Rien de tel que le sentiment d’appartenance à une communauté positive pour favoriser l’épanouissement de la personnalité. Tous les traités de psychologie et de psychologie sociale montrent que se sentir en lien avec son environnement et en connexion avec un groupe renforce la confiance en soi et éloigne la dépression et l’instabilité émotionnelle.

 

Les Allemands s’expatrient quand ils le peuvent.

Une étude publiée en mars 2015 par le journal Die Welt montrait la propension d’une élite allemande éduquée à quitter son pays pour travailler ailleurs, principalement en Suisse, aux Usa et en Autriche. Selon le Conseil allemand d’experts sur l’intégration et les migrations, entre 2003 et 2013, un million et demi d’Allemands ont émigré pour faire carrière ailleurs. La plupart de ces émigrés, universitaires, médecins et étudiants finissent par réintégrer leur pays mais le solde migratoire reste négatif depuis les années soixante. L’office des statistiques désigne cela sous l’appellation ‘ mobilité des travailleurs’. Entre 2009 et 20013, 710 000 Allemands, plus jeunes et plus diplômés que la moyenne ont quitté leur pays alors que 580 000 ont choisi d’y retourner. On recense actuellement près de quatre millions d’émigrants allemands vivant en dehors de la République fédérale d’Allemagne.

L’Allemagne connaît un autre problème qui affecte sa démographie. Le taux de fécondité des femmes allemandes 1,37 en 2012 (versus 1,99 pour la France) est l’un des plus faibles au niveau européen depuis de nombreuses années alors que 2 ,1 est requis pour maintenir la population en l’état. Ceci a permis de projeter une baisse de la population de 15 millions d’habitants, passant de 80,5 à 66 millions pour l’année 2060.

Le vieillissement inexorable de la population, seulement 22% ont moins de 25 ans, pose des problèmes économiques, ceux de la productivité et de l’innovation sans compter le poids des retraites et des dépenses de santé mal assuré par une part plus faible de salariés.

Cet appétit des plus instruits à l’émigration et cette très faible natalité malgré les encouragements financiers de l’Etat, crèches en nombre et qualité suffisants, allocations pour les parents qui élèvent leurs enfants, disent les difficultés d’une société à faire ‘communauté’.

Le plan Marshall d’aide à la reconstruction d’une Allemagne responsable pour ses besoins d’expansion territoriale  d’une guerre européenne en 39-45  était assorti d’une condition. La nation allemande enfermée dans sa partie occidentale allait se fondre dans le projet d’une union économique européenne. La culpabilité du désastre nazi a été infligée collectivement (et soigneusement entretenue), ses traces persistent encore dans les mémoires et les façons d’être au monde, ce qui n’exalte pas l’appartenance subjective des citoyens à leur histoire récente.

 

Migrations entrecroisées.

L’ironie grinçante de l’histoire veut que l’étude chiffrant cette fuite des cerveaux allemands a été récupérée en 2015 par des anti-immigrationnistes opposés à la politique de Merkel d’accueil des réfugiés. Ils ont tordu dans un contresens absolu les faits observés qui s’inscrivent dans une tendance ancienne et toujours actuelle absolument antérieure et indépendante de la crise migratoire induite par la guerre de l’OTAN en Syrie. Angela Merkel, physicienne de formation a les yeux rivés sur les indicateurs économiques qui montrent la nécessité d’importer des hommes et des femmes jeunes et en bonne santé- c’est le cas car ils ont réussi à braver les difficultés de l’exode- pour les besoins de l’économie allemande présente et future. Les Polonais arrivés en masse ces dernières décennies ne suffisent pas à combler le déficit en travailleurs qualifiés ou non.

L’Allemagne impose d’une part sa monnaie l’euro- deutsche mark dans laquelle empruntent les pays de l’UE dont elle garantit la dette à condition qu’ils perpétuent l’austérité et qui en absence de relance sont maintenus en asphyxie budgétaire et économique. D’autre part, elle  pratique une politique d’accueil des réfugiés devenus « migrants »  pour bénéficier d’une main d’œuvre venue au secours d’une démographie doublement déficitaire. Elle encourage la rébellion des pays du Sud et de l’Est atteints par des vagues migratoires issues de guerres livrées par l’OTAN et de pillages des pays du tiers-monde par les Européens du Nord dont ils ne se sont jamais sentis partie prenante. L’Italie était réticente à l’intervention en Libye et la Hongrie n’a pas eu son mot à dire concernant la création d’une fausse guerre civile en Syrie.

 

 

Les Français aussi.

Un Français sur deux envisage de vivre à l’étranger. Ils sont 72% à vouloir le faire quand ils ont entre 18 et 24 ans. En 2000, ils étaient un million d’expatriés dans le monde, en 2017, ils sont entre 2 et 2,5 millions. Des jeunes pour la plupart.

Ils cherchent des opportunités de carrière, un coût de la vie plus bas, un climat meilleur et une plus grande stabilité politique.

