmente inévitablement la petite délinquance, et la plupart des extrémistes islamiques ont été radicalisés en prison. Ce sont des maux sociaux qui doivent être traités par un retour volontariste aux politiques sociales, celles qui précisément ont été évacuées par l'actuel gouvernement «socialiste»5.
Quoiqu'il en soit, la comparaison avec d'autres périodes sombres nous apprend que les explosions de violence islamiste fanatique ne peuvent pas être attribués aux seuls facteurs économiques. La source véritable de la rage meurtrière qui s'est manifestée le 13 novembre se trouve au Moyen-Orient. Daech, ou Etat islamique, ou quelque nom qu'on lui donne, agit comme une balise pour de jeunes hommes, dont beaucoup avaient déjà franchi la ligne et sombré dans la criminalité, en mal de justification existentielle et de canalisation de leurs frustrations. Cela leur est fourni par un processus d’identification rudimentaire : les Palestiniens de Gaza, les familles anéanties lors des fêtes de mariage par les bombes américaines, l'humiliation de pays entiers par les Occidentaux arrogants. Rejoindre le Jihad contre les «Croisés occidentaux » pour établir un nouveau «Califat» se présente alors comme un destin grandiose convoquant à la fois le meilleur et le pire chez certains individus fragilisés. Ceux qui ont été stigmatisés comme des criminels et ont purgé des peines de prison peuvent se sentir rachetés par l'illusion d'attribuer leur sort à quelque vertu transcendante. Confrontée aux promesses de paradis d'Allah, la société occidentale contemporaine n'est attrayante que sur la base de son auto-représentation commerciale plutôt que sur sa réalité, telle que vécue par des exclus qui y préfèrent y voir un cloaque du péché. L'idéologie de ces djihadistes relève de la névrose sociale engendrée par le libéralisme mais, faute de la moindre conscience politique, s'exprime dans un puritanisme fanatique : ils peuvent froidement assassiner les jeunes sur les terrasses des cafés ou dans un théâtre au prétexte d'éradication du péché contre « Allah le tout-puissant ».
Cette illusion est loin de se limiter aux marges de la société française. La France, avec sa tradition de laïcité et de lumières, devrait être parfaitement armée pour combattre en son sein cette perversion délirante de la raison et de l'argumentation. Au lieu de cela, la tendance récente a été, là comme ailleurs, de singer l'usage américain de « on ne pas discute pas sur la religion », pas même dans la salle de classe lorsque les élèves musulmans rejettent la théorie de l'évolution comme contraire au Coran6. Certes, la France est connue pour ses efforts visant à restreindre certaines coutumes musulmanes, mais elle épargne l'aliénation idéologique sous-jacente. L'idéal du multiculturalisme est devenu l'ennemi de la raison. On oublie simplement que contester les idées d'un individu n'est pas une attaque personnelle. Le relativisme intellectuel, tout en prétendant favoriser l'amour fraternel, ouvre surtout la porte au fanatisme. Récuser par principe que certaines choses sont partageables, par tous, comme vraies et certaines choses comme fausses, et la notion postmoderne que chaque individu a « sa propre vérité», induit qu'en fin de compte ça n'est pas la raison, mais la force qui prévaut.
Mais encore une fois, la source de l'idéologie meurtrière derrière les attaques terroristes a sa source au Moyen-Orient et dans les évolutions dramatiques qui ont secoué cette région du monde depuis des décennies.
La réaction internationale
Les suites de la réaction de la France au 13 Novembre en termes de politique étrangère sont contradictoires. Malgré le spectacle très fugace de « l'unité nationale » et de l'hymne patriotique entonné au « congrès » ou dans les stades, de profondes fractures d'intérêt fissurent déjà le bel unanimisme de l'élite politique, plus vite encore que pour « l'esprit du 11 janvier ».
Le Président Hollande est un excellent exemple du leadership européen actuel, qui a depuis longtemps abandonné tout effort de réflexion stratégique réaliste, empêtré dans ses angoisses budgétaires et l'obsession de la « construction Européenne», d'où est supposé venir le « salut ». Les questions internationales ont été abandonnées au « parrain » américain (Rappelez-vous le jour J!). Les États-Unis, censés d'autant mieux nous sauver de tout ce chaos qu'ils l'ont eux-mêmes créé.
Il est temps maintenant de se réveiller. La situation est compliquée, mais pas du tout impossible à comprendre, même si à première vue elle n'a aucun sens. Le chaos s'est initialement déclenché en deux endroits: la conquête israélienne de la Palestine, et la manipulation américaine de fanatiques islamiques en Afghanistan pour combattre l'ennemi héréditaire : l'Union soviétique. Parallèlement, afin de lutter contre le nationalisme arabe, considéré comme son principal ennemi régional, Israël était prêt à accueillir la croissance de l'islam politique comme un bon moyen de saper le pan-arabisme laïcisant, le nasserisme, les États baasistes de l'Irak et la Syrie et la modernisation kadhafiste en Libye. C'est pourquoi les États-Unis ont entrepris la destruction méthodique de ces États, en exploitant des prétextes «humanitaires». Une politique impérialiste promue par les milieux chrétiens fondamentalistes et les inconditionnels d'Israël aux États-Unis, qui l'ont imposée par médias interposés en vendant l'idée7 que les ennemis d'Israël étaient les ennemis des Etats-Unis. La responsabilité d'Israël dans ces désastres est une évidence désormais mondialement acquise sauf naturellement aux États-Unis8. L'exploitation inavouable au profit des objectifs des États-Unis et d'Israël, des tendances extrémistes latentes a été encouragée par des succès initiaux, et du fait de sa croissance spectaculaire, elle en est arrivée à représenter, aux yeux de beaucoup, la manière la plus efficace de rejeter la domination occidentale. Pour aggraver les choses, l'Arabie saoudite a rejoint la mêlée, en utilisant ses vaste surplus monétaires pour construire des mosquées et répandre ses idées wahhabites des Balkans au Nigeria. Ce financement saoudien des fanatiques sunnites a pour but, en menant une guerre de religion contre l'Islam chiite, d'éradiquer la menace de son rival, l'Iran. Depuis qu'Israël voit aussi l'Iran comme un ennemi régional majeur, l'Arabie saoudite et Israël sont devenus de facto des alliés régionaux, dans une sorte de « triple alliance » opportuniste avec États-Unis.
De son coté, la France s'est progressivement liée à Israël par un syndrome de « mauvaise conscience » encouragé et promu par les médias, les personnalités et les politiciens sous l'influence d'organisations comme le CRIF (Conseil représentatif des organisations juives de France)9. Par ailleurs, elle s'est placée sous la dépendance de l'Arabie Saoudite non seulement par ses approvisionnements énergétiques, mais plus encore par le débouché saoudien pour le matériel militaire français.
Pour faire de cette longue histoire un court résumé, cette construction perverse et mortifère d'alliances contradictoires et contre-nature a conduit à une situation où «l'Occident», autrement dit les États-Unis, la Grande-Bretagne et la France, sont « en guerre » contre les deux adversaires du conflit en Syrie. Ils font mine de bombarder les fanatiques islamiques qui affirment leur intention de détruire l'Etat syrien mais proclament qu'avant tout « Assad doit partir ». Ce qui suppose que si Assad « s'en va », la Syrie serait toujours là. Mais les « faits têtus » et reconnus de tous ( sauf de nos démocrates occidentaux) attestent du fait que la seule réalité de l’État syrien, c'est Assad... qui en est avant tout le symbole et le seul élément unificateur, et dont l'armée (multiconfessionnelle) était seule à poursuivre10 la lutte contre les forces djihadistes constituées et soutenues par l'étranger depuis quatre ans, malgré de lourdes pertes11 .Une armée nationale arabe et un Président qui porte toujours ses fonctions gouvernementales. Assad commande le respect et l'adhésion de l'Armée et de la majorité des citoyens qui restent dans ce qui reste de ce pays assiégé. La guerre en Syrie est tout simplement la dernière en date d'une série de guerres consistant à éliminer les ennemis d'Israël et de l'Arabie Saoudite, grâce au soutien américain .. Appeler Assad à «s'en aller» signifie appeler la Syrie à partir en morceaux.
Et qui va ramasser les morceaux ? Trois voisins hostiles du pays, bien sûr : la Turquie prendrait le Nord, Israël prendrait le plateau du Golan (de façon permanente) et peut-être plus, tandis que les fanatiques clients de l'Arabie Saoudite seraient tentés de mettre la main sur ce qui reste, et que la même stratégie « gagnante » se poursuivrait au Yémen, etc.
Dans ce délire chaotique, seule la Russie a agit clairement, rationnellement et efficacement. Elle est intervenue, légalement, à la demande du gouvernement syrien, pour tenter de sauver un état constitué et emblématique de la conscience arabe, et de bloquer l'expansion des fanatiques islamiques, qui sont une menace que la Russie elle-même connaît bien pour l'avoir durement éprouvée. Les dirigeants américains et israéliens se sont précipités pour couvrir la France de leur «solidarité», en réalité destinée à prévenir le risque que « sous le choc », la France ne découvre enfin qu'il lui faut urgemment se défaire de l'étreinte mortelle qu'a provoqué cette alliance destructrice. Parfois, une catastrophe peut signaler un tournant dans le désastre.
Alors que faire? La France est déjà en guerre en Syrie, mais quelle guerre?
Le président Hollande désormais sous l'injonction comminatoire « d'unité nationale », n'a plus d'autre choix que de se rendre aux appels de l'ancien président Nicolas Sarkozy, que son statut d'opposant autorise à préconiser un radical changement d'alliance : avec la Russie contre Daech. « Il ne peut y avoir deux coalitions en Syrie », ont dit Marine Le Pen et Sarkozy qui ont « été à Moscou » et ont de longue date appelé à de meilleures relations avec Vladimir Poutine. Qu'est-ce que ce nouveau « tournant » peut signifier pour les relations avec l'OTAN et les États-Unis, si délicates en ce moment. Car, l'Union européenne est également ébranlée par la propagation du chaos engendré par sa propre logique atlantiste au Moyen-Orient. Les attaques terroristes de Paris vont certainement refroidir l'enthousiasme de façade, initialement affiché pour accueillir en masses et dans toute leur confuse « diversité » les migrants du Moyen-Orient. Une manière « démocratique et humanitaire » d'assumer les déplacements de population comme conséquence logique de la stratégie du chaos promue dans les pays d'origine ce ces réfugiés, supposément politiques. Mais désormais, comme la Hongrie et l'Autriche, la France a maintenant fermé ses frontières. Schengen (accord de l'UE sur les frontières) est « kaput ».
« Que faire alors des réfugiés ? » devient une question angoissante ... sans aucune bonne réponse. La gauche française, dans sa forme actuelle (dite « de gouvernement »), est manifestement sur son lit de mort. Victime agonisante, par sa propre faute, de sa dépendance trop doctrinaire de l'UE et de l'euro, de trop de trahison de la classe ouvrière, de trop d'influence pro-israélienne, de trop d'allégeance à Washington, de trop d'incantations creuses sur le «multiculturalisme» et le « sauvetage de la planète », de trop de censure du débat et de trop d'étouffement de toute controverse , de trop d'auto-satisfaction cyniquement aveugle et de trop d'illusions de classe dans ses stéréotypes vertueux. L'arrogance, l'aveuglement et la malhonnêteté de la gauche politicienne déplacent inéluctablement la France vers la droite. Mais attention: la droite française est encore très à gauche de la droite américaine, et même d'une grande partie de la gauche américaine dans de nombreux domaines essentiels. Les Américains soucieux de la paix mondiale devraient donc suspendre leur jugement d'un pays enfin sur le point de remettre en cause sa politique étrangère « made in USA ».
Diana Johnstone, depuis Paris.
1 NdT : Une centaine de morts et de blessés, qui n'ont guère eu d'écho, et ont été soigneusement passés sous silence, par les mêmes commentateurs et réseaux prétendument sociaux.
2Ndt : Une série de cinq attentats en Russie en 1999 contre des immeubles d'habitations entre le 31 août et le 16 septembre 1999 dans plusieurs villes de Russie d'Europe ont fait au moins 290 morts et un millier de blessés.
3Ndt : Cet article a été écrit par Diana Johnstone pour le public anglo-saxon.
4Ndt : Cf. « L'insurrection » supposée venir et les déclarations de Coupat, du « comité invisible » et consort, pour conchier au nom des « libertés » les prétentions de l’État à embastiller les islamistes radicalisés en mal de Jihad syrien.
5Ndt : Du « pacte de responsabilité » aux Lois Macron, et autres « tournants de la rigueur » euro-libérale.
6Ndt : Analogue à la contestation au motif religieux du caractère scientifique de la théorie de l'évolution, parfaitement courante et légale dans le système éducatif aux U.S.
7Ndt : Dans une perspective millénariste profondément ancrée dans l'inconscient collectif américain.
8Ndt : Du fait de la dérive atlantiste ce genre d'évidence est également occultée par la classe dirigeante française et europhile et ses relais médiatiques institutionnels.
9Ndt : Notamment en exploitant le « transcendantal pétainiste » latent et les « mauvais souvenirs » de l'occupation, refoulés dans la stigmatisation au motif d’antisémitisme de toute critique de la politique raciste et fascisante d'Israël.
10Ndt : Jusqu'à l'intervention Russe.
11NdT : la majorité des victimes de cette guerre civile importée sont les soldats de l'armée syrienne.