DÉMISSION
par Badia Benjelloun
La présentation de la Programmation pluriannuelle de l’énergie a été l’occasion pour le président Macron de mécontenter à la fois les escrologistes et les protestataires de la France d’en bas pour désigner en une périphrase gentillette, ceux qui n’en peuvent plus de vivre avec un découvert bancaire souvent dès la moitié du mois. Autrement dit, les prolétaires, ceux que leurs salaires ne nourrissent plus. L’insuffisance des ressources concerne deux Français sur cinq qui sont contraints de payer entre 8 à 16% le crédit à très court terme que constitue l’autorisation de ‘découvert’ aux particuliers. Les banques engrangent ainsi un bénéfice de plusieurs milliards d’euros annuels extorqués justement aux plus ‘démunis’.
Le report à l’échéance de 2035 de la réduction à 50% de la part du nucléaire au lieu de 2025 comme prévu dans la programmation antérieure s’additionne aux incertitudes sur les filières alternatives aux énergies polluantes. De quoi indisposer la petite fraction de la population sérieusement préoccupée de dégradations irréversibles des conditions de vie sur la planète. L’ensemble des observateurs a pu noter l’absurdité de la proposition technocratique de la mise en place d’un Haut Conseil sur le climat, il existe déjà pléthore de commissions et de comité pour cela. Ce dit Conseil aurait la charge d’évaluer l’impact des réformes et mesures environnementales décidées par le gouvernement, c’est-à-dire de mesurer si les prochaines taxes seront acceptables, ce que devraient savoir les fonctionnaires préposés au budget ainsi que les députés censés représenter le peuple. Faire dépendre l’avenir des prochaines centrales nucléaires type EPR de la réussite du site de Flamanville, le réacteur devait démarrer en 2012 puis 2016 et maintenant 2020, devrait laisser présager de leur abandon. Le prototype est très coûteux, plus de trois fois le coût initial il a été mal budgétisé et de nombreuses malfaçons l’ont retardé, Bouygues en particulier y a mal encadré des travailleurs détachés et des non déclarés.
Le verbiage inconsistant mouliné à l’adresse des Gilets jaunes a ben sûr raté sa cible. La taxe sur le diesel n’a été que le godet de plus qui a fait déborder la piscine. Elle pénalise surtout le travailleur pauvre pour qui la voiture est une extension nécessaire de son être de travailleur. Elle n’allait pas alimenter des programmes de transition énergétique mais plutôt permettre à la province française de l’Union européenne de respecter les limites imposées du déficit budgétaire. En décidant de supprimer l’ISF, l’État s’est privé d’une rentrée fiscale de près de 5 milliards d’euros. La cohérence aurait été d’adopter comme l’ont fait les Usa une imposition universelle, où qu’il vive un citoyen étasunien doit envoyer une déclaration de revenus au pays. La rigueur aurait dû imposer une lutte efficace contre l’évasion fiscale, 3500 ménages français cachent plus de 140 milliards dans les paradis fiscaux.
Une solution écologique honnête aurait été de renforcer les transports publics, les améliorer et non de supprimer des lignes ‘peu rentables’ comme cela s’est pratiqué ces vingt dernières années. Cet abandon du service public, les transports en commun en sont un, au même titre que l’enseignement (et non pas l’éducation) et la santé, a été dicté justement par l’Union européenne et son dogme de concurrence non faussée.
Les Gilets jaunes à défaut d’avoir un programme politique ou économique précis ont en revanche un slogan dépourvu d’ambiguïté ‘Macron, démission’. Ils ne semblent pas vouloir déposer les armes ni raccrocher leur gilet. Le cynisme du personnel mis au pouvoir par des manœuvres de ‘communicants’ a eu raison de la crédulité des plus crétins d’entre eux. Les difficultés des retraités, des travailleurs précaires et des temps partiels forcés sont concrètes. Elles ne sont plus solubles dans les traitements psychoactifs des troubles de l’humeur et des dépressions ni supportées par des addictions. Elles s’épanchent dans la rébellion et l’espoir qu’elle aboutisse.
La culture catholique (et ouvrière) de ce pays est incompatible avec l’acceptation de la grâce et de l’élection de certains par le Seigneur comme c’est le cas chez toutes les variantes du protestantisme. Elle est à même de contester les inégalités et les injustices. Quand Jésus a voulu chasser les marchands du Temple, il voulait le rachat certes des péchés mais surtout des dettes de ses coreligionnaires. La Maison de Dieu était à la fois une boucherie (sacrifice des bêtes organisé par des ministres à fonction héréditaire) mais aussi un lieu de prélèvement d‘une dîme religieuse et sans doute aussi une banque. C’est ce qu’a montré Michael Hudson dans son dernier ouvrage ‘Efface leur dette’ fondé sur le travail d’archéologues spécialisés dans l’Age de bronze en Mésopotamie.
Ce Mouvement macronien n’est structuré sur rien d’autre qu’une direction, celle de ce capitalisme embourbé dans des dettes de toute nature qui asservissent soit par l’exploitation de leur travail, soit par leur exclusion du travail la majorité.
Incapable de percevoir que ce système est depuis longtemps en ééquilibre métastable, il se montre décontenancé par le rappel de cette réalité. Son talent, rapprocher par des négociations un vendeur et un acheteur de gros secteurs de l’économie, pouvait s’exercer sans aucun risque sinon celui d’empocher de grosses commissions une fois réalisée la transaction. Il ne peut en faire un capitaine par gros temps quand les atteintes des droits des travailleurs ne sont plus endiguées dans des défilés normalisés les samedi ensoleillés entre République et Nation.
La diversion tentée vers la voie trop souvent empruntée de cellules terroristes découvertes et désamorcées n’a pas fait recette. Elle a vite été étouffée sous l’avalanche des déclarations d’un Sinistre de l’intérieur qui ne voyait sur les Champs Elysées que séditieux et extrême droite nauséabonde.
Lundi, on apprenait l’arrestation de Benoît Quennedey, un haut fonctionnaire du Sénat, suspecté d’espionner pour le compte d’une puissance étrangère. Cet énarque, d’une érudition rare, est en charge du patrimoine et des jardins au palais du Luxembourg, fonction qui ne l’expose pas à accéder à des informations ‘sensibles’. La transmission de plans de palais ou de jardins à la Corée du Nord ne risquerait pas de mettre en danger la sécurité de l’Etat français. Car Benoît Quennedey est en effet président de l’association d’amitié franco-coréenne qui a connu trois présidents avant lui, toutes personnalités honorables et d’obédience politique différente. Quennedey appartient depuis longtemps au parti des Radicaux de gauche qui n’a pas pour vocation d’entreprendre une révolution bolchevik. Les entrefilets que la presse dominante a consacrés à cette interpellation sont plutôt prudents. Circonspects, ils n’excluent pas l’hypothèse que lui soit simplement reprochée son admiration pour un pays ‘totalitaire’ dans lequel il a voyagé plusieurs fois, comme tous les membres de cette association. On sait qu’à son arrivée à l’Elysée, Macron a voulu refonder les renseignements et s’est attaché une unité anti-terroriste mise sous son contrôle direct. Il est difficile de comprendre la teneur politique de cette garde à vue (loufoque et tragique) pour suspicion de crime très grave de haute trahison.
Diversion médiatique offerte par la DGSI quand la rue conteste avec une ampleur inattendue le chef de l’Etat.
Mise à distance (désaveu ou critique discrète) de Trump qui a procédé à un rapprochement spectaculaire avec la République populaire et démocratique de Corée du Nord quand celle-ci a montré sa capacité à se protéger grâce à son programme balistique intercontinental?
La France est le deuxième pays à ne pas avoir de représentation diplomatique avec la RPDCN après l’Estonie.
Complaisance vis-à-vis du Japon liée à l’arrestation et la détention humiliante de Carlos Ghosn, toujours patron en théorie de Renault ? Le rachat de titres Renault en 2015 par le ministre de l’économie Macron avait permis de réduire à zéro les voix Nissan dans le Conseil d’administration gros actionnaire de Renault en raison de l’application de la loi Florange.
S’agit-il d’installer et de conforter un climat de répression de toute opposition réelle ou seulement probable, supposée ou à peine soupçonnée ? Dans la droite ligne de la mise en examen de Fillion et des perquisitions à l’encontre de la France Insoumise dans un contexte de régime d’exception institué depuis l’état d’urgence après les attentats de 2015. Les 5000 perquisitions ordonnées dans la foulée de supposés radicalisés fichés S n’avaient abouti à quasiment aucune mise en détention. L’arrestation d’innocents sans motif sérieux est le premier pas qui conduit à la perte de la personne juridique. La non protection par la loi du commun induit une insécurité et constitue l’arbitraire. Le régime de l’arbitraire est l’argument constitutif du totalitarisme qui se définit par la destruction, ici subtile, de l’opposition et par la détention d’innocents qui ignorent leur délit et la nature de leur peine.
Quennedey serait alors victime d’une de ses raisons ou d’une combinaison de certaines d’entre elles. Peut-être l’est-il d’une raison plus triviale, une bourde potache de la DGSI ?
Pour chacun de ces raisons, les Giletsjaunes auraient raison de continuer à scander leur slogan. Démission. En Tunisie et en Egypte, les mêmes sans gilets criaient ‘Dégage !’.
A peine un an et demi après l’élimination de rivaux qui n’étaient pas assez déterminés à prendre le pouvoir, confortablement installés dans une position d’éternels opposants, Macron avec moins 25% d’approbation de son public, lassé de son mépris, est sinon démissionnaire, d’ores et déjà démis.
Badia Benjelloun.
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http://www.leparisien.fr/espace-premium/fait-du-jour/jackpot-pour-les-banques-12-07-2016-5960487.php
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http://www.perdre-la-raison.com/2017/10/suppression-de-lisf-enfumage-de-bercy.html
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Un haut fonctionnaire du Sénat interpellé pour des soupçons d'espionnage