Ni l’histoire de Clovis, ni celle de Vercingétorix ne semblent les attacher à leur pays de naissance. Un sondage en 2014 réalisé par Gallup montrait le peu d’enthousiasme des Français à vouloir se battre pour leur pays et le défendre. A peine 30% déclarent être prêts à le faire, ce qui illustre que l’attachement patriotique et le sentiment d’être réellement défini par l’appartenance à la communauté française ne sont que des critères faibles d’identité. Pourtant la France n’est pas en guerre apparente permanente, tout est fait pour occulter l’activité de l’armée en Afrique avec deux bases officielles et quantité d’Opex, comme c’est le cas de l’entité sioniste où 59% des étudiants interrogés envisagent de quitter Israël. 

Interrogés de la même manière, les jeunes Maghrébins ne diffèrent pas des Européens. En cas d’opportunité professionnelle, les Algériens  seraient prêts  pour 84% d’entre eux à quitter leur pays pour une meilleure carrière à l’étranger, les Marocains n’ont pas de projet d’émigration mais en cas d’offre d’emploi mieux rémunérée, ils rejoindraient l’étranger à 91% avec une nette préférence pour le Canada, devant la France, l’Allemagne et les Usa.

 

 

Le salut ailleurs que chez soi.

Ces sondages et enquêtes d’opinion concernent essentiellement une jeunesse ayant accédé à une formation universitaire. Ils reflètent l’état d’esprit de ce qui constitue les forces les plus vives d’une nation. La ‘globalisation’ autre nom de la dérégulation économique et l’effacement des frontières aux capitaux et aux marchandises, l’imprégnation des masses par un individualisme forcené qui a dissipé le sentiment d’appartenance à un groupe, résultat du travail idéologique d’une Thatcher et consorts trouvent ici leur issue. Ceux qui constituaient historiquement l’élite du pays dans lequel ils sont nés et ont été éduqués ne lui témoignent pas d’attachement particulier et sont prêts à le quitter pour obtenir un confort matériel supérieur. Avec une ampleur qui désorganise certainement les sociétés d’origine et également celles qui absorbent les migrants. Former un médecin ou un ingénieur représente un coût et un investissement considérable qui devient une perte pour l’un et un gain pour le receveur. Ce délitement social s’accompagne de conquêtes sociétales où toute différence est combattue au nom d’un devoir d’égalitarisme sans substance où les animaux et bientôt les végétaux auront les mêmes droits qu’une personne humaine.

Il s’accompagne de perte des marqueurs nationaux comme la langue. Macron restera célèbre pour avoir prétendu que le français avait son socle désormais quelque part en Francophonie et s’affranchit de son territoire de naissance. Un précédent gouvernement en France avait décrété que nombre d’enseignements dans le supérieur se feraient en anglais.

De même restera dans la mémoire des Marocains la proposition d’un réformateur qui souhaitait abolir l’enseignement de l’arabe et en arabe, langue universelle, par celui en différents dialectes ou patois, brisant l’histoire, la culture et l’unité d’un pays.

Euthanasier les langues et accepter d’échanger dans un mélange inextricable de plusieurs sans qu’aucune ne soit maîtrisée participe de la destruction des nations et Etats nations hérités d’une tradition européenne postérieure au traité de Westphalie.

L’avion de chasse, l’avion cargo et l’avion de transport des passagers-touristes ont largement participé à l’unification d’un monde où par exemple le travailleur consommateur ne sait pas qu’en prenant un Uber il  rétribue un fonds d’investissement séoudien et qu’il participe à faire disparaître les salaires différés comme la retraite et les droits aux soins de santé.

 

Le sentiment d’appartenance à une communauté ‘positive’ encourage l’expression des idées de chacun au sein du groupe qui  dès lors s’enrichit de points de vue et de perspectives multiples. Parmi les traits qui caractérisent une communauté de cette sorte, par delà les buts partagés et le travail en commun pour les atteindre, la non exclusion des minorités qui la composent est essentielle pour sa pérennité. La communauté encourage ses membres à accomplir leurs obligations au lieu de simplement édicter des lois et des règlements. Elle se fortifie en célébrant l’héritage accumulé depuis sa constitution au travers de commémorations d’évènements vécus en commun et en rappelant les circonstances de sa naissance.

Thatcher a eu raison de siècles d’héritages et de partages.

C’est plutôt à son idéologie que les ‘populistes’ s’ils étaient éclairés de leur histoire devraient s’attaquer et non aux effets induits de ce qu’il est convenu d’appeler le néo-libéralisme qui n’est rien d’autre que le capitalisme rendu à son état natif et sauvage.

Une des exceptions notables à cette propension à aller vivre ailleurs est représentée par les Palestiniens. La volonté de retourner chez eux des Palestiniens chassés en 1948 et 1967, réfugiés dans leur propre pays, les pays voisins et ailleurs plus loin dans le monde est indéracinable, constitutive de leur Etre.

 

 

Badia Benjelloun

23 octobre 2018

Tag(s) : #badia benjelloun, #liberté d'expression
